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SUR UNE VIDÉO POSTHUME D'UN AVOCAT ABATTU À COUPS DE FEU
Guatemala: le président Colom (gauche) accusé d'assassinat mafieux
GUATEMALA, mardi 12 mai 2009 (LatinReporters.com) - Par écrit et
sur une vidéo, parlant face à la caméra, Rodrigo Rosenberg,
avocat renommé de 47 ans abattu le 10 mai à coups de feu à
Ciudad de Guatemala, pressentait son assassinat et en accusait anticipativement
le président de la République, le social-démocrate Alvaro
Colom, sa femme Sandra de Colom et plusieurs proches collaborateurs du chef
de l'Etat. L'émoi médiatique et politique est considérable.
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Rodrigo Rosenberg, l'avocat abattu le 10 mai 2009, tel qu'il apparaît
3 jours plus tôt sur une vidéo accusant de son assassinat qu'il pressentait le
président Alvaro Colom.
VOIR LA VIDÉO |
"Bonjour. Mon nom est Rodrigo Rosenberg Marzano et, malheureusement, si en ce moment
vous voyez ou lisez ce message, c'est parce que j'ai été assassiné
par Monsieur le président Alvaro Colom, avec l'aide de Monsieur Gustavo Alejos [secrétaire
privé de la présidence; ndlr] et de Monsieur Gregorio Valdez"
[homme d'affaires qui finança la campagne d'Alvaro Colom pour
l'élection présidentielle qu'il remporta en novembre 2007; ndlr].
Cette phrase explosive est la première de la vidéo accusatrice
de 18 minutes enregistrée le 7 mai par Rodrigo Rosenberg, trois jours
avant son assassinat. La distribution de la vidéo à l'initiative
de proches de la victime débutait lundi 11 mai lors de ses obsèques.
Quelques heures plus tard, elle atterrissait sur le site Internet de plusieurs
journaux guatémaltèques.
Le porte-parole de la présidence, Fernando Barillas, démentait
aussitôt l'accusation, l'attribuant à une "conspiration"
pour déstabiliser le pays. Flanqué de ses ministres, Alvaro
Colom lui-même, premier président de gauche depuis 1954 au Guatemala,
adressait le soir un message télévisé à la nation,
la priant de ne pas suivre "des gens qui, de manière malintentionnée,
génèrent des faits visant à créer l'ingouvernabilité".
Le chef de l'Etat a offert "l'appui inconditionnel" de son gouvernement
pour identifier "les véritables responsables de
ce crime". Il a sollicité la participation à l'enquête
de la Commission internationale contre l'impunité au Guatemala (CICIG).
Opérant sous la responsabilité d'un mandataire du secrétaire
général de l'ONU, la CICIG aide les
autorités guatémaltèques dans la lutte contre les corps
clandestins de sécurité et contre les groupes criminels qui
menacent les libertés fondamentales.
"La raison de ma mort est uniquement et exclusivement d'avoir été
jusqu'au dernier moment l'avocat de Monsieur Khalil Musa et de sa fille Marjorie Musa,
qui furent lâchement assassinés par Monsieur le président Alvaro
Colom, avec le consentement préalable de sa femme Sandra de Colom et
avec l'aide de Gregorio Valdez et Gustavo Alejos" assène en guise
d'explication Rodrigo Rosenberg dans son message écrit et filmé.
L'infortuné avocat impute ainsi au chef de l'Etat deux autres crimes,
perpétrés le 14 avril, moins d'un mois avant son propre assassinat.
Il affirme dans son double message posthume que Khalil Musa, qui était
membre du conseil de direction de la Banque de développement rural
(Banrural), entité semi-publique, fut assassiné pour se refuser
à couvrir "les affaires illégales et millionnaires qui se
négocient chaque jour à Banrural". Ces affaires, ajoute
Rodrigo Rosenberg, comprennent "le blanchiment d'argent, le détournement
de fonds publics pour des programmes inexistants de la femme du président,
Sandra de Colom, et le financement d'entreprises utilisées comme écran
par le narcotrafic".
Juriste réputé dans le monde académique et assesseur
de plusieurs sociétés, Rodrigo Rosenberg faisait du vélo
dimanche matin à proximité de sa résidence dans un quartier
privilégié de la capitale du Guatemala lorsqu'il fut abattu
par des inconnus circulant à bord de deux véhicules.
L'éditorialiste du quotidien guatémaltèque Prensa Libre
estimait le 12 mai que ce crime politico-mafieux "a créé
la crise politique la plus grave de l'actuelle démocratie,
car jamais auparavant un président de la République élu
librement n'avait été désigné comme étant
impliqué de façon directe ou indirecte dans un assassinat, ainsi
que son épouse, l'un des principaux collaborateurs du chef de l'Etat
et des personnalités de Banrural, institution bancaire utilisée
pour de nombreuses transactions du gouvernement".
Le renoncement au moins temporaire d'Alvaro Colom à la présidence,
afin de garantir la neutralité de l'enquête, est réclamé
par le général retraité Otto Perez Molina, candidat de droite à la
présidentielle de 2007 (47% des voix au second tour) et actuel leader de l'opposition à
la tête du Parti Patriote.
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