MADRID, mercredi 30 décembre 2009 (LatinReporters.com) -
La mise en œuvre du Traité de Lisbonne, la récupération économique
en Europe, le renforcement de l'influence internationale
de l'Union européenne (UE) et l'Europe des citoyens sont les quatre
priorités de la présidence tournante de l'UE assumée
au premier semestre 2010 par l'Espagne. En net recul dans les sondages, le
gouvernement socialiste de M. Zapatero y voit l'occasion de redorer son blason.
José Luis Rodriguez Zapatero a énoncé plusieurs fois
dans le même ordre ces 4 priorités devant des institutions européennes
et nationales, notamment le 16 décembre dernier à Madrid au
Congrès des députés, la chambre basse des Cortes.
[Texte intégral du discours de M. Zapatero au Congrès des députés :
traduction en français /
original en espagnol.]
Cette quatrième présidence semestrielle de l'Espagne depuis
son adhésion à l'UE, le 1er janvier 1986, coïncide avec
la plus grave crise économique mondiale depuis 1929 et avec une nouvelle
phase de l'UE, marquée par le renouvellement de la Commission et du
Parlement européens, ainsi que par l'application d'un nouveau traité,
le Traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre
2009 après huit ans de gestation accidentée.
Dans ces circonstances, la présidence exercée par l'Espagne,
frappée par un taux de chômage supérieur à 19%
(selon Eurostat), sera pionnière et délicate. Elle sera épaulée
par la Belgique et la Hongrie, qui assumeront les deux présidences
tournantes suivantes. Il revient à ce trio de mettre solidement en
selle le premier président dit "permanent" ou "stable" du Conseil européen, l'ex-Premier
ministre social-chrétien belge Herman Van Rompuy (son mandat de deux
ans et demi est renouvelable une seule fois), ainsi que la titulaire d'une
diplomatie communautaire renforcée, la travailliste (mais néanmoins baronne) britannique Catherine Ashton, haute représentante pour la politique extérieure. Ces
deux personnalités ont étrenné le 1er décembre
les fonctions que leur octroie le Traité de Lisbonne.
Malgré la "cellule de coordination" qu'ils ont mise en place, la cohabitation
entre MM. Zapatero et Van Rompuy n'est pas à l'abri de frictions.
Le nouveau président permanent conduira tous les sommets, mais en
laissant une place privilégiée au dirigeant socialiste lors
de ceux tenus en Espagne. Le risque d'un dérapage réside dans
la nécessité absolue, pour M. Zapatero, de tirer parti de sa
présidence tournante pour freiner la chute de sa popularité. La gestion
catastrophique en Espagne de la crise économique, crise reconnue trop
tard par José Luis Rodriguez Zapatero, et le record historique de plus
de quatre millions de chômeurs qui en découle offrent aux conservateurs
espagnols du Parti Populaire une avance peu commune de cinq points dans un récent
sondage, 43,3% contre 38,1% aux socialistes.
Mais retour aux quatre priorités de la présidence semestrielle espagnole.
Pour chacune d'elles, le gouvernement de Madrid a programmé diverses initiatives.
1. Mise en œuvre du Traité de Lisbonne
Collaboration avec le président permanent Herman Van Rompuy pour élaborer
l'ordre du jour et formuler les conclusions des Conseils européens.
Participation à la création de la réglementation nécessaire
à l'application du Traité de Lisbonne, en particulier celle
qui établira le Service européen pour l'action extérieure
chapeauté par Catherine Ashton. Transformation de la présidence
tournante de l'UE en outil efficace et complémentaire des nouvelles
institutions.
2. Récupération économique en Europe
Intensifier la coordination des politiques économiques et financières
entre les différents acteurs qui jouissent de l'autorité politique
pour les appliquer. Relève du défi de la globalisation par
l'amélioration de la capacité d'innovation. Encourager l'adoption
d'un Plan européen d'innovation ambitieux. Poursuite de la lutte contre
le changement climatique. Promotion d'initiatives technologiques et industrielles
susceptibles de consolider la position de l'Europe dans l'économie
verte. [Ndlr - L'Espagne est en pointe sur le développement des énergies
solaire et éolienne].
Renforcer le modèle social face au vieillissement de la population
et aux ravages de la crise. Améliorer l'adaptation des capacités
des travailleurs aux besoins du marché. Contribution active au Conseil
européen informel de février 2010 sur l'économie,
convoqué par le président permanent Herman Van Rompuy pour
étudier la nouvelle stratégie économique en vue de son
approbation lors du Conseil européen de printemps.
