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Dégel entre l'Espagne et les Etats-Unis : Obama "ami" de Zapatero, fragilisé par la crise globale
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MADRID, lundi 6 avril 2009 (LatinReporters.com) - Glaciales pendant cinq ans à cause du dossier irakien, les relations entre l'Espagne et les Etats-Unis se réchauffent progressivement depuis l'entrée de Barack Obama à la Maison blanche. Ce dégel s'est confirmé lors du premier entretien formel avec un président des Etats-Unis, le 5 avril à Prague, du socialiste espagnol José Luis Rodriguez Zapatero, au pouvoir depuis avril 2004. "Je suis content de pouvoir l'appeler mon ami" a dit devant les médias Barack Obama, la main sur l'épaule de M. Zapatero, par ailleurs fragilisé dans son pays par la crise économique globale.

La virulence de cette crise pèse à tel point sur la politique intérieure espagnole qu'au lendemain de la tant attendue rencontre entre MM. Obama et Zapatero, deux des principaux quotidiens espagnols, El Pais (centre gauche) et ABC (conservateur), dédiaient au-dessus de la photo des deux mandataires leur titre principal à un imminent remaniement ministériel en Espagne. La situation économique et sociale contraindrait, affirment les médias, M. Zapatero à bouleverser son cabinet un an seulement après le début de sa seconde législature.

"Zapatero envisage de se renforcer contre la crise avec des poids lourds" et "La crise pousse Zapatero à remodeler le gouvernement" titraient respectivement à la une El Pais et ABC. Les deux quotidiens prédisent notamment et surtout le remplacement du ministre de l'Economie et des Finances, Pedro Solbes. Dans son bulletin mensuel de mars, la Banque d'Espagne annonçait deux ans encore de récession et un taux de chômage catastrophique frôlant les 20% en 2010, soit plus du double du taux prévu pour la zone euro. Selon Eurostat, les 3,5 millions actuels de chômeurs espagnols représentent 15 % de la population active, le taux le plus élevé parmi les 27 pays de l'Union européenne (UE).

A Prague, où se tenait le 5 avril un sommet informel Etats-Unis - UE, la rencontre entre Barack Obama et José Luis Rodriguez Zapatero s'inscrivait dans la douzaine d'entretiens bilatéraux du président des Etats-Unis avec d'autres chefs d'Etat ou de gouvernement lors d'une première tournée européenne comprenant aussi le sommet du G20, à Londres, et le sommet du 60e anniversaire de l'Alliance atlantique, à Strasbourg.

M. Zapatero et George W. Bush, auquel M. Obama a succédé le 20 janvier dernier à la présidence des Etats-Unis, n'ont jamais eu le moindre entretien formel. Le retrait d'Irak effectué par M. Zapatero, dès son avènement au pouvoir au printemps 2004, avait quasi gelé les relations entre Madrid et Washington. C'est moins le retrait des militaires espagnols dépêchés en Irak par le conservateur José Maria Aznar que ses modalités qui irritèrent Washington.

En avril et mai 2004, le retrait s'était opéré sans coordination satisfaisante avec les forces alliées, ainsi mises davantage en danger, et sans attendre la date du 30 juin 2004, initialement annoncée par M. Zapatero pour ordonner ou non ce retrait en fonction du rôle que joueraient à cette échéance les Nations unies à Bagdad. Prenant ainsi l'allure d'une débandade un mois seulement après les attentats islamistes de Madrid (191 morts, 1.856 blessés), le retrait espagnol d'Irak fut interprété par divers gouvernements occidentaux et par les intégristes musulmans comme un encouragement au terrorisme d'Al-Qaïda. M. Zapatero poussa en outre plus loin son défi à Washington en invitant publiquement d'autres pays à se désengager du conflit irakien.
En fonction de ce précédent, l'annonce unilatérale, le 19 mars dernier, du retrait militaire espagnol du Kosovo provoqua "la profonde déception" de Washington et sembla menacer un rapprochement bilatéral. L'obstacle a été surmonté. M. Zapatero laisse dans le flou le calendrier de ce retrait et soutient la nouvelle politique de Barack Obama en Afghanistan, où les forces espagnoles au sein de la mission de l'OTAN seront accrues de 450 hommes (pour un total d'environ 1.200) au moins jusqu'à l'élection présidentielle prévue pour le mois d'août dans ce pays.

Devant les médias, à Prague, le président Obama a fait en ces termes l'éloge de M. Zapatero: "J'ai apprécié de travailler avec lui ces jours-ci. C'est quelqu'un qui comprend bien non seulement l'influence extraordinaire de l'Espagne dans le monde, mais qui en plus assume ses responsabilités avec beaucoup de sérieux. J'espère que la relation [des Etats-Unis avec l'Espagne], qui est déjà solide, le sera beaucoup plus et je salue l'occasion de coopérer ensemble dans de nouveaux domaines". Barack Obama adouba littéralement M. Zapatero en proclamant "Je suis content de pouvoir l'appeler mon ami".

Compte tenu de la présidence de l'Union européenne que l'Espagne assumera au premier semestre 2010, au cours duquel se tiendra un nouveau sommet Etats-Unis - UE, MM. Obama et Zapatero ont analysé notamment la situation en Amérique latine, particulièrement à Cuba et au Venezuela. Selon des sources du gouvernement espagnol citées par El Pais, le président américain s'est montré préoccupé de la paralysie de l'évolution des droits de l'homme dans l'île des frères Castro et M. Zapatero se serait offert pour tenter d'y faire progresser la démocratie. Les deux dirigeants prônent par ailleurs l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.

Au soir du 5 avril, à Istanbul, où il devait participer au IIe forum de l'Alliance des civilisations, José Luis Rodriguez Zapatero a affirmé lors d'une conférence de presse qu'il "ne faut pas se demander ce que peut faire Barack Obama, mais plutôt ce que nous pouvons faire pour appuyer Barack Obama et pour que ses idées en matière internationale soient menées à bien".

Selon M. Zapatero, qui a particulièrement apprécié le "monde sans armes nucléaires" suggéré à Prague par le président des Etats-Unis, l'Espagne est prête à coopérer avec l'administration Obama dans l'établissement d'un monde pacifique, la lutte contre la pauvreté et l'offre d'un meilleur avenir pour les générations futures. En janvier dernier, réagissant au discours d'investiture de Barack Obama, le leader socialiste espagnol avait salué ce qu'il appela "l'identité social-démocrate très pure" du nouveau locataire de la Maison blanche.///

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