CIUDAD DE GUATEMALA, lundi 12 septembre 2011 (LatinReporters.com) - Après quatre ans de social-démocratie, le Guatemala vire
à droite. Deux conservateurs, le général retraité
Otto Pérez Molina et l'homme d'affaires Manuel Baldizon, se disputeront
en effet en duel le 6 novembre, au second tour de l'élection présidentielle,
la présidence du pays le plus peuplé d'Amérique centrale
(14 millions d'habitants).
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Ces photos d'Otto Pérez Molina (à gauche) et de Manuel Baldizon
apparaissent sur de multiples publicités électorales des deux
candidats qui accèdent au second tour de l'élection présidentielle
au Guatemala. |
Ils ont éliminé dimanche au premier tour huit autres candidats, obtenant respectivement
36,08% et 23,28% des suffrages, selon les résultats provisoires du
Tribunal suprême électoral portant sur 98,45% des bureaux de vote. La participation est la
plus élevée depuis 1985, année du retour à la démocratie
après des décennies de dictature militaire. Elle frôle 69%, mais plus de 12% des
votes sont blancs ou nuls.
Le 14 janvier 2012, date de la passation des pouvoirs, le Guatemala sera
donc à nouveau gouverné par la droite. En plus d'un demi-siècle, depuis 1954, elle n'a
cédé à la gauche que les quatre ans du mandat de l'actuel
président sortant, le social-démocrate Alvaro Colom. L'unique
candidature présidentielle de gauche, celle de l'Amérindienne
Rigoberta Menchu, prix Nobel de la Paix en 1992, a été évincée
dimanche avec un pourcentage légèrement supérieur à
seulement 3%, comme en 2007.
Candidate de la gauche présidentielle exclue
Le quasi monopole de la droite au scrutin présidentiel -ses diverses
tendances étaient incarnées par 9 des 10 candidats!- s'explique
notamment par l'absence des sociaux-démocrates du président
Colom. La candidate de son parti Union Nationale de l'Espérance (UNE),
son ex-femme Sandra Torres, a en effet été exclue de la course
à la présidence par la justice. Trois instances judiciaires
successives ont estimé que le divorce du couple présidentiel,
cinq mois seulement avant les élections générales (présidentielle,
législatives et municipales) du 11 septembre, était une "fraude
de loi" visant à contourner la Constitution. Celle-ci interdit non
seulement au président sortant, mais aussi à ses parents proches
de briguer la charge suprême.
Les élections législatives, par contre, font d'une alliance conduite par l'UNE
la deuxième force du Congrès des députés avec 22,62% des voix et 47
des 158 sièges, à courte distance du Parti Patriote (PP 26,69% et 56 sièges) du
général Pérez Molina et loin devant le parti Liberté Démocratique Rénovée
(LIDER 8,87% et 13 sièges) de Manuel Baldizon. A noter que même le PP se situe très
au-dessous de la majorité absolue parlementaire et le fractionnement
du Congrès nuira à la gouvernabilité, comme au cours
de la législature sortante.
Les sondages pour la présidentielle avaient prédit au général Pérez
Molina un score atteignant parfois 48% et une avance de 20 à 30 points
sur Manuel Baldizon. La réduction à 12,8 points de l'écart
entre les deux candidats est donc une surprise. Elle rend incertain le résultat
du second tour, malgré le net avantage du militaire à la retraite.
C'est "une avance historique", a toutefois estimé Otto Pérez
Molina. "Les écarts entre le premier et le second [au premier tour
de l'élection] sont généralement de quatre à
six points. Aujourd'hui nous avons une avance relativement plus large que
ça", s'est-il réjoui.
"Population très angoissée"
La présence au second tour de la présidentielle de deux personnalités
politiques qui prônent la fermeté contre la criminalité
"était évidente car la population est très angoissée",
a déclaré à l'AFP Manfredo Marroquin, président
de l'ONG Accion Ciudadana (Action citoyenne), branche locale de Transparency
International.
Le Guatemala demeure un des pays les plus violents du monde. En 2010, on
y compta 41,5 meurtres pour 100.000 habitants, un ratio supérieur
par exemple à ceux enregistrés en Irak et en Afghanistan. [Mais
très inférieur au ratio de 75 /100.000 relevé en 2009
au Venezuela; ndlr].
L'autre grand défi que n'arrive pas à relever avec succès
la démocratie retrouvée en 1985 est la pauvreté. Elle
frappe 52% de la population. Ce taux dépasse 70% parmi les autochtones
de souche précolombienne, essentiellement d'origine maya, qui représentent
de 42% à 56% des Guatémaltèques selon des estimations
non concordantes.
"Général de la paix"
Parfois surnommé le "général de la paix" pour avoir
négocié et signé au nom de l'armée les accords
ayant scellé la fin de la longue guerre civile (200.000 morts et 60.000
disparus de 1960 à 1996), Otto Pérez Molina, 60 ans, promet
une "mano dura" (main dure) contre la corruption et les organisations
criminelles, sans négliger le combat pour l'emploi et contre la pauvreté.
Il veut utiliser l'armée pour affronter les cellules locales de narcotrafiquants
installées au Guatemala par les puissants et violents cartels de la
drogue du Mexique voisin.
Soupçonné à voix haute par des ONG et par des adversaires
politiques de violations des droits de l'Homme pendant la guerre civile,
le général retraité réplique que ses accusateurs
n'ont jamais avancé de preuves contre lui. Ses partisans ajoutent
qu'il est prouvé, par contre, qu'il s'opposa à la dictature
du général Rios Montt, en 1983, et à la dérive
anticonstitutionnelle du président Jorge Serrano Elias, en 1993.
Uniquement des ministres "chrétiens croyants"
Député, avocat et chef d'entreprise, Manuel Baldizon, 41 ans,
est pour sa part un dissident de l'UNE présidentielle, dont il claqua
la porte pour fonder son parti LIDER. Candidat pour la première fois
à l'élection présidentielle (Pérez Molina le
fut déjà en 2007), il a gagné sa place au second tour
avec un discours aux forts accents populistes.
Parmi ses promesses figurent le rétablissement de la peine de mort
pour combattre la criminalité, l'élimination de tous les impôts
en échange d'un seul de 5% que paieraient sans distinction tous les
citoyens, des bourses d'études pour tous les enfants et adolescents
pauvres, quinze salaires mensuels par an à tous les travailleurs et ... la
qualification de l'équipe nationale de football au prochain Mondial!
Manuel Baldizon est un notable du département du Petén (nord),
où s'est installé en force le cartel mexicain de Los Zetas,
ce qui prête flanc à des insinuations de collusion du candidat
présidentiel avec le narcotrafic. Et, honni soit qui mal y pense, il prévient que son
gouvernement ne comprendrait que des ministres "chrétiens croyants"...