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Espagne - élections européennes : socialistes favoris grâce à l'Irak

Second tour des législatives de mars, bouleversées par les attentats de Madrid

"Avec toi, forts en Europe", slogan des conservateurs du Parti populaire - Affiche PP
MADRID, lundi 7 juin 2004 (LatinReporters.com) - Vainqueurs inattendus des législatives du 14 mars et aujourd'hui favoris après avoir retiré les militaires espagnols d'Irak, les socialistes misent sur une nouvelle victoire aux élections européennes du 13 juin pour prouver que c'est un besoin profond de changement -mais non l'émotion et l'indignation du moment- qui les amena au pouvoir.

Les conservateurs du Parti populaire attribuent, eux, leur rejet dans l'opposition à la "manipulation" médiatique de l'émotion soulevée par les attentats islamistes du 11 mars (191 morts et 1.900 blessés à Madrid), trois jours avant les législatives. Un triomphe le 13 juin pourrait leur donner raison. En Espagne, les élections européennes sont donc aussi et surtout le second tour des législatives.

SONDAGES

Quatre sondages publiés dimanche par les journaux madrilènes ABC, El Mundo et La Razon, ainsi que par La Vanguardia de Barcelone prédisent tous une victoire de la liste socialiste conduite par l'ex-ministre Josep Borrell et appuyée par le président du gouvernement José Luis Rodriguez Zapatero.

Avec un score compris entre 42,6% et 46,7% des voix, le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE - 42,6% aux législatives du 14 mars dernier) obtiendrait de 24 à 27 députés européens sur les 54 attribués à l'Espagne.

L'opposition conservatrice du Parti populaire (PP - 37,6% aux législatives de mars) réunirait de 37,2 à 38,4% des suffrages et de 21 à 23 eurodéputés.

Les autres sièges se partageraient entre les postcommunistes de Gauche Unie et deux coalitions dominées par des nationalistes et indépendantistes basques et catalans.

Selon le sondage d'ABC, la participation des 35 millions d'Espagnols appelés à voter le 13 juin serait de 55 à 60 % (77,2% aux législatives de mars). Le Centre d'investigation sociologique (CIS, organisme public) a surpris en prédisant que la participation pourrait s'élever à 76%.

Le ministère espagnol de l'Intérieur indique que parmi les 700.906 étrangers citoyens de pays de l'UE pouvant participer aux élections européennes, à peine quelque 130.000 ont exprimé leur volonté de voter en Espagne.

Investi président du gouvernement il y a moins de deux mois, le secrétaire général du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), José Luis Rodriguez Zapatero, est à nouveau en campagne pour épauler le nº1 de la liste socialiste aux européennes, l'ex-ministre des Travaux publics Josep Borrell. Le successeur de José Maria Aznar à la tête du Parti Populaire (PP), Mariano Rajoy, descend aussi dans l'arène, aux côtés de Jaime Mayor Oreja, ex-ministre de l'Intérieur et figure de proue des ambitions européennes de l'opposition conservatrice. En croisant eux-mêmes le fer, les premiers couteaux de la politique espagnole confirment l'enjeu national du scrutin européen.

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Gagner cette élection en la transformant en plébiscite sur le retrait des troupes espagnoles d'Irak est une possibilité stratégique que les socialistes exploitent à fond. Approuvé par 80% des Espagnols, ce retrait fut la première décision gouvernementale de J.L. Rodriguez Zapatero. Depuis fin mai, les 1.300 militaires que le conservateur José Maria Aznar avait envoyés en Irak sont tous "rentrés à la maison", comme l'avait promis le leader du PSOE.

"La paix mérite d'être votée une et cent fois. Allez voter à nouveau le 13 (juin) pour la paix" s'écriait dimanche Zapatero au palais des sports San Pablo de Séville. La veille, à Valence, toujours aux côtés de son premier candidat européen Josep Borrell, le même Zapatero lançait: "Si j'ai été capable de ramener les troupes d'Irak, et c'était difficile, comment ne pourrais-je pas amener l'eau à Valence?"

Ainsi, même l'insuffisance des nappes aquifères de la 3e ville d'Espagne et de sa région est mise à profit par les socialistes pour agiter encore l'épouvantail de la guerre en Irak.

