TEGUCIGALPA / WASHINGTON, mercredi 1er juin 2011 (LatinReporters.com) - La réadmission du Honduras au sein de l'Organisation des Etats américains
(OEA), après 23 mois de suspension suite au coup d'Etat de juin 2009,
sera décidée ce 1er juin à Washington lors d'une session
extraordinaire de l'Assemblée générale de l'OEA. C'est
la conséquence de l'Accord de réconciliation nationale, qui a
permis le retour définitif au Honduras de Manuel Zelaya, l'ex-président
écarté par le putsch.
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A son retour définitif au Honduras, le 28 mai 2011, l'ex-président
Manuel Zelaya déclarait devant des milliers de partisans qu'il
poursuivrait son combat politique, mais que la communauté internationale
doit désormais reconnaître le président Porfirio Lobo.
(Photos FNRP) |
Le Conseil permanent de l'OEA n'aurait pas convoqué cette session
extraordinaire sans la certitude d'un dénouement positif. Parmi les
33 pays appelés à se prononcer, soit tous ceux des Amériques
à l'exception du Honduras et de Cuba, la majorité des deux tiers
nécessaire à la levée de la suspension de l'Etat hondurien
est largement acquise. Rejeté pendant près de deux ans par
la plus grande part de l'Amérique latine, dont la quasi totalité
de l'Amérique du Sud, le gouvernement de Tegucigalpa va enfin retrouver
au sein du système interaméricain une place indispensable
au succès éventuel de sa politique économique.
Un seul pays, l'Equateur, a manifesté son opposition. Le ministre
équatorien des Affaires étrangères, Ricardo Patiño,
notait récemment à Quito que les chefs militaires responsables du coup d'Etat n'ont été
ni limogés ni jugés et que le Honduras offrirait ainsi l'image
"inadmissible d'un putsch militaire demeuré impuni". Les observateurs
expliquent l'intransigeance équatorienne par le souvenir encore chaud
de la mutinerie policière, pour raisons salariales, du 30 septembre
dernier à Quito. Le président de l'Equateur, Rafael Correa,
maintient qu'il fut alors lui-même la cible d'une tentative de coup d'Etat, dont les
coupables doivent être identifiés et jugés.
Revenu au Honduras le 28 mai d'un long exil en République dominicaine,
Manuel Zelaya était accueilli à l'aéroport de Tegucigalpa
par des milliers de partisans mobilisés par le Front national de résistance
populaire (FNRP, gauche).
Le président déchu leur a déclaré son intention
de promouvoir avec ce FNRP, créé après le putsch, un
"ample" front politique pour obtenir la convocation d'une Assemblée
constituante. C'était déjà l'objectif de la consultation
populaire qu'il convoqua, en tant que chef de l'Etat, pour le 28 juin 2009,
jour où l'armée le sortit du lit à l'aube et le jeta
en pyjama dans un avion à destination du Costa Rica, première
étape de son exil forcé.
Manuel Zelaya aura peut-être déçu une partie de ceux
qui l'acclamaient en réclamant de la communauté internationale,
et donc nécessairement des Honduriens, la reconnaissance du président
Porfirio Lobo, car désormais "son gouvernement reconnaît les droits du peuple".
Programmée avant le putsch du 28 juin 2009, l'élection présidentielle
remportée le 29 novembre de la même année par le conservateur
Porfirio Lobo, du Parti national (droite), fut contestée
pour avoir été organisée sous le régime
de transition issu du coup d'Etat.
Grand propriétaire terrien, élu en 2005 président du
Honduras comme candidat du Parti libéral (droite également),
Manuel Zelaya avait surpris en ralliant ensuite le camp de la gauche antiaméricaine
conduite par le président vénézuélien Hugo Chavez.
Il concrétisait ce virage en signant en août 2008 l'adhésion
du Honduras à l'Alternative [aujourd'hui Alliance; ndlr] bolivarienne
pour les Amériques, l'ALBA, qui englobe actuellement le Venezuela,
Cuba, la Bolivie, le Nicaragua, l'Equateur, la Dominique, Antigua-et-Barbuda,
ainsi que Saint-Vincent-et-les-Grenadines.
La prétention de Manuel Zelaya de convoquer une Assemblée
constituante fut interprétée comme une tentative de se perpétuer
au pouvoir par une révision constitutionnelle, déclarée
d'emblée illégale par la Cour suprême de justice, le Parquet
de la République, le Tribunal suprême électoral et le
Congrès (Parlement). Aussi, nombre de Honduriens sont-ils encore persuadés
que Manuel Zelaya ne fut pas victime d'un coup d'Etat, mais plutôt
d'une éviction militaire musclée requise par les pouvoirs judiciaire
et politique pour défendre la Constitution. Curieusement, en révisant
en février dernier l'article 5 de ladite Constitution, le Congrès
a donné le feu vert à d'éventuelles initiatives électorales
identiques à celle qui coûta à Zelaya la présidence.
L'Accord de réconciliation nationale
Grâce à la médiation de la Colombie et du Venezuela, qui
demeurent les parrains du suivi de la normalisation, Manuel Zelaya et Porfirio
Lobo signaient le 22 mai à Cartagena de Indias, dans le nord colombien,
un "
Accord
de réconciliation nationale et de consolidation du système
démocratique en République du Honduras".
Le président colombien Juan Manuel Santos et son homologue vénézuélien
Hugo Chavez, représenté par son ministre des Affaires étrangères,
Nicolas Maduro, l'ont co-signé en qualité de "témoins"
et de "médiateurs". On appréciera la qualité apparente
des relations actuelles entre la Colombie et le Venezuela, deux pays qui
semblaient au bord de la guerre voici à peine un an à cause
des accords militaires entre Bogota et Washington et des camps de la guérilla colombienne des
FARC au pays de Chavez.
C'est cet Accord de réconciliation qui a débloqué tant le retour de
Manuel Zelaya dans son pays que la réadmission du Honduras
au sein de l'OEA. Le texte salue l'extinction de toute poursuite de la justice
hondurienne contre l'ex-président. Celui-ci voit garantie la "pleine
reconnaissance" de ses "droits constitutionnels", y compris "l'exercice de
son action politique dans des conditions de sécurité et de
liberté".
"La participation démocratique dans les processus politiques électoraux"
est aussi garantie explicitement au Front national de résistance
populaire. L'accord va jusqu'à préciser que "la demande de
l'ex-président Zelaya de convoquer une Assemblée constituante
s'inscrira dans les mécanismes de consultation [populaire]" prévus
par la réforme de l'article 5 de la Constitution.
Hugo Chavez a qualifié le retour de Manuel Zelaya de "victoire du
peuple du Honduras". Sur le plan de l'influence régionale, le président
du Venezuela regagne une partie du terrain que lui fit perdre le coup d'Etat
de Tegucigalpa. L'administration du président Lobo a sollicité
son retour dans le programme Petrocaribe, qui assure la fourniture de pétrole
vénézuélien avec facilités de paiement. Mais
pas question pour l'heure de réintégrer l'ALBA. Manuel Zelaya,
lui, le souhaite. Cela dépendra de l'inconnue qu'est sa force
électorale future. La prochaine élection présidentielle
au Honduras nous reporte en principe à fin 2013.