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Nommé par le président Garcia après la démission du gouvernement
Pérou-Yehude Simon: de détenu pour terrorisme à Premier ministre anti-corruption
16 morts dans une attaque attribuée au Sentier lumineux

"Guerre à la corruption" titre le 12 octobre 2008 le quotidien Perú 21 sur une photo du nouveau Premier ministre de gauche Yehude Simon.
LIMA, dimanche 12 octobre 2008 (LatinReporters.com) - Fils d'un immigré palestinien (*) et d'une Italienne, emprisonné pendant plus de huit ans pour "apologie du terrorisme", candidat potentiel à la présidence en 2011 et actuel président élu de la région côtière de Lambayeque (nord), le vétérinaire, sociologue et politicien indépendant de gauche Yehude Simon Munaro, 61 ans, est le nouveau Premier ministre du Pérou. Il a été désigné par le président social-démocrate Alan Garcia pour combattre en priorité la corruption, qui a acculé à la démission un gouvernement secoué aussi par la guérilla maoïste du Sentier lumineux.

Député national, de 1985 à 1990, de la coalition d'extrême gauche Izquierda Unida (Gauche Unie), Yehude Simon fondait en 1991 le mouvement Patria Libre, rapidement considéré par le régime du président Alberto Fujimori (1990-2000) comme la vitrine légale des terroristes du Mouvement Révolutionnaire Tupac Amaru (MRTA).

Arrêté en juin 1992 et condamné à 20 ans de prison pour "apologie du terrorisme", soutenu alors par Amnesty International et d'autres organisations de défense des droits humains, Yehude Simon fut amnistié et libéré en décembre 2000, après la chute de Fujimori, actuellement jugé à Lima pour crimes contre l'humanité et corruption.

Président du Parti Humaniste Péruvien (PHP, centre gauche) qu'il créa en 2001, Yehude Simon était élu en 2002 - puis réélu en 2006- à la présidence du département de Lambayeque, l'une des 25 régions actuelles du Pérou. Ces deux victoires électorales successives furent acquises contre le parti d'Alan Garcia, l'APRA (Alliance Populaire Révolutionnaire Américaine), dont le nord péruvien est pourtant la forteresse.

La page d'accueil du site Internet du PHP porte la mention "Yehude presidente 2011-2016". Le nouveau Premier ministre apparaît donc déjà comme un candidat potentiel, dans moins de trois ans, à la succession d'Alan Garcia pour le prochain quinquennat présidentiel. Avec son pedigree atypique, Yehude Simon sera peut-être alors le plus redoutable concurrent d'Ollanta Humala, le poulain péruvien du président vénézuélien Hugo Chavez.

Dans les sondages, Yehude Simon est le leader régional le plus apprécié. Valorisant le milieu rural, cherchant le contact avec les organisations sociales et jouissant d'une auréole de compétence et de probité, sa gestion de la région de Lambayeque est considérée comme exemplaire.

Pour le président Alan Garcia, champion sud-américain de la croissance économique (+9,2% en 2008 au Pérou prévoit le FMI), mais champion aussi du mécontentement social régional et de l'impopularité (moins de 20% d'opinions favorables dans les sondages), la caution morale de son nouveau Premier ministre est un baume.

Le cabinet ministériel que dirigera Yehude Simon devra avoir "une base la plus large et plurielle possible" et "incorporer des acteurs et protagonistes régionaux" déclarait samedi aux journalistes le président Garcia. Le chef de l'Etat a exprimé sa certitude que la composition du gouvernement et la gestion de Yehude Simon "signifieront une importante rénovation démocratique et nous serons à ses côtés dans la lutte pour éradiquer la corruption".

Vingt-quatre heures plus tôt, le 10 octobre, Alan Garcia avait accepté la démission de l'ensemble de son gouvernement, conduit par Jorge del Castillo, afin d'éviter l'affront d'un désaveu parlementaire. Une crise due à la découverte d'une affaire présumée de corruption favorisant l'octroi de blocs d'exploration à la compagnie pétrolière norvégienne Discover Petroleum.

Après la démission, le 6 octobre, du ministre de l'Energie et des Mines, Juan Valdivia, le président Garcia avait déjà destitué un haut fonctionnaire de la compagnie pétrolière d'Etat Petroperu et accepté la démission du président de cette compagnie, César Gutierrez. Un enregistrement diffusé par la télévision avait révélé les propos d'un haut responsable de Petroperu, Alberto Quimper, et d'un influent militant du parti présidentiel APRA, Romulo Leon, en train de se réjouir de juteux versements et de la "bonne affaire" réalisée avec Discover Petroleum.

Résurgence du Sentier lumineux

L'atmosphère politique s'alourdissait davantage après la mort de 14 militaires et de deux civils, le 9 octobre, dans l'attaque d'un convoi de l'armée près de la vallée du fleuve Ene-Apurimac (sud-est). L'embuscade, la plus meurtrière de la dernière décennie, est attribuée par les autorités à la vieille guérilla maoïste du Sentier lumineux, en résurgence grâce notamment à son implication dans le narcotrafic pour s'autofinancer, à l'image, mais plus réduite, de la guérilla marxiste colombienne des FARC. Le Pérou est le deuxième producteur mondial de cocaïne, devancé seulement par la Colombie.

Les affrontements entre l'armée et le Sentier lumineux, avec massacres de civils commis de part et d'autre, firent plus de 69.000 morts entre 1980 et 2000, selon la Commission nationale de Vérité et Réconciliation. Ce conflit intérieur, ainsi que la corruption et la débâcle économique de l'époque continuent à désigner le premier mandat présidentiel d'Alan Garcia (1985-1990) comme "le pire de l'histoire du pays", selon l'expression de plusieurs analystes. Partisan à cette date du non-remboursement de la dette extérieure et de la nationalisation de la banque, Alan Garcia avait ses posters affichés aux côtés de ceux du Che Guevara dans des universités de pays d'Amérique latine à peine sortis de la dictature militaire.

Converti à la social-démocratie, Alan Garcia la teinte, depuis sa réélection en 2006, de fortes couches de libéralisme pro-américain. Cette évolution n'empêchant pas le retour en force de démons du passé -corruption, terrorisme et menaces économiques, alimentées cette fois par la crise financière mondiale- le chef de l'Etat renoue-t-il tant soit peu avec ses idéaux originels en confiant le gouvernement à Yehude Simon? Ce dernier apprécierait peu d'être utilisé comme simple bouclier conjoncturel.



(*) Le père de Yehude Simon est présenté dans certains médias comme "hébreu" ou encore "Israélien". Néanmoins, dans une interview publiée sur le site du Parti Humaniste Péruvien qu'il préside, Yehude Simon parle de "familles arabes comme la mienne". En outre, lorsque Yehude Simon naquit à Lima, le 18 juillet 1947, l'Etat d'Israël, né en 1948 d'un partage de la Palestine, n'existait pas encore. Et la version espagnole de Wikipédia décrit Yehude Simon comme "fils d'un immigrant palestinien".

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