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45 ans après "l'incident" nucléaire de Palomares
L'Espagne interdit le ravitaillement en vol des avions américains de l'US Air Force
 

(Archives / US Air Force) - Un avion-citerne Boeing KC-135 (à droite) ravitaille en vol un bombardier Boeing B-52. Lors d'un tel ravitaillement, 2 avions du même type se sont percutés et ont explosé en janvier 1966 à proximité de Palomares (Espagne). Le B-52 transportait 4 bombes thermonucléaires.
MADRID, jeudi 27 janvier 2011 (LatinReporters.com) - Conséquence tardive, après 45 ans, de "l'incident" nucléaire de Palomares : à partir du 1er février, la Force aérienne des Etats-Unis (US Air Force, USAF) ne pourra plus ravitailler en vol ses avions au-dessus de l'Espagne. L'interdiction a été annoncée le 26 janvier à Madrid par la socialiste Carme Chacon, ministre de la Défense du gouvernement espagnol de José Luis Rodriguez Zapatero.

Le 17 janvier 1966, deux appareils de l'USAF, un ravitailleur KC-135 Stratotanker et un bombardier stratégique B-52, se percutent lors d'un ravitaillement aérien à proximité de Palomares, village de la province andalouse d'Almeria, au sud de l'Espagne. Les deux avions militaires américains se désintègrent. Sept membres d'équipage périssent, quatre autres sautent en parachute.

Des quatre bombes thermonucléaires que transportait le B-52, deux sont retrouvées intactes, l'une au sol, près de Palomares, l'autre au fond de la Méditerranée. Les deux autres, tombées également non loin de Palomares, ont été détruites par la déflagration de leur explosif conventionnel servant d'amorce à la réaction nucléaire. Par miracle ou grâce à un système de sécurité, les avis sont partagés, cette réaction ne s'est pas produite. Néanmoins, plusieurs dizaines de kilos de plutonium hautement radioactif ont été dispersés. Quelque 1.400 tonnes de terre contaminées sont expédiées pour retraitement aux Etats-Unis.

L'effet WikiLeaks

Aujourd'hui, près d'un demi-siècle après ce qu'on a appelé officiellement "l'incident" nucléaire de Palomares, la décontamination de cette localité n'est pas résolue. Elle fait encore l'objet de réclamations diplomatiques espagnoles révélées en décembre dernier par WikiLeaks via le quotidien madrilène El Pais. Selon ce journal, le ministre des Affaires étrangères Miguel Angel Moratinos [remplacé le 21 octobre 2010 par Trinidad Jimenez; ndlr] envoyait le 14 décembre 2009 à la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, un câble confidentiel pressant les Etats-Unis de s'impliquer dans la décontamination définitive.

Le ministre Moratinos exprimait dans ce câble "la crainte que l'opinion publique espagnole se retourne contre les Etats-Unis si étaient divulgués les résultats d'une étude récente sur la contamination" à Palomares. Cette étude n'a pas été rendue publique. Selon El Pais, elle indiquerait que 50.000 m³ de terre sont encore contaminés.

L'absence de réaction positive des Etats-Unis, malgré la réconciliation hispano-américaine depuis l'entrée de Barack Obama à la Maison blanche, et la résurgence médiatique du dossier due à WikiLeaks portèrent Madrid à réclamer "sans délai" des Etats-Unis, le 21 décembre dernier dans une note diplomatique verbale, leur contribution à un ultime nettoyage de Palomares, ainsi que le transfert des restes de plutonium. C'est aux nouveaux remous médiatisés de ce vieux dossier qu'il faut probablement attribuer l'interdiction soudaine et pour le moins tardive du ravitaillement en vol, au dessus de l'Espagne, des avions de l'USAF.

Accord militaire prorogé, mais avec des "améliorations"

La ministre de la Défense, Carme Chacon, a annoncé cette prohibition en répondant à une interpellation parlementaire de Gaspar Llamazares, député de la Gauche unie (Izquierda Unida, écolo-communiste). Pour l'essentiel, la ministre a confirmé que l'Espagne ne dénoncera pas l'accord qui régit la présence militaire américaine dans les bases de Rota (province de Cadix) et de Moron de la Frontera (province de Séville), ce qui signifie la prorogation automatique de l'accord pour un an à partir du 12 février.

Néanmoins, a ajouté Carmen Chacon, l'Espagne et les Etats-Unis se sont accordés sur une série "d'améliorations de caractère technique" concernant les escales et les survols, le stockage de munitions et d'explosifs et l'adaptation à la législation environnementale espagnole.

Outre l'interdiction de ravitaillement en vol de ses appareils militaires, Washington devra soumettre à autorisation, une semaine à l'avance, les survols et escales d'avions non couverts par une autorisation générique, tels que ceux ayant pour destination la base américaine de Guantanamo (Cuba), et joindre à la demande un argumentaire justificatif. Jusqu'à présent, le préavis habituel exigé par l'Espagne n'était que de 48 heures.

La ministre espagnole a toutefois dissocié avec insistance ces changements du scandale des vols de la CIA, soupçonnée d'avoir transféré illégalement à Guantanamo des détenus islamistes en utilisant des bases et des aéroports situés en Europe.

Le Pentagone s'est en outre engagé à n'entreposer en Espagne ni bombes à sous-munitions ni mines antipersonnel et à rendre compte annuellement, ainsi que lors de chaque modification significative, du contenu de ses entrepôts d'armes à Rota et Moron de la Frontera. Les Etats-Unis devront aussi présenter l'étude de l'impact environnemental, avec mesures correctives adéquates, des activités de leurs forces dans les bases en territoire espagnol.

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