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DES MANIFESTATIONS REFLÈTENT UNE INQUIÉTANTE POLARISATION
Guatemala-assassinat: l'idéologie pour défendre le président Colom

GUATEMALA, lundi 18 mai 2009 (LatinReporters.com) - Le recours à l'idéologie pour mobiliser massivement ses partisans, nombreux dans les couches les plus modestes de la population, est l'arme principale du président social-démocrate du Guatemala, Alvaro Colom, pour se défendre de l'accusation d'assassinat proférée dans une vidéo posthume par sa victime présumée, l'avocat Rodrigo Rosenberg. Les manifestations contre et en faveur du président reflètent une inquiétante polarisation dans ce pays secoué jusqu'en 1996 par une longue guerre civile idéologique.

A la une de la presse du Guatemala du 18 mai 2009: manifestations de la veille, dans la capitale, contre le président Colom (photo du haut) et en sa faveur (photo du bas).
Trois jours avant d'être abattu à coups de feu par des inconnus, le 10 mai dans la capitale, Ciudad de Guatemala, Rodrigo Rosenberg impliquait dans son assassinat qu'il pressentait le président Colom, sa femme Sandra Torres de Colom, le secrétaire privé de la présidence Gustavo Alejos et plusieurs hommes d'affaires. Sur la même vidéo posthume diffusée sur Internet, l'infortuné avocat, juriste réputé de 47 ans, responsabilisait en outre ces personnalités de l'assassinat, le 14 avril, de l'un de ses clients et de sa fille. Selon Rodrigo Rosenberg, les trois crimes, dont le sien, visaient à étouffer des accusations de détournement de fonds publics, de blanchiment d'argent et de narcotrafic frappant les plus hautes sphères de l'Etat.

Les vagues médiatiques, sociales et politiques de cette affaire ne cessent de s'amplifier. Il s'agit de "la crise politique la plus grave de l'actuelle démocratie, car jamais auparavant un président de la République élu librement n'avait été désigné comme étant impliqué de façon directe ou indirecte dans un assassinat" écrivait dès le 12 mai l'éditorialiste du quotidien guatémaltèque Prensa Libre.

Le général retraité Otto Perez Molina, ex-candidat à la présidence et leader du Parti Patriote (droite), principale formation de l'opposition, ainsi que diverses associations et même l'Amérindienne guatémaltèque Rigoberta Menchu, prix Nobel de la Paix 1992, réclament le renoncement au moins temporaire d'Alvaro Colom à la présidence afin de garantir la neutralité de l'enquête.

L'enquête est menée par la Commission internationale contre l'impunité au Guatemala (CICIG), qui relève des Nations unies. "J'ai demandé au président que lui-même, la Première dame et le secrétaire privé [de la présidence] se tiennent à une distance hygiénique afin de pas éveiller de soupçons sur l'enquête" a déclaré à la presse le juriste espagnol Carlos Castresana, directeur de la CICIG.

Il est paradoxal que le premier président de gauche du Guatemala depuis 1954, en l'occurrence Alvaro Colom, élu en novembre 2007, soit au centre d'une enquête de la CICIG, créée pour contrer les violences de groupes clandestins d'extrême droite à l'encontre de travailleurs humanitaires guatémaltèques.

Le président Colom ne cesse de clamer son innocence et affirme qu'il n'abandonnera le palais présidentiel que mort. Il n'hésite pas à recourir à l'idéologie, dénonçant, sans fournir de preuve, une "conspiration" déstabilisatrice contre la gauche qu'il incarne. Avec cet argument, il encourage gouverneurs de départements, maires et électeurs de son parti, l'Union nationale de l'espoir (UNE), à se mobiliser en sa faveur.

Des diplomates étrangers qualifient en privé cette réaction présidentielle de "stratégie de confrontation erronée". La polarisation idéologique leur paraît périlleuse dans un Guatemala secoué pendant près de 40 ans, de 1960 à 1996, par une guerre civile entre pouvoir de droite et insurgés d'extrême gauche qui fit 200.000 morts et 60.000 disparus. Les abus commis par des gouvernements de droite pendant et même après ce conflit contribuent à rendre plausible au yeux de nombre de Guatémaltèques la thèse de la "conspiration" déstabilisatrice agitée par Alvaro Colom.

