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Vers la fin d'une frustration historique, avec l'aide de la France
G20 - "L'Espagne reconnue comme puissance" estime Zapatero, admis au sommet de Washington
MADRID, dimanche 9 novembre 2008 (LatinReporters.com) - "Le moment était venu d'être
logiquement reconnu par la communauté internationale comme une puissance"
déclarait le 8 novembre à Madrid le président du gouvernement
espagnol, le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero. Il confirmait
lors d'une conférence de presse radio-télévisée
qu'il participera le 15 novembre à Washington aux débats et
décisions sur la crise financière mondiale lors du sommet des
pays du G20, dont l'Espagne n'est pourtant pas membre.
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M. Zapatero en a remercié le président français,
Nicolas Sarkozy, et de manière inattendue le président des
Etats-Unis, George W. Bush, pourtant en froid avec Madrid depuis le retrait
des militaires espagnols d'Irak en 2004. "Ils ont su reconnaître la
réalité de l'Espagne et, ce qui est plus important, ils ont
su et ont voulu se comporter en amis de l'Espagne" a affirmé le dirigeant
socialiste espagnol.
La veille à Bruxelles, au sommet extraordinaire tenu par l'Union
européenne (UE) pour définir sa position commune avant la réunion
du G20, Nicolas Sarkozy, qui préside ce semestre l'UE, justifiait
ainsi la présence de l'Espagne à Washington: "Il me semble
difficile d'expliquer que la huitième économie du monde, je
veux dire l'Espagne, n'a pas sa place dans la réunion des 20 premières
économies du monde. Ce n'est pas un problème idéologique,
c'est un problème de bon sens. Or, il se trouve que la France ayant deux sièges,
l'un au titre du Conseil [européen],
l'autre au titre d'Etat membre du G8, cela ne pose donc aucun problème
que l'Espagne occupe l'un de ces deux sièges en tant qu'Espagne,
sans prendre la place de la France. Je pense que cet argument a été
aisément plaidable auprès du président Bush, puissance
invitante [sic]".
C'est donc de la main de la France que M. Zapatero participera avec voix
propre et droit de vote au sommet du G20. Le président Bush y a
consenti sur insistance de Nicolas Sarkozy, mais Washington n'aura adressé
aucune invitation au président du gouvernement espagnol. "Nous n'avons
rien contre l'Espagne en général" précisait le 7 novembre
à l'agence espagnole EFE une personnalité non identifiée
de l'administration américaine, ajoutant que Washington respecterait
toute décision des pays de l'UE concernant leur représentation
au sommet du G20.
Au pouvoir en Espagne depuis quatre ans et demi, José Luis Rodriguez
Zapatero n'a jamais été invité à la Maison
blanche. Plus que le retrait lui-même des troupes espagnoles d'Irak
en avril et mai 2004, c'est la prime au terrorisme qu'il représentait
un mois seulement après les attentats islamistes de Madrid (191
morts, 1.856 blessés), ainsi que le caractère précipité
de ce retrait, sans coordination avec les alliés et avant le terme
annoncé initialement par le leader socialiste, que le président
Bush n'aurait apparemment pas pardonné à M. Zapatero. La
présence de ce dernier le 15 novembre au sommet de Washington n'en
est que plus significative de l'importance que dit se voir reconnaître
l'Espagne officielle, par ailleurs très satisfaite de l'élection
de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis. MM. Zapatero
et Obama sont déjà convenus de relancer les contacts bilatéraux
au plus haut niveau.
Présence permanente ou exceptionnelle au G20?
Le G20 comprend le groupe de ce qu'il est convenu d'appeler les huit
principales puissances (G8 - Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie,
Japon, Royaume-Uni et Russie; à remarquer que le PIB de l'Espagne,
non membre, surpasse celui du Canada), plus onze grandes économies
émergentes (Afrique du Sud, Arabie saoudite, Argentine, Australie,
Brésil, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Mexique,
Turquie), ainsi que l'Union européenne. Présidé actuellement
par le Brésil, le G20 concentre 85% du PIB de la planète
et deux tiers de sa population.
"La présence de l'Espagne [à une réunion du G20]
sera-t-elle permanente ou s'agit-il d'une présence exceptionnelle,
en l'occurrence sur un siège cédé par la France, qui
ne présidera plus [dès janvier 2009] l'Union européenne?"
a demandé une journaliste espagnole à M. Zapatero.
Le poids d'une frustration historique et l'ambition géopolitique
de la nouvelle Espagne se reflètent dans cette réponse du chef
du gouvernement espagnol, nécessairement imprécis, car appartenir
ou non au G20 ou au G8 ne dépend pas de sa seule volonté:
"Durant trente ans [de démocratie post-franquiste], nous avons travaillé
en tant que pays pour nous moderniser, pour nous ouvrir au monde et pour
montrer nos meilleures valeurs. Nous avons progressé sur le plan
de notre force économique, de notre capacité de nouer des
relations internationales et de notre influence. Le moment était
venu d'être logiquement reconnu, et pour cela il fallait lutter, par
la communauté internationale comme une puissance qui a parcouru en
trente ans un chemin réellement brillant".
