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Contre la faim: 110 pays derrière le Brésil, la France, le Chili et l'Espagne

Alliance contre la faim: (de gauche à droite) Ricardo Lagos (Chili), Kofi Annan (ONU), Lula (Brésil), Chirac (France), Zapatero (Espagne)
Photo Ricardo Stuckert / PR
NEW YORK, mercredi 22 septembre 2004 (Centre nouvelles ONU / LatinReporters)

La «Déclaration de New York sur l’Action contre la faim et la pauvreté» compte déjà 110 pays signataires (sur 191 représentés aux Nations Unies) annonçaient lundi à New York les présidents du Brésil, Luiz Inacio Lula da Silva, du Chili, Ricardo Lagos Escobar, de la France, Jacques Chirac, et le président du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero. Ils forment avec le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, ce que certains médias appellent l'Alliance mondiale contre la faim.


En marge de l'Assemblée générale annuelle de l'ONU, ces dirigeants ont participé avec 53 autres chefs d'Etat et de gouvernement à un sommet sur le thème «Mondialisation équitable: mise en oeuvre de la Déclaration du Millénaire». Le sommet s’est achevé par l’adoption de la Déclaration de New York. Ses signataires estiment que «le plus grand scandale aujourd’hui n’est pas que la faim existe, mais qu’elle persiste alors que le monde a les moyens techniques et financiers de l’éliminer et de promouvoir un développement économique durable, empreint de justice sociale».

PARADOXES

Que le Brésil et la France soient, avec les présidents Lula et Chirac, les fers de lance d'une même alliance mondiale contre la faim et la pauvreté relève du paradoxe.

Au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et dans le dialogue entre l'Union européenne (UE) et l'Amérique latine et les Caraïbes (ALC), le Brésil est le plus ferme défenseur d'une large ouverture des marchés occidentaux aux produits agricoles du Tiers-Monde. Or, sur ce chapitre, la France est la plus réticente. Pourtant, la misère dans le monde est souvent celle de populations paysannes des pays défavorisés dont la production, sans débouchés, se tarit.

Le 29 mai dernier à Guadalajara (Mexique), à l'issue du 3e sommet UE-ALC, Jacques Chirac mettait un nouveau bémol à cette ouverture commerciale redoutée par les agriculteurs français. Lula relevait alors la contradiction entre le discours de la France sur la construction d'un monde multipolaire et sa tiédeur dans le volet commercial du partenariat birégional UE-ALC. La "multipolarité" est pourtant un concept autant économique que géopolitique tenait à préciser le ministre brésilien des affaires étrangères, Celso Amorim.

Par ailleurs, alors que le Brésil, le Chili, la France et l'Espagne proposent de combattre la faim dans le monde en accroissant l'aide au développement grâce à de nouvelles taxes, un autre paradoxe oublié est que cette aide n'aboutit parfois qu'à transférer la misère, voire à la multiplier.

L'exemple du café vietnamien est édifiant. Producteur insignifiant il y dix ans, le Vietnam est devenu le deuxième exportateur mondial de café et le premier producteur de robusta. Il le doit notamment aux aides et prêts de la Banque mondiale, du Japon, de la France et de l'Union européenne.

La surproduction mondiale de café qui en résulte a fait s'effondrer les cours, plongeant dans la misère des centaines de milliers de travailleurs des plantations de café en Amérique latine et en Asie, notamment au Honduras, au Salvador, au Brésil, en Colombie, au Timor oriental et en Indonésie. Même les travailleurs des plantations vietnamiennes sont désormais menacés.

Accroître l'aide au développement ne suffit donc pas. Il faut aussi globaliser l'étude de ses effets.

Le thème de la lutte contre la faim s’est transformé aujourd’hui en priorité politique mondiale, s’est félicité l’initiateur du mouvement «Action contre la faim et la pauvreté», le président brésilien Lula. Prévenant qu’on ne peut exiger des citoyens des pays riches qu’ils fassent des dons sans s’inquiéter de leur affectation, il a appelé les pays pauvres à acquérir l’autorité politique et éthique nécessaire à une adhésion universelle à leurs appels en faveur de politiques plus justes... Une manière plus que diplomatique de reconnaître que la corruption mine l'efficacité et la crédibilité de l'aide au développement.

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La Déclaration de New York, a estimé le président Jacques Chirac, ouvre la voie à d’autres mesures de financement du développement qui viendront s’ajouter aux moyens traditionnels de l’aide publique. Le FMI (Fonds monétaire international) et la Banque mondiale, dont les responsables ont participé au sommet, ont d’ailleurs souligné que les propositions faites dans la Déclaration sont «techniquement réalisables et politiquement souhaitables», a affirmé le président français en saluant «cette phase nouvelle de l’affirmation de la solidarité internationale».

Proposition de nouvelles taxes et ressources financières

Parmi les propositions défendues par le Brésil, le Chili, la France et l'Espagne figurent la taxation des transactions financières internationales, du commerce des armes et des émissions de CO2; la revitalisation des droits de tirage spéciaux du FMI; le lancement de nouveaux types d'emprunts; la lutte contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux; la réduction des taxes sur les envois de fonds par les immigrés; des contributions volontaires lors d’achats par cartes de crédit; ou encore la mise sur pied de «fonds éthiques» consistant à encourager les investissements dans les entreprises qui s’engagent en faveur du développement social et de la protection de l’environnement.

A la veille du premier bilan, prévu en 2005, de l’état d’avancement des neuf objectifs fixés dans la Déclaration du Millénaire de 2000, l'Espagnol José Luis Rodriguez Zapatero juge important que quelques-unes de ces mesures connaissent un certain degré de mise en oeuvre d'ici douze mois. Il a encouragé le FMI et la Banque mondiale à se pencher sur ces questions dans le cadre de leur session de printemps, en rappelant, comme le président chilien Ricardo Lagos, la promesse du président Chirac d’en discuter au sein du G-8.

Selon MM Lula, Lagos, Chirac et Zapatero, l'objectif de réduire de moitié, d’ici à 2015, le nombre de personnes vivant dans la faim et la pauvreté extrême ne sera pas atteint à moins que les engagements politiques ne s’accompagnent rapidement d’engagements fermes sur le financement du développement. Pour ce faire, l’aide publique au développement devrait passer de 60 à 110 milliards de dollars par an.

A propos de l'opposition des Etats-Unis à de nouvelles taxations internationales, le Brésilien Lula a précisé que les propositions de la Déclaration de New York ne sont pas définitives et que le débat reste ouvert. La seule certitude, a-t-il ajouté, est que «les choses ne peuvent plus continuer comme ça». Lula est convaincu que «nous venons d’entamer un processus qui, au fil du temps, recueillera l’adhésion de tous».

Marquant son attachement à la taxation, Jacques Chirac a remarqué que les Etats-Unis sont «en pleine campagne électorale» et qu'il convenait donc «d'attendre un peu que les choses se décantent et que les positions soient définitivement prises». Le président français a néanmoins mis en garde l’administration américaine contre le fait «qu’on ne s’oppose pas durablement et victorieusement à une position qui sera probablement approuvée par 150 pays, créant de ce fait une situation politique nouvelle».


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