Ajout du 20 janvier 2010 - Zapatero au Parlement européen
En présentant les priorités de la présidence espagnole
devant le Parlement européen, le 20 janvier 2010 à Strasbourg,
José Luis Rodriguez Zapatero a développé le volet économique plus
amplement et plus concrètement que lors de son discours du 16 décembre
2009 à Madrid devant le Congrès des députés.
Il a défini comme "la clé de ces six mois" de la présidence
espagnole de l'UE l'élaboration d'une "
stratégie économique
pour 2020" dans laquelle "nous souhaitons développer quatre grands
thèmes": marché commun de l'énergie, marché numérique européen,
véhicule électrique et université plus européenne.
M. Zapatero a aussi proposé de "renouveler un
grand pacte social en Europe avec les
entreprises et les travailleurs".
Arguant de la situation économique catastrophique en Espagne, plusieurs
députés européens ont interpellé M. Zapatero pour mettre en
doute sa capacité à exercer un leadership économique communautaire.
Environ un tiers seulement des eurodéputés était présent dans
l'hémicycle.
[Texte intégral du discours de M. Zapatero au Parlement européen:
traduction en français
/ original en espagnol.]
3. Renforcement du rôle international de l'Union européenne
Contribuer à la définition d'une véritable politique
extérieure et de défense commune faisant de l'UE un acteur
planétaire global. Agenda comportant de nombreux sommets, multilatéraux
avec l'Amérique latine-Caraïbes et avec les pays de l'Union pour
la Méditerranée, bilatéraux avec les Etats-Unis, le
Canada, le Chili, l'Egypte, le Japon, le Maroc, le Mexique et le Pakistan.
Intensification des relations entre l'Europe et l'Amérique latine.
Possible signature de l'Accord d'association de l'Union européenne
avec l'Amérique centrale, ainsi que d'accords commerciaux avec différents
Etats, comme la Colombie et le Pérou. Tentative de relance des négociations
entre l'Union européenne et Mercosur (marché commun unissant
le Brésil, l'Argentine, le Paraguay, l'Uruguay et, en phase de préadhésion,
le Venezuela).
Proposition de normalisation des relations de l'UE avec Cuba par la signature
d'un accord de coopération et l'abandon de la "position commune" européenne
qui fait dépendre cette normalisation de progrès en matière
de droits de l'homme. [Ndlr - Cette proposition espagnole est polémique.
La Suède, la République tchèque et des poids lourds
tels que le Royaume-Uni et l'Allemagne pourraient la rejeter si la Havane
n'offre pas en échange des gages significatifs d'ouverture démocratique].
Relance du processus de paix au Proche-Orient. Soutien (polémique
aussi) de la candidature de la Turquie à l'adhésion à l'UE. Progrès, lors
du sommet avec la Russie, dans des domaines clés comme l'énergie,
la sécurité et la mobilité. Accroître la collaboration
économique et politique avec les Etats-Unis. [Ndlr - Les éditorialistes
madrilènes rient encore du messianisme de cette recommandation adressée
en juin dernier aux Espagnols par Leire Pajin, nº3 du Parti socialiste
ouvrier espagnol (PSOE) de M. Zapatero:
"Je vous suggère d'être
attentifs au prochain événement historique qui se produira
sur notre planète: la coïncidence de deux présidences
progressistes des deux côtés de l'Atlantique, la présidence
d'Obama aux Etats-Unis et la présidence de l'UE qu'assumera Zapatero"].
4. L'Europe des citoyens
Promouvoir des initiatives qui renforceront et garantiront l'exercice des
droits figurant dans la Charte des droits fondamentaux de l'UE. Encourager
l'adoption d'une proposition visant à réglementer la procédure,
prévue par le Traité de Lisbonne, de l'initiative législative
pouvant émaner d'au moins un million de citoyens de l'UE. Etendre
l'égalité entre hommes et femmes.
Poursuivre de la lutte en faveur de l'éradication de toutes les formes
de violence à caractère sexiste. Proposition de création
d'un observatoire européen sur la violence sexiste. Proposition d'adoption
d'une Ordonnance européenne de protection de la femme et d'un numéro
de téléphone européen unique pour dénoncer la
violence sexiste.
[Ndlr - Une inquiétude exprimée par des juristes, diverses
organisations citoyennes et des médias grandit en Espagne à
propos des dispositions qui violeraient, dans la loi socialiste protégeant la femme depuis
2005, la présomption d'innocence
des hommes dénoncés pour mauvais traitements. Présumés
coupables, ils devraient prouver leur innocence et de nombreuses femmes en
tireraient avantage, y compris par de fausses dénonciations, lors
de procédures de divorce ou d'octroi de la garde d'enfants. En 2008,
142.125 plaintes pour "violence machiste" ont été
enregistrées en Espagne. En 2003, on en comptait trois fois moins.]
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