MADRID, jeudi 6 mai 2010 (LatinReporters.com) - Reflétant la position
d'au moins une douzaine de pays d'Amérique latine, le Brésil,
le Venezuela, la Bolivie et l'Equateur ont explicitement menacé de
boycotter le VIe sommet Union européenne - Amérique latine
et Caraïbes (UE-ALC), prévu du 17 au 19 mai à Madrid.
La menace vise à empêcher la présence au sommet du président
"illégitime" du Honduras, Porfirio Lobo. Il a été invité
par l'Espagne, présidente en exercice de l'UE.
Programmée avant le coup d'Etat du 28 juin 2009, l'élection
présidentielle remportée le 29 novembre au Honduras par Porfirio
Lobo demeure contestée pour avoir été organisée
sous le régime de transition issu du coup d'Etat. Soutenue par le
Parlement et la justice, l'armée hondurienne avait expulsé
du pays le 28 juin le président Manuel Zelaya, ancien libéral
devenu l'allié des pays de la gauche radicale menée par le
Venezuela d'Hugo Chavez.
Le président Lobo est reconnu notamment par les Etats-Unis et l'Union
européenne. En Amérique latine, la légitimité de Porfirio Lobo est
encore déniée par au moins une douzaine de pays, à savoir
le Brésil, le Venezuela, la Bolivie, l'Equateur, l'Argentine, l'Uruguay,
le Paraguay, le Surinam. la Guyana, le Nicaragua, Cuba et le Mexique.
La seule absence éventuelle du Brésil et du Mexique, deux
poids lourds qui totalisent plus de la moitié des habitants et
plus de 60% du produit intérieur brut des 33 pays de l'ALC, menacerait
d'insignifiance le sommet UE-ALC, considéré par l'Espagne
comme le plus important de sa présidence communautaire.
Il s'agirait d'un nouveau coup dur porté à l'image du chef
du gouvernement espagnol, le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero,
après l'annulation en février, à la fois par désintérêt
de Barack Obama et par surcharge de son agenda, du sommet UE / Etats-Unis
programmé pour les 24 et 25 mai à Madrid.
La menace d'un boycott latino-américain était exprimée
publiquement pour la première le 4 mai dans la province de Buenos
Aires par Rafael Correa, président de l'Equateur et président
en exercice de l'Union des nations sud-américaines, à l'issue
du sommet lors duquel cette UNASUR porta à son secrétariat
général l'ex-président argentin Nestor Kirchner.
En écho, dès le lendemain, le Venezuela, la Bolivie et le Brésil
confirmaient.
Reçu en République dominicaine, le président
vénézuélien Hugo Chavez y admettait faire partie de ceux
qui bouderaient le sommet de Madrid "si l'Europe persiste à inviter
Monsieur Lobo". A la Paz, le président bolivien Evo Morales souhaitait
devant la presse l'exclusion de Porfirio Lobo et espérait à
ce propos recevoir de l'Espagnol José Luis Rodriguez Zapatero "de bonnes
nouvelles qui nous permettent de participer tous au sommet". Et au Brésil,
l'influent conseiller aux Affaires internationales de la présidence,
Marco Aurelio Garcia, chiffrait à "au moins dix présidents latino-américains",
dont le Brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, les absents à
Madrid si Porfirio Lobo participait au sommet.
Marco Aurelio Garcia affirmait toutefois ensuite être en condition
"d'assurer que le Honduras n'ira pas" à Madrid, sans révéler
le fondement de cette certitude. Paradoxalement, c'est Porfirio Lobo en
personne qui a peut-être déjà confirmé le diagnostic
du conseiller présidentiel brésilien.
Porfirio Lobo s'effacerait si Madrid le lui demandait
Nuançant fortement la position de son ministère des Affaires
étrangères, qui refusait la remise en question de "l'invitation
formelle du gouvernement espagnol", le président du Honduras a remis
l'affaire "à la considération de l'Espagne". "Nous ne voulons
pas être un élément de conflit ... Nous sommes disposés
à faire ce qu'on nous indiquera ... S'il y a un problème,
nous n'irons pas [à Madrid]" a déclaré Porfirio Lobo
au Guatemala, s'exprimant aux journalistes à l'issue d'un entretien
avec son homologue guatémaltèque Alvaro Colom.
Porfirio Lobo a ajouté que l'ex-président Manuel Zelaya,
exilé actuellement en République dominicaine, ne serait pas
emprisonné s'il revenait au Honduras, où la justice l'accuse
toujours de divers délits communs et politiques. Les inquiétudes
planant sur le sommet de Madrid ont incité la diplomatie espagnole
à travailler activement à ce retour en douceur de Manuel Zelaya.
Ses partisans n'espèrent plus qu'il récupère la présidence, fût-ce
brièvement et symboliquement. L'essentiel serait qu'il jouisse pleinement de ses droits civils et politiques pour préparer "l'alternative progressiste" au Honduras.
Optimiste, le ministre espagnol des Affaires étrangères,
Miguel Angel Moratinos, a affirmé le 6 mai que le sommet de Madrid
sera "historique". Néanmoins, selon lui, "il faut dire la vérité
: les choses ne vont pas bien entre l'Amérique latine et l'UE. Elles
ne sont pas à la hauteur de l'ambition, des expectatives et du potentiel
existant entre les deux [blocs partenaires]".
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