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Pérou: élu président, Alan Garcia freine Hugo Chavez en Amérique latine
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Alan Garcia à la une de la presse de Lima: "Aidez-moi à construire un Pérou juste" |
par Christian Galloy
Analyste politique Directeur de LatinReporters.com
Lundi 5 juin 2006 (LatinReporters.com) - "L'unique vaincu
n'a pas de passeport péruvien" clamait dimanche soir à Lima
le social-démocrate Alan Garcia, vainqueur du second tour de l'élection présidentielle du Pérou. Il visait Hugo Chavez, président du Venezuela. L'expansion de sa révolution "bolivarienne" en Amérique latine aurait été
endiguée ou pour le moins freinée par les électeurs péruviens.
Après dépouillement de 95,6% des bulletins de vote, Alan Garcia
était crédité lundi soir de 52,77% des voix contre
47,23% à son adversaire nationaliste soutenu par Hugo Chavez, l'ex-officier
putschiste Ollanta Humala. Ce dernier a reconnu sa défaite. Mais il s'est
prévalu, avec raison, d'avoir bouleversé "la carte politique
du Pérou". Le taux de participation est de 88,07%. Le vote était obligatoire.
"Je demande à Dieu que ne soit pas président
du Pérou l'irresponsable, le démagogue, le menteur et le voleur
qu'est Alan Garcia" lançait le 28 mai dernier Hugo Chavez dans son
programme hebdomadaire télévisé "Alo Presidente".
Le président vénézuélien menaçait en outre
de rompre totalement les relations diplomatiques avec Lima en cas de victoire d'Alan
Garcia. Des insultes antérieures visant aussi le président
péruvien sortant, le centriste Alejandro Toledo, auquel Hugo Chavez
ne pardonne pas la signature d'un accord de libre-échange avec les
Etats-Unis, ont déjà provoqué le rappel de l'ambassadeur
du Pérou à Caracas, suivi du rappel de l'ambassadeur du
Venezuela à Lima.
Son triomphe assuré et ovationné à Lima par une multitude de partisans,
Garcia répliquait dimanche: "Le Pérou a envoyé
aujourd'hui un message en faveur de notre indépendance, de notre souveraineté
nationale, et a mis en échec les efforts entrepris par Hugo Chavez
pour nous intégrer dans la stratégie d'expansion de son modèle militariste et
rétrograde en Amérique latine".
Nombre d'éditorialistes sud-américains avaient inscrit l'élection
présidentielle au Pérou dans la lutte naissante entre les deux
gauches de la région: la gauche "bolivarienne" et "anti-impérialiste"
d'Hugo Chavez, d'Evo Morales en Bolivie, de Fidel Castro à Cuba et d'Ollanta Humala contre la gauche plus modérée qui mise sur l'économie sociale de marché,
incarnée au Brésil par Lula, en Uruguay par Tabaré Vazquez,
au Chili par Michelle Bachelet, en Argentine par Nestor Kirchner et au Pérou
par Alan Garcia.
Après la victoire du social-démocrate libre-échangiste
Oscar Arias le 5 février à l'élection présidentielle
du Costa Rica et la réélection triomphale du président
conservateur pro-américain Alvaro Uribe le 28 mai en Colombie, la
victoire d'Alan Garcia au Pérou est la troisième défaite
consécutive de l'axe "bolivarien" Caracas-La Havane-La Paz.
Une adhésion de Lima à cet axe de la main d'Humala
aurait accru substantiellement l'influence politique et économique du Venezuela d'Hugo
Chavez en Amérique latine au détriment à la fois des Etats-Unis, du Canada,
du Brésil, de l'Argentine et de pays européens, en particulier l'Espagne.
Dans l'intense marathon d'élections présidentielles latino-américaines
ouvert en novembre 2005 au Honduras par le retour au pouvoir des libéraux,
seul le triomphe d'Evo Morales en décembre en Bolivie a conforté
l'ambition de l'antiaméricain Hugo Chavez de s'ériger en successeur du libertador historique Simon Bolivar, qui luttait, lui, contre l'Espagne au 19e siècle. Ni
même la victoire, le 15 janvier au Chili, de la socialiste Michelle
Bachelet, adepte du libre-échange avec les Etats-Unis et le reste
du monde, ne s'inscrit dans l'optique de la gauche "bolivarienne".
Les ingérences bruyantes et l'expansionnisme idéologique pressant
d'Hugo Chavez ont fait de lui un repoussoir pendant la campagne électorale
au Pérou. Au Mexique, où l'on votera le 2 juillet, le candidat
conservateur à la présidence, Felipe Calderon, en tire déjà
la leçon depuis quelques semaines. Il a réussi à devancer
dans les sondages le candidat de la gauche, Andrés Manuel Lopez Obrador,
en le présentant comme la version mexicaine d'Hugo Chavez.
Outre le Mexique, ce sont aussi l'Equateur, le Nicaragua, le Brésil
et le Venezuela qui éliront ou rééliront leur président
au second semestre de 2006. La réélection de Luiz Inacio Lula
da Silva au Brésil et celle d'Hugo Chavez au Venezuela étant
considérées comme acquises, c'est à Mexico, Quito et
Managua que les "bolivariens" tenteront de prendre leur revanche.
A Lima, le chaviste Ollanta Humala et son Union pour le Pérou
(UPP) entendent demeurer des acteurs clefs de la vie politique. Ils misent
sur les élections régionales et municipales de novembre et
sur leur majorité relative au Congrès, où ils contrôlent
45 des 120 députés. Et puis, nul n'oublie qu'Evo Morales fut lui aussi second
de sa première présidentielle, en 2002, avant de conquérir
enfin la charge suprême de la Bolivie en décembre 2005.
Alan Garcia, 57 ans, et son APRA (Alliance Populaire Révolutionnaire
Américaine, membre de l'Internationale socialiste) doivent faire oublier
leur première présidence catastrophique (1985-1990), marquée
par la débâcle économique, la corruption et la violence
des révolutionnaires maoïstes du Sentier Lumineux. Garcia en
a demandé pardon dimanche soir aux Péruviens en leur répétant
qu'il a mûri.
Quoique vaincu au décompte national, son adversaire Humala sort vainqueur
dans 15 des 25 départements péruviens, ceux des Andes et du
Sud à forte composante amérindienne. L'électricité
et l'eau courante y sont encore souvent un luxe.
Garcia annonce "des plans de développement spécifiques" pour
ces régions déshéritées. Le gaz naturel de Camisea
