Première visite officielle à Washington du dirigeant socialiste espagnol
Espagne / Etats-Unis : Zapatero et Obama officialisent le dégel
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José Luis Rodriguez Zapatero (à gauche) et Barack Obama, le
13 octobre 2009 dans le Bureau ovale de la Maison blanche. (White House photo by Pete Souza) |
WASHINGTON / MADRID, mercredi 14 octobre 2009 (LatinReporters.com)
- Très perceptible depuis l'entrée de Barack Obama à
la Maison blanche, le dégel diplomatique entre les Etats-Unis et l'Espagne
a été couronné le 13 octobre par la première
visite officielle à Washington, en cinq ans et demi de pouvoir, du
président du gouvernement espagnol, le socialiste José Luis
Rodriguez Zapatero.
Au-delà du survol de dossiers internationaux et bilatéraux,
symboliser une normalité retrouvée est sans doute le résultat
essentiel d'une visite effectuée à l'approche de la présidence
espagnole de l'Union européenne (UE), au premier semestre 2010. Le
prochain sommet UE / Etats-Unis se tiendra les 24 et 25 mai 2010 à
Madrid avec la participation de Barack Obama. M. Zapatero voudrait imprimer
sa marque sur les relations transatlantiques. On verra bientôt dans
quel sens.
Le dirigeant socialiste espagnol et George W. Bush, auquel M. Obama a succédé
le 20 janvier dernier à la présidence des Etats-Unis, n'ont
jamais eu le moindre entretien formel. Le retrait d'Irak effectué
par M. Zapatero, dès son avènement au pouvoir au printemps
2004, avait quasi gelé les relations entre Madrid et Washington.
C'est moins le retrait des militaires espagnols dépêchés
en Irak par le conservateur José Maria Aznar que les modalités
de ce retrait, attendu car promis par le leader socialiste en campagne électorale,
qui irritèrent l'administration Bush. En avril et mai 2004, le retrait
s'était opéré sans coordination satisfaisante avec les
forces alliées, ainsi mises davantage en danger, et sans attendre
la date du 30 juin 2004, initialement annoncée par M. Zapatero pour
ordonner ou non ce retrait en fonction du rôle que joueraient à
cette échéance les Nations unies à Bagdad. Prenant ainsi
l'allure d'une débandade un mois seulement après les attentats
islamistes de Madrid (191 morts, 1.856 blessés), le retrait espagnol
d'Irak fut interprété par divers gouvernements occidentaux
et surtout par les intégristes musulmans comme un encouragement au
terrorisme d'Al-Qaïda. M. Zapatero invita en outre publiquement d'autres
pays à se désengager du conflit irakien.
Les grands médias des Etats-Unis ont ignoré ou presque la visite
à Washington de José Luis Rodriguez Zapatero, 42e chef d'Etat
ou de gouvernement reçu à la Maison blanche depuis l'investiture
de Barack Obama. Logiquement moins discrets, les médias espagnols
s'accordent à reconnaître que l'essentiel de la visite était
moins son contenu que sa concrétisation, puisqu'elle a symbolisé
la normalisation officielle des relations bilatérales.
L'éditorialiste du quotidien madrilène de centre droit El Mundo
résume bien cette perception en écrivant: "La rencontre
entre Obama et Zapatero à la Maison blanche formalise la fin d'un
éloignement qui dura cinq ans entre Washington et Madrid. Zapatero
récupère ainsi la normalité en rétablissant la
traditionnelle bonne relation avec les Etats-Unis, celle que lui-même
avait dynamitée".
"La réunion des deux présidents fut sans surprise. Sachant
tous deux que l'essentiel était l'image, ils ont certainement abordé
la rencontre plus comme point de départ de futurs accords que pour
conclure des engagements. On notera de fait que n'ont pas été
concrétisées formellement des affaires qui paraissaient mûres
-comme le nombre de prisonniers de Guantanamo qu'accueillera notre pays-
et que d'autres n'ont été abordées que de manière
générale" ajoute El Mundo.
Dans le Bureau ovale de la Maison blanche, M. Zapatero a indiqué aux journalistes
que les deux priorités de la rencontre furent l'économie
et la sécurité. Barack Obama l'a confirmé, mais en inversant
les termes: d'abord la sécurité, puis l'économie.
Il s'agit de la sécurité au sens large, couvrant les dossiers
intitulés Afghanistan, Pakistan, Irak, Al-Qaïda, Proche et Moyen-Orient, problème
palestinien et ambitions nucléaires iraniennes. Barack
Obama a insisté sur la priorité qu'il accorde à la lutte
contre les talibans en Afghanistan. L'Espagne a récemment décidé
de porter de 800 hommes à un peu plus de mille sa présence
militaire dans ce pays et M. Zapatero à promis a son hôte d'envoyer
davantage de gardes civils former des policiers afghans.
Quant à l'économie, secouée par la crise globale, José
Luis Rodriguez Zapatero et Barack Obama ont souligné l'importance
des nouvelles technologies et des énergies renouvelables. L'Espagne,
en pointe sur le développement des énergies solaire et éolienne
et sur l'implantation de lignes de trains à grande vitesse espère
débarquer en force sur le marché américain dans ces
secteurs. Si les Etats-Unis sont les premiers investisseurs étrangers
en Espagne, les investissements espagnols aux Etats-Unis pourraient se hisser
cette année au 3e rang au vu des derniers chiffres trimestriels.
Mais ces dossiers, celui aussi des relations avec l'Amérique latine
et de la crise au Honduras, n'ont été que survolés avant le départ
de Washington de M. Zapatero pour sa première tournée au Proche-Orient.
La normalisation des relations hispano-américaines favorisera la concrétisation future
d'espoirs et d'ambitions réciproques. Les socialistes espagnols misent
sur l'effet durable d'une complicité "progressiste" entre Barack Obama
et José Luis Rodriguez Zapatero.
Cela n'empêche pas les éditorialistes madrilènes de rire
encore de cette étonnante recommandation adressée sans rougir
en juin dernier aux Espagnols par Leire Pajin, secrétaire à
l'Organisation du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) de M. Zapatero:
"Je vous suggère d'être attentifs au prochain événement
historique qui se produira sur notre planète: la coïncidence
de deux présidences progressistes des deux côtés de l'Atlantique,
la présidence d'Obama aux Etats-Unis et la présidence de l'UE
qu'assumera Zapatero" [au premier semestre 2010].
La dégringolade dans les sondages de M. Zapatero, sanctionné
pour sa gestion jugée chaotique de la crise et l'explosion du chômage,
explique peut-être ce dérapage messianique.
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