MADRID, vendredi 20 novembre 2009 (LatinReporters.com) - En Espagne comme
dans la plupart des pays du Vieux continent, la presse, très critique,
reflète la déception de l'opinion publique en réaction
à la nomination, le 19 novembre en sommet extraordinaire à
Bruxelles, du Premier ministre belge Herman Van Rompuy au poste de premier
président permanent de l'Union européenne (UE) et de la commissaire
britannique Catherine Ashton à la tête de la diplomatie communautaire.
Leur "profil bas" et leur désignation à huis clos nuiraient
à l'image de démocratie et d'influence universelle dont se
réclame l'UE.
Qu'ils soient conservateurs ou très marqués à gauche,
en passant par le centre droit et le centre gauche, le diagnostic des quotidiens
espagnols est quasi identique comme le démontrent leur titres à
la une du 20 novembre :
"La grande Europe choisit des minileaders"
(Publico, gauche),
"Van Rompuy, un conservateur belge gris, élu
premier président de l'UE" (ABC, conservateur),
"Un Belge sans
charisme et une baronne pour le quota féminin dirigeront l'UE"
(El Mundo, centre droit),
"Un Belge et une Britannique au profil bas dirigeront
la nouvelle Europe" (El Pais, centre gauche).
El Pais et El Mundo sont dans l'ordre les deux journaux les plus diffusés
et les plus influents d'Espagne. Mais c'est sans doute un
éditorial
de Publico qui reflète le mieux le sentiment de la rue. Nous le
reproduisons intégralement:
"LA FUMATA BIANCA D'UNE EUROPE OBSCURANTISTE
Habemus leaders, citoyens européens! Certes nous ne savons pas pourquoi
ni comment ont été désignés deux politiciens
semi-inconnus, un Belge jésuite enclin au pacte et une baronne anglaise
qui ne s'est jamais soumise aux urnes, pour diriger la grande Europe unie
et nous représenter dans le monde comme le paradigme de liberté
et de démocratie.
Nous n'avons pas non plus idée des intrigues nouées par nos
gouvernants ces dernières semaines, de leurs marchandages -souvent
lors de conversations téléphoniques non reproductibles - pour
en arriver au pacte sur deux personnages aussi peu charismatiques.
Tout ce marchandage s'est déroulé à l'insu des électeurs,
en conclaves à huis clos au terme desquels aucune question des journalistes
n'était admise, jusqu'au troc complexe couronnant maintenant ceux
qui réclameront sans tarder la transparence des autres pays et exigeront
que leurs dirigeants rendent des comptes à leurs citoyens.
On sait que le président [de l'UE] devait être conservateur,
conciliant, homme d'Etat, mais sans grand poids; d'un pays fondateur, mais
non parmi les grands; qu'il ne finisse pas par croire qu'il préside
réellement l'UE. Et que le Haut représentant pour la politique
extérieure devait être un politicien habile, mais sans véritable
ambition, vu que ceux qui en ont, comme le Britannique Miliband, préfèrent
rester dans leur pays pour y lutter pour le pouvoir.
Et nous y sommes arrivés! Nous avons désormais à la
présidence un libéral pur, opposé aux aides sociales
pour adoucir la récession, et une économiste sans bagage diplomatique
aux Relations extérieures. Lui est très catholique et elle
est femme, aussi a-t-on fait sans doute pour nous le bon choix.
Félicitations aux leaders de l'Europe du futur!"
Quant à l'éditorialiste de l'influent
El Pais, quotidien
affichant d'ordinaire un européisme militant, il note que
"le processus
de sélection marqué par le manque de transparence de personnalités
grises, inconnues, aggravera la distanciation des citoyens à l'égard
de leurs institutions... Herman Van Rompuy tardera à obtenir, pour
autant qu'il y parvienne, que les Européens se voient représentés
[par lui]".
L'Espagne officielle, elle, applaudit. Le chef de son gouvernement socialiste,
José Luis Rodriguez Zapatero, sait déjà qu'il ne sera
pas éclipsé par le nouveau et peu charismatique président permanent de
l'UE lorsque l'Espagne en assumera la présidence temporaire au premier semestre 2010. Ce
semestre espagnol est attendu avec réserve par les analystes au vu du recul actuel de la
cohésion économique, politique et territoriale de l'Espagne.