La polarisation idéologique est alimentée aussi par le président du Venezuela, Hugo Chavez, chef de file des gauches radicales latino-américaines. Exprimant le 13 mai son appui à Alvaro Colom, qui relève pourtant théoriquement de la gauche modérée, le président Chavez voyait en lui la cible "de l'extrême droite qui attaque les gouvernements démocratiques progressistes" d'Amérique latine.

Dans l'immédiat, les risques d'affrontement au Guatemala se concentrent autour des manifestations anti et pro-Colom qui se côtoient quasi chaque jour dans la capitale depuis l'assassinat de Rodrigo Rosenberg.

Dimanche 17 mai, sur la place de la Constitution de Ciudad de Guatemala, ils étaient quelque 40.000, amenés en camions et autobus affrétés par les pouvoirs publics, à soutenir "le président des pauvres". Leurs pancartes disaient "Colom, nous sommes avec toi", "Alvaro, ami président, le Guatemala est avec toi" ou encore "Avec Colom jusqu'à la mort". Cette foule, à laquelle étaient distribués gratuitement aliments et boissons, avait été drainée tant dans les quartiers défavorisés de la capitale que dans les campagnes les plus reculées peuplées d'autochtones mayas. Les partisans de Colom apprécient aussi sa femme, Sandra, qui chapeaute les programmes sociaux du gouvernement. Ses manquements à la législation du travail marquèrent néanmoins son étape de propriétaire des usines textiles Tejidos Shebla et Confecciones con Estilo, qui comptèrent jusqu'à 350 travailleurs avant de fermer leurs portes en 2003.

A la même heure du même 17 mai, place d'Italie, à moins de deux kilomètres de la place de la Constitution, environ 30.000 manifestants reflétant la classe moyenne urbaine exigeaient la démission d'Alvaro Colom ou pour le moins la levée de son immunité présidentielle afin qu'il puisse être traduit en justice. Le patronat appuyait cette manifestation, ainsi que l'opposition et diverses associations citoyennes, lasses de l'impunité quasi totale dont jouit une violence qui fait en moyenne 17 morts chaque jour au Guatemala.

Jusqu'à présent, le choc physique entre adversaires et partisans du président Colom a été évité. Sans prendre parti, l'Eglise appelle au calme.


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INNOCENTÉ DU MEURTRE DE
RODRIGO ROSENBERG

GUATEMALA, mercredi 13 janvier 2010 - Après huit mois d'enquête, la Commission internationale contre l'impunité au Guatemala (CICIG), que parraine l'Organisation des nations unies, a conclu le 12 janvier à l'innocence du président du Guatemala, Alvaro Colom, dans le meurtre de l'avocat Rodrigo Rosenberg, assassiné le 10 mai 2009.

Cette affaire avait provoqué un scandale et une vive tension politique au Guatemala (voir article ci-contre), le défunt ayant enregistré avant de mourir une vidéo accusant le président Colom et son secrétaire d'être responsables de son assassinat.

Rosenberg expliquait par anticipation son propre meurtre par le fait qu'il était l'avocat de Khalil Musa et de sa fille Marjorie, eux-mêmes assassinés en avril 2009 pour avoir eu connaissance, toujours selon Rosenberg, d'actes de corruption impliquant le président, son épouse et son secrétaire.

Selon le juriste espagnol Carlos Castresana, directeur de la CICIG, l'avocat Rodrigo Rosenberg, "profondément désespéré" par la mort de sa mère, son divorce et le meurtre de ses clients, aurait lui-même planifié son assassinat.

Il s'agissait en fait, selon les enquêteurs, d'un suicide hors du commun. Faisant croire qu'il était soumis à un chantage, l'avocat Rosenberg fit contacter par l'intermédiaire de proches des tueurs à gages pour se débarrasser du présumé maître chanteur. Ce dernier fut effectivement assassiné, mais il s'agissait de ... Rodrigo Rosenberg lui-même! Il avait fourni des indications facilitant son assassinat-suicide par les tueurs, qui ignoraient l'identité véritable de leur victime.

Le président Colom a remercié la CICIG pour son enquête, exprimant son soulagement face à la conclusion d'une affaire "qui a fait trembler le Guatemala". L'enquête sur le meurtre de Khalil Musa et de sa fille Marjorie, avec laquelle Rodrigo Rosenberg aurait eu une relation sentimentale, n'a toutefois pas dit son dernier mot.
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