Premières déclarations du chef de l'État mexicain sur la crise diplomatique
Affaire Cassez / Président Calderon: le Mexique ne pliera pas devant la France
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Le président mexicain Felipe Calderon interviewé le 18 février 2011 sur la chaîne TV Azteca. (Capture d'écran LatinReporters.com) |
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MEXICO, samedi 19 février 2011 (LatinReporters.com) - Le Mexique ne
pliera pas devant les pressions "totalement arbitraires" de la France
en faveur de la "kidnappeuse" française Florence Cassez a averti
le président mexicain Felipe Calderon, interviewé vendredi
sur la chaîne mexicaine TV Azteca. Il s'exprimait pour la première
fois sur la crise qui sévit actuellement entre Paris et Mexico.
"Nous n'allons pas permettre que par des situations totalement arbitraires
on veuille soumettre le Mexique" ou infliger un traitement "indigne"
aux Mexicains, a-t-il déclaré, prévenant "qu'il
ne faut pas penser que le Mexique va se laisser faire parce qu'il est un
pays en développement avec ses carences. Certes non et ceux qui le
croient se trompent".
Au risque de sembler relayer les insinuations de parlementaires et de médias
mexicains, qui soupçonnent le président français Nicolas
Sarkozy de tenter de rehausser sa faible popularité en agitant un
nationalisme populiste autour du sort de Florence Cassez, le président
Calderon a affirmé que "Nous sommes un pays qui veut vivre dans
le cadre de la loi, nous sommes une démocratie libre et nous sommes
un peuple qui souffre de problèmes d'insécurité que
nous combattons avec fermeté, aussi ne pouvons-nous pas permettre
que, par caprice ou intérêt de personnes ou de groupes, soit
mise en danger une relation [franco-mexicaine] qui peut être profitable".
Ces propos de Felipe Calderon sont les premiers qu'il dédie à
la crise diplomatique opposant la France au Mexique depuis le rejet par la
justice mexicaine, le 10 février dernier, du pourvoi en cassation
de Florence Cassez. Arrêtée en décembre 2005, cette Française
de 36 ans a été condamnée à 60 ans de prison
pour enlèvements, port d'armes et participation à des actes
de délinquance organisée. Elle clame son innocence. Le gouvernement
français souligne que son arrestation et sa condamnation, extrêmement
lourde, ont été entourées de graves irrégularités,
dont une répétition théâtrale de sa détention
pour que la télévision mexicaine puisse la présenter
comme filmée en direct.
Après le rejet du pourvoi en cassation, la ministre des Affaires étrangères
française, Michèle Alliot-Marie, dénonçait un
"déni de justice", qui "va peser sur nos relations bilatérales".
Le président Nicolas Sarkozy stigmatisait "certains dirigeants"
mexicains et dédiait soudainement l'Année du Mexique en France
à Florence Cassez . Il priait aussi le Mexique de respecter ses obligations
internationales en transférant Florence Cassez pour qu'elle purge
sa peine en France, conformément aux dispositions de la Convention
de Strasbourg.
Dans une réplique cinglante, le gouvernement mexicain annonçait
la suspension de sa participation à l'Année du Mexique en France.
Il réaffirmait en outre que Florence Cassez ne sera pas transférée,
car la Convention de Strasbourg repose sur un consensus entre les États
concernés, consensus inexistant en l'occurrence, la loi mexicaine
n'autorisant pas pour les délits graves la réduction de peine
dont bénéficierait Florence Cassez si elle était remise
à la justice française.
Florence Cassez n'est pas une nouvelle Ingrid Betancourt
Le cas de Florence Cassez, a dit Felipe Calderon dans son interview sur TV
Azteca, n'est pas celui d'une victime d'enlèvement comme l'était
Ingrid Betancourt [otage de la guérilla colombienne des FARC de février
2002 à juillet 2008 - NDLR]. Selon le président mexicain, "nous
parlons d'une kidnappeuse, d'une femme qui faisait partie d'une bande très
dangereuse de délinquants qui séquestraient des Mexicains,
mutilaient les doigts de leurs victimes et menaçaient leurs familles".
Le président Calderon a ajouté que les victimes elles-mêmes
"ont reconnu cette dame [Florence Cassez] et sa voix". Il a
rappelé que la Française fut capturée à l'endroit
où ses victimes étaient séquestrées et qu'elle
a été incriminée par d'autres criminels.
"Quand j'en ai parlé au début avec le président Sarkozy,
il ne mettait même pas en question le fond de l'affaire" a asséné Felipe
Calderon.
Il a néanmoins qualifié "d'amis" les peuples français
et mexicain et rappelé que le Mexique a toujours respecté la
France, ses institutions et ses juges, exigeant une attitude identique à
l'égard du Mexique. Et qu'un cas judiciaire "totalement révisé"
par trois instances judiciaires successives puisse perturber les relations
entre la France et le Mexique lui semble "une erreur que nous ne pouvons
pas permettre".
Assurant que la position du Mexique relève "du bon sens et de la
dignité", le président Calderon s'est dit confiant que,
tôt ou tard, la sagesse et le bon sens l'emporteront.
Conclusion (de Latin Reporters) : après la gesticulation élyséenne,
la durée du séjour au Mexique de Florence Cassez semble plus
infinie que jamais. Ingrid Betancourt dira-t-elle le contraire, elle qui
n'aurait peut-être pas subi autant d'années de bagne vert aux
mains de la guérilla colombienne si quelques grands de ce monde n'avaient
pas mythifié bruyamment et donc compliqué son cas?
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