"Et si nous travaillons bien au-delà du 15 novembre, au-delà
du sommet de Washington, nous consoliderons notre position comme acteur
global éminent. Il s'agit, de mon point de vue, de l'une des aspirations
les plus importantes que puisse nourrir l'Espagne (...) Nous faisons un
premier pas d'une importance extraordinaire en assistant au sommet
de Washington et, bien sûr, il nous appartient maintenant de consolider
cette première reconnaissance au sein de la communauté internationale"
a poursuivi M. Zapatero.
Et d'ajouter: "Je veux rappeler que lorsqu'on ébaucha l'actuel
système financier international, le Fonds monétaire international
et la Banque mondiale, dans les années 40, l'Espagne n'était
nulle part, car nous vivions en dictature. Nous n'avons pas participé
à cette période constituante qui réunissait à
cette époque une quarantaine de pays. Depuis 1977, nous avons dû
récupérer beaucoup de temps perdu et maintenant nous pouvons
dire avec satisfaction, comblant sûrement l'un des principaux désirs
de ceux qui pilotèrent la transition [de la dictature franquiste à la
démocratie], que cette fois, dans cette nouvelle réunion pour
élaborer un nouvel ordre financier international, l'Espagne sera là".
L'opposition juge indigne le "tabouret" français
Toutes ces phrases majeures prononcées par M. Zapatero donneraient
volontiers l'impression qu'en participant enfin à une réunion
des grands décideurs planétaires, sans flou onusien et au-delà
des limites de l'UE et de l'OTAN auxquelles Madrid appartient, l'Espagne
ambitionne à nouveau un destin mondial. Ce fut le sien jusqu'à
la révolte des colonies d'Amérique, que facilita au début
du 19e siècle l'occupation de Madrid par l'armée napoléonienne.
Bonaparte n'était pas Sarkozy.
Après l'estocade militaire que lui portèrent en 1898 les
Etats-Unis face aux côtes de Cuba, l'empire espagnol se réduisit
à une Espagne livrée à un sous-développement
relatif, accentué par la tragédie de la guerre civile de 1936-1939.
La récupération économique débuta dans les années
60 et s'accéléra considérablement après l'adhésion
à l'Europe communautaire, en 1986, onze ans après la mort de
Franco. Madrid veut désormais jouir sur l'échiquier international
d'un poids politique au moins égal à son poids économique
qu'épaulent à nouveau les anciennes colonies d'Amérique.
L'Espagne y est aujourd'hui le second investisseur, parfois même le
premier. Seuls les Etats-Unis l'y devancent.
Soutenue ou pour le moins acceptée par la majorité des
pays d'Amérique latine et de l'Union européenne, ainsi qu'à
contrecoeur par l'administration Bush, la participation de l'Espagne au sommet
du G20 est un succès couronnant une intense offensive diplomatique
orchestrée par M. Zapatero. Malgré les risées que cette
"agitation" a suscitées au sein de la droite espagnole, néanmoins favorable
à l'adhésion au G8 et au G20, le leader socialiste voit sa
crédibilité intérieure renforcée au moment où
la crise financière mondiale et le ralentissement économique mettent dans de nombreux pays les gouvernements sur la défensive.
Pour élaborer les propositions qu'il fera à Washington,
M. Zapatero consultera l'opposition conservatrice, théoriquement satisfaite
de l'avancée diplomatique. "La non présence de l'Espagne [au
sommet du G20] aurait été lamentable" affirme Mariano Rajoy,
président du Parti Populaire (PP, droite). Mais l'opposition ne partage
pas ce qu'elle appelle le "triomphalisme" du chef du gouvernement. "Nous
devrions avoir [au sommet du G20] un siège propre et non un tabouret
cédé [par la France]" explique Soraya Saenz de Santamaria,
porte-parole du PP au Congrès des députés.
Approfondissant le même argument, après avoir tout de même
noté que "la présence de Zapatero à Washington (...)
suppose une reconnaissance du poids de notre pays dans le monde", l'éditorialiste
du quotidien El Mundo (droite libérale) écrit: "S'asseoir
sur un siège propriété de la France nous met dans une
position subordonnée à l'égard d'une puissance avec
laquelle nous partageons beaucoup de choses, mais de laquelle nous séparent
aussi d'autres intérêts. Après l'immense faveur que
Sarkozy lui a accordée, Zapatero a une dette envers la France. Et
l'Espagne, jusqu'à un certain point, court le risque d'apparaître
aux yeux de la communauté internationale comme une espèce
de protectorat diplomatique du pays voisin".
Par contre, sous le titre "L'Espagne, avec voix et vote", c'est sans
déceler de contreparties négatives que l'influent quotidien
de centre gauche El Pais estime que "le succès des démarches
diplomatiques de Zapatero place l'Espagne là où elle le mérite".
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