Zapatero avait officialisé l'annonce du sommet en présentant
les priorités de la présidence espagnole de l'UE le 16 décembre
dernier à Madrid devant les députés espagnols
(
page 14 de son discours). Ce 2 février,
le
site Internet de la
présidence espagnole de l'UE fixe encore la tenue du sommet aux 24 et 25 mai prochains
à Madrid. Le même site Internet, sous le titre
"La présidence
espagnole aura l'opportunité de rénover l'agenda transatlantique",
affirme que l'Espagne peut se convertir en
"interlocuteur de référence
pour l'administration d'Obama".
Interrogé sur ce sommet par un journaliste du quotidien espagnol
El Pais, le 1er février à Washington lors d'une conférence
de presse,
le sous-secrétaire d'Etat américain aux Affaires
européennes, Philip H. Gordon, a émis ces démentis
insistants :
"La Maison blanche n'a jamais annoncé un tel voyage
[d'Obama à Madrid]
... Le président [Obama]
n'a
jamais eu à son programme un voyage pour un sommet de printemps US-UE
... Nous travaillons encore à cette question avec l'Union européenne,
mais un sommet en Espagne n'était pas en tête de son agenda
[celui d'Obama]
... Je le dis à nouveau, un voyage en Espagne
pour un sommet n'a jamais été à son agenda".
(
Transcription intégrale de la conférence de presse de Philip H. Gordon).
Soulignant l'importance des relations avec l'Europe ainsi que les contacts
déjà noués par le président Obama avec l'UE et
avec José Luis Rodriguez Zapatero, le sous-secrétaire d'Etat
américain n'en laisse donc pas moins aucune place au doute sur l'absence
de Barack Obama en mai à Madrid.
Des analystes estiment même
que les propos de Philip H. Gordon signifieraient qu'aucun sommet UE / Etats-Unis
ne se tiendra dans la capitale espagnole.
De Jérusalem, où il analysait le dossier du Proche-Orient au
nom de l'UE,
le ministre espagnol des Affaires étrangères,
Miguel Angel Moratinos, a été le premier à réagir
lundi soir.
"Je viens d'apprendre cette décision [d'Obama]
...
Nous comprenons que l'agenda du président Obama ne lui permet
pas en ce moment de se déplacer en Europe comme il l'aurait souhaité"
déclarait le ministre à la télévision espagnole.
Miguel Angel Moratinos tentait ainsi de dissimuler son embarras sous une
interprétation doublement douteuse, attribuant à Obama une
soudaine
"décision", ne pas venir à Madrid en mai, que
le président américain n'avait officiellement pas prise puisqu'il
n'aurait jamais envisagé ce voyage, et laissant entendre que le
chef de la Maison blanche avait justifié cette
"décision"
par la surcharge de son
"agenda" intérieur. Ce qui serait faux
aussi, dans la mesure où le sous-secrétaire d'Etat Philip H.
Gordon, tout en mentionnant un agenda présidentiel effectivement chargé,
déclarait
"ne lier en aucun cas à des affaires domestiques"
l'inexistence d'un sommet à Madrid à l'agenda de Barack Obama.
Le porte-parole du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) au Congrès
des députés, l'ex-ministre José Antonio Alonso, très
proche de Zapatero, n'a pas caché, lui, le courroux officiel.
"Ce n'est pas l'Espagne qu'Obama
plante là, mais l'Union européenne, qui est un acteur politique de première
grandeur", estimait-il mardi.
On n'en retire pas moins l'impression que pour des raisons de prestige propre,
l'Espagne socialiste a tenté en vain de forcer la main à Barack
Obama, jaugeant mal la portée de
"l'amitié" qui unirait
Zapatero au président des Etats-Unis et estimant que ce dernier serait
moralement porté à assister à un sommet annoncé,
fût-ce unilatéralement, par le pays assumant la présidence
tournante de l'UE. Mais que l'on sache, ce pays,
l'Espagne, n'a pas présenté le
moindre agenda pour ce sommet désormais en voie d'annulation. Zapatero,
les Espagnols le savent, a toujours cru qu'en politique l'image l'emporte
sur le contenu.
"Plantage planétaire"
Les quotidiens madrilènes plaçaient à la une,
le 2 février, ce couac diplomatique intercontinental sous les titres
"Obama laisse l'Espagne hors de son agenda international" (El Pais,
centre gauche),
"Obama laisse Zapatero sans sommet bilatéral à
Madrid" (El Mundo, centre droit),
"Plantage planétaire
: Obama ne viendra pas en Espagne" (ABC, conservateur).
Le
"Plantage planétaire" souligné par ABC est d'une
ironie cruelle pour José Luis Rodriguez Zapatero. D'autant que vendant
très tôt la peau de l'ours, la nº3 du PSOE gouvernemental,
Leire Pajin, adressait dès juin 2009 aux Espagnols cette recommandation
messianique :
"Je vous suggère d'être attentifs au prochain
événement historique qui se produira sur notre planète:
la coïncidence de deux présidences progressistes des deux côtés
de l'Atlantique, la présidence d'Obama aux Etats-Unis et la présidence
de l'UE qu'assumera Zapatero".
Sous le couvert de cette complicité
"progressiste" hispano-américaine désormais
bousculée, la présidence semestrielle de
l'UE, dont le plat de résistance était le sommet avec les Etats-Unis,
devait en principe permettre à José Luis Rodriguez Zapatero
de se refaire une santé politique. Il est depuis plusieurs mois devancé
dans les sondages par les conservateurs du Parti Populaire à cause
de sa gestion catastrophique de la crise économique en Espagne. A
ce propos, plusieurs députés du Parlement européen et
des éditorialistes de grands journaux du Vieux continent se sont inquiétés
des prétentions du chef du gouvernement espagnol à influer
sur la politique économique de l'UE alors qu'il aurait fait de l'Espagne
le malade de l'Europe.
Enfonçant le clou, l'analyste Florentino Portero écrit dans
ABC :
"Le Traité de Lisbonne est en vigueur. Il n'y a plus d'excuses
pour que l'Europe ne joue pas le rôle que ses gouvernants ont requis.
Néanmoins, au moment de la vérité, ces mêmes mandataires
ont choisi pour président [permanent de l'Union européenne,
Herman Van Rompuy]
et comme Haute représentante [de l'UE
pour la Politique extérieure, Catherine Ashton]
des politiciens
de peu de relief pour garantir qu'ils ne dérangeraient pas les diplomaties
nationales. Si on ajoute à cela que la présidence tournante
[de l'UE]
est retombée sur un mandataire aussi discrédité
que Rodriguez Zapatero, nous devons comprendre sur le Vieux continent que
le président américain considère le sommet [avec
l'UE]
comme une perte de temps".
"Les Européens, dans un acte de foi, avons décidé qu'Obama
était plus européiste que Bush. Il ne l'est pas. La réalité
est que le président représente une génération
qui se sent moins liée à l'Europe que ses prédécesseurs.
Pour ces Américains, républicains ou démocrates, nous
sommes une région en décadence qui, à l'heure de la
vérité, ne remplit pas ses obligations d'alliée".
RÉAGIR - COMMENTAIRES
-
ARTICLES ET DOSSIERS LIÉS