Le massacre perpétré le 11 mars à Madrid par des terroristes islamistes fut revendiqué au nom d'Al-Qaïda en représailles à l'engagement militaire espagnol en Irak décidé par les conservateurs du PP aujourd'hui dans l'opposition. Au lendemain de la victoire inattendue, trois jours après le massacre, des socialistes aux législatives, plusieurs journaux européens et américains titraient: "Al-Qaïda gagne les élections en Espagne". Zapatero et le PSOE s'insurgèrent alors contre cette interprétation, mais ils démontrent aujourd'hui qu'à leurs yeux le conflit irakien est toujours rentable électoralement.

Les conservateurs, eux, ont tenté de mettre dans leur escarcelle électorale le 60e anniversaire du débarquement allié du 6 juin 1944 en Normandie. Les Etats-Unis ont alors sauvé l'Europe du nazisme et c'est à nouveau en alliance avec les Etats-Unis que nous pourrons vaincre aujourd'hui le terrorisme, affirmait en substance hier à Saragosse le chef du PP, Mariano Rajoy. Sous-entendu: il était juste d'épauler le combat des Américains en Irak et ramener nos troupes fut une erreur des socialistes.

"Nous revenons en Europe", slogan des socialistes et de leur tête de liste Josep Borrell
Photo LatinReporters.com
La tête de liste du PP au Parlement européen, Jaime Mayor Oreja, surenchérissait: "Si Chirac et Schröder votaient en Espagne, ils voteraient pour (le candidat socialiste) Borrell, car c'est lui qui défend le mieux les intérêts de la France et de l'Allemagne". Autrement dit, le retour de l'Espagne socialiste dans le camp pacifiste européen dominé par l'axe franco-allemand ne servirait pas les intérêts de l'Espagne en en ferait même, selon M. Rajoy, "un pays de seconde division". Le PP en veut pour preuve le désastre pour les producteurs espagnols de coton, de tabac et d'huile d'olive infligé, en avril à Luxembourg, par les ministres européens de l'Agriculture à leur nouvelle collègue socialiste espagnole, Elena Espinosa.

Poids institutionnel de l'Espagne dans l'Union européenne (UE)

Si, selon le Centre d'investigation sociologique (CIS, organisme public), 54% des Espagnols ne s'estimeraient que peu ou pas du tout intéressés par les nouvelles concernant l'Union européenne, ils seraient par contre quatre sur cinq à vouloir que leurs europarlementaires représentent "avant tout les intérêts de l'Espagne". Le slogan du PP, "Avec toi, forts en Europe" (Contigo, fuertes en Europa), s'ajuste à cette préoccupation. Son programme électoral aussi. "Nous refusons absolument de troquer plus d'Europe contre moins d'Espagne" y lit-on.

Les conservateurs mettent les socialistes au défi d'obtenir pour l'Espagne, dans le projet de Constitution européenne, un poids institutionnel équivalent à celui obtenu en 2000 dans le Traité de Nice par l'ex-président du gouvernement, le conservateur José Maria Aznar, à savoir 27 voix au Conseil européen, à peine deux de moins que les quatre grands de l'UE (Allemagne, France, Grande-Bretagne et Italie).

Le nouveau ministre espagnol des Affaires étrangères, le socialiste Miguel Angel Moratinos, prétend que l'Espagne conserverait son poids si elle obtenait, dans le système à double majorité prévu par le projet de Constitution européenne, que les décisions communautaires soient prises à la majorité de 50% des Etats et des deux tiers (66,6%) de la population des 25 membres de l'UE. La France et l'Allemagne soutiennent, elles, les pourcentages de 50 et 60% prévus par le projet constitutionnel.

Ce débat institutionnel pourrait être tranché à Bruxelles les 17 et 18 juin, soit après les élections européennes. Les socialistes espagnols auront alors les mains plus libres pour accepter des concessions qui confirmeraient leur approche participative, opposée à l'approche défensive que manifeste le PP à l'égard de l'Europe.

"Nous revenons en Europe" (Volvemos a Europa) dit le slogan de campagne du PSOE. "Le futur de l'Europe, c'est le futur de l'Espagne" confirme le manifeste électoral socialiste. "Pour recevoir, il faut savoir donner et l'Espagne a déjà reçu beaucoup de l'Europe" ose même dire Josep Borrell.

Un garde-fou limite toutefois déjà l'excès de concessions. Tous les candidats, partis et coalitions estiment en effet que les Espagnols devraient pouvoir se prononcer par référendum sur la future Constitution européenne.

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