CIUDAD DE GUATEMALA, lundi 5 novembre 2007 (LatinReporters.com)
- Premier président de gauche depuis 1954 au Guatemala, le social-démocrate
Alvaro Colom a été élu au second tour, le 4 novembre,
avec 52,84 % des suffrages. Sa victoire sur le général à
la retraite Otto Pérez Molina, candidat de la droite, renforce la
domination de la gauche en Amérique latine.
|
Alvaro Colom à la une de la presse guatémaltèque au lendemain de sa victoire du 4 novembre 2007 au second tour de l'élection présidentielle |
La célèbre Amérindienne Rigoberta Menchu, prix Nobel
de la Paix 1992, avait été éliminée le 9 septembre
au premier tour de cette élection présidentielle guatémaltèque.
Son score humiliant de 3,06% la classa 7e des 14 candidats.
Parmi les pays latino-américains (pays hispanophones et Brésil),
seuls le Mexique, la Colombie, le Honduras, le Salvador et le Paraguay n'ont
pas été submergés par le tsunami continental de gauche.
De la social-démocratie libre-échangiste au radicalisme antiaméricain
et antiglobalisation, différentes variantes de la gauche gouvernent
actuellement à Cuba, au Venezuela, au Brésil, en Argentine,
en Uruguay, en Bolivie, au Chili, au Pérou, en Equateur, en République
dominicaine, au Costa Rica, au Panama et au Nicaragua. Le Guatemala les rejoindra
le 15 janvier 2008, date de l'investiture d'Alvaro Colom pour un mandat de
quatre ans.
C'est la première fois que la gauche arrive au pouvoir au Guatemala
depuis plus d'un demi-siècle et depuis le retour à la démocratie,
en 1985 après 31 ans de dictatures militaires successives. Le coup
d'Etat de 1954 contre le colonel Jacobo Arbenz Guzman, président de
gauche élu démocratiquement, marqua profondément l'idéologie
et l'engagement du légendaire Ernesto Che Guevara. Le futur révolutionnaire
argentin résidait alors au Guatemala. Il cherchait à y exercer
sa profession de médecin et ne connaissait pas encore Fidel Castro.
Ingénieur industriel de 56 ans spécialisé dans l'industrie
textile, dont sa femme est l'une des figures de proue au Guatemala, Alvaro
Colom a dans le passé glissé de la gauche vers le centre droit. Il se revendique aujourd'hui d'une
gauche modérée. Avant son élection, il citait comme références
le président brésilien de centre gauche Luiz Inacio Lula Da Silva, la présidente
socialiste chilienne Michelle Bachelet, apôtre du libre-échange
mondial, et le social-démocrate José Luis Rodriguez Zapatero,
chef du gouvernement espagnol.
Le nouveau président élu jouit d'une bonne image à
Washington. Il ne remettra pas en question l'inclusion du Guatemala dans
le CAFTA (Central American Free Trade Agreement), l'accord de libre-échange
signé en 2004 entre, d'une part, les Etats-Unis et, d'autre part la
République dominicaine et cinq pays d'Amérique centrale. Alvaro
Colom veut attirer les investissements et dynamiser les exportations pour
mieux affronter la globalisation, non pour s'y opposer.
"Libre marché jusqu'où c'est possible et Etat là où
c'est nécessaire" est l'une des phrases par laquelle Colom se définissait
avant sa victoire. En proclamant celle-ci dimanche soir, il a promis "un
gouvernement d'unité" oeuvrant à "la conciliation
nationale" des Guatémaltèques qui ont, selon le président
élu, "tourné la page de la tragédie". Une référence
aux décennies de militarisme auxquelles Alvaro Colom associait pendant
la campagne son adversaire, l'ex-général Otto Pérez
Molina.
Battu en 1999 et 2003, Colom a été élu au 3e essai,
malgré une majorité de sondages prédisant sa défaite.
A la tête de son Union Nationale de l'Espoir (UNE), il met en avant
les mesures sociales pour combattre la pauvreté et la criminalité.
Elles sont avec la corruption les principales plaies du Guatemala. Ce pays
de 13 millions d'habitants est après la Bolivie et avant l'Equateur
celui d'Amérique latine ayant la plus forte proportion d'autochtones
d'origine pré-colombienne. Plus de vingt ethnies mayas représentent
de 42 à 56% de la population selon diverses estimations. Le second
chiffre correspond aussi au taux national de pauvreté.
Le candidat social-démocrate l'a emporté dans tous les départements
du pays, à l'exception de sa capitale et de ses 16 municipalités
et du département de Baja Verapaz. Vainqueur du premier tour
avec à peine 28% des suffrages et menacé par une majorité
virtuelle des diverses droites, Alvaro Colom, mieux implanté dans les
campagnes que dans les villes, a sans doute réussi à nouer
des alliances sur le terrain, avec des maires, des députés
locaux et des militants actifs de la société civile, court-circuitant
l'unité de la droite autour de l'ancien général Otto
Pérez Molina. Dans ce contexte, Colom a probablement enfin récolté
les fruits de l'une de ses particularités: il est l'un des rares blancs
consacré "ministre du culte solaire maya".
Son adversaire Otto Pérez Molina (47,16% des voix) a reconnu sa défaite,
tout en se déclarant satisfait de l'implantation de son Parti Patriote
(PP), qui exercera une opposition "constructive" et "vigilante".
Sous le slogan "mano dura" (main dure), le général retraité promettait
lors de la campagne électorale de frapper non seulement la criminalité,
contre laquelle il voulait rétablir la peine de mort et si besoin
mobiliser des militaires, mais aussi la fraude fiscale, la corruption et
la mauvaise gestion de services sociaux.
Ses partisans le présentaient comme le "général de
la paix", signataire en 1996 des accords clôturant la guerre civile
qui fit 200.000 morts et 60.000 disparus. Perez Molina fut néanmoins
aussi responsable du renseignement militaire et du défunt état-major
présidentiel, deux institutions de triste mémoire. Cela permit
sa diabolisation tant par Alvaro Colom ("La main dure est responsable de
massacres") que par Rigoberta Menchu ("Nous ne pouvons pas laisser le pays
aux mains d'un militaire. J'ai déjà eu l'expérience
de cette triste histoire").
Première force parlementaire, l'UNE d'Alvaro Colom ne contrôle néanmoins que
52 députés sur les 158 du Congrès monocaméral. Le nouveau
président sera donc tributaire, pour légiférer, d'une alliance ou d'accords avec
une ou plusieurs des diverses droites. Il devra aussi soupeser la signification de l'abstention
électorale. La participation au second tour de la présidentielle n'a été
que de 48%.
version imprimable
Réagissez sur notre forum en rappelant titre et date de l'article