La virulence de cette crise pèse à tel point sur la politique
intérieure espagnole qu'au lendemain de la tant attendue rencontre
entre MM. Obama et Zapatero, deux des principaux quotidiens espagnols, El
Pais (centre gauche) et ABC (conservateur), dédiaient au-dessus de
la photo des deux mandataires leur titre principal à un imminent remaniement
ministériel en Espagne. La situation économique et sociale
contraindrait, affirment les médias, M. Zapatero à bouleverser
son cabinet un an seulement après le début de sa seconde législature.
"Zapatero envisage de se renforcer contre la crise avec des poids lourds"
et "La crise pousse Zapatero à remodeler le gouvernement" titraient
respectivement à la une El Pais et ABC. Les deux quotidiens prédisent
notamment et surtout le remplacement du ministre de l'Economie et des Finances,
Pedro Solbes. Dans son bulletin mensuel de mars,
la Banque d'Espagne annonçait deux ans encore de récession
et un taux de chômage catastrophique frôlant les 20% en 2010,
soit plus du double du taux prévu pour la zone euro. Selon Eurostat,
les 3,5 millions actuels de chômeurs espagnols représentent
15 % de la population active, le taux le plus élevé parmi les
27 pays de l'Union européenne (UE).
A Prague, où se tenait le 5 avril un sommet informel Etats-Unis -
UE, la rencontre entre Barack Obama et José Luis Rodriguez Zapatero
s'inscrivait dans la douzaine d'entretiens bilatéraux du président
des Etats-Unis avec d'autres chefs d'Etat ou de gouvernement lors
d'une première tournée européenne comprenant aussi le
sommet du G20, à Londres, et le sommet du 60e anniversaire de l'Alliance
atlantique, à Strasbourg.
M. Zapatero et George W. Bush, auquel M. Obama a succédé le
20 janvier dernier à la présidence des Etats-Unis, n'ont jamais
eu le moindre entretien formel. Le retrait d'Irak effectué par M.
Zapatero, dès son avènement au pouvoir au printemps 2004, avait
quasi gelé les relations entre Madrid et Washington. C'est moins le
retrait des militaires espagnols dépêchés en Irak par
le conservateur José Maria Aznar que ses modalités qui irritèrent
Washington.
En avril et mai 2004, le retrait s'était opéré sans
coordination satisfaisante avec les forces alliées, ainsi mises davantage
en danger, et sans attendre la date du 30 juin 2004, initialement annoncée
par M. Zapatero pour ordonner ou non ce retrait en fonction du rôle
que joueraient à cette échéance les Nations unies à
Bagdad. Prenant ainsi l'allure d'une débandade un mois seulement après
les attentats islamistes de Madrid (191 morts, 1.856 blessés), le
retrait espagnol d'Irak fut interprété par divers gouvernements
occidentaux et par les intégristes musulmans comme un encouragement
au terrorisme d'Al-Qaïda. M. Zapatero poussa en outre plus loin son
défi à Washington en invitant publiquement d'autres pays à
se désengager du conflit irakien.
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En fonction de ce précédent, l'annonce unilatérale,
le 19 mars dernier, du retrait militaire espagnol du Kosovo provoqua "la
profonde déception" de Washington et sembla menacer un rapprochement
bilatéral. L'obstacle a été surmonté. M. Zapatero
laisse dans le flou le calendrier de ce retrait et soutient la nouvelle politique
de Barack Obama en Afghanistan, où les forces espagnoles au sein de
la mission de l'OTAN seront accrues de 450 hommes (pour un total d'environ
1.200) au moins jusqu'à l'élection présidentielle prévue pour le mois
d'août dans ce pays.
Devant les médias, à Prague, le président Obama a fait en ces termes
l'éloge de M. Zapatero: "J'ai apprécié de travailler avec
lui ces jours-ci. C'est quelqu'un qui comprend bien non seulement l'influence
extraordinaire de l'Espagne dans le monde, mais qui en plus assume ses responsabilités
avec beaucoup de sérieux. J'espère que la relation [des Etats-Unis
avec l'Espagne], qui est déjà solide, le sera beaucoup plus
et je salue l'occasion de coopérer ensemble dans de nouveaux domaines".
Barack Obama adouba littéralement M. Zapatero en proclamant
"Je suis content de pouvoir l'appeler mon ami".
Compte tenu de la présidence de l'Union européenne que l'Espagne
assumera au premier semestre 2010, au cours duquel se tiendra un nouveau
sommet Etats-Unis - UE, MM. Obama et Zapatero ont analysé notamment
la situation en Amérique latine, particulièrement à
Cuba et au Venezuela. Selon des sources du gouvernement espagnol citées
par El Pais, le président américain s'est montré préoccupé
de la paralysie de l'évolution des droits de l'homme dans l'île
des frères Castro et M. Zapatero se serait offert pour tenter d'y
faire progresser la démocratie. Les deux dirigeants prônent par ailleurs l'adhésion
de la Turquie à l'Union européenne.
Au soir du 5 avril, à Istanbul, où il devait participer au
IIe forum de l'Alliance des civilisations, José Luis Rodriguez Zapatero a affirmé
lors d'une conférence de presse qu'il "ne faut pas se demander ce
que peut faire Barack Obama, mais plutôt ce que nous pouvons faire
pour appuyer Barack Obama et pour que ses idées en matière
internationale soient menées à bien".
Selon M. Zapatero, qui a particulièrement apprécié le
"monde sans armes nucléaires" suggéré à Prague par le
président des Etats-Unis, l'Espagne est prête à coopérer
avec l'administration Obama dans l'établissement d'un monde pacifique,
la lutte contre la pauvreté et l'offre d'un meilleur avenir pour les
générations futures. En janvier dernier, réagissant
au discours d'investiture de Barack Obama, le leader socialiste espagnol
avait salué ce qu'il appela "l'identité social-démocrate
très pure" du nouveau locataire de la Maison blanche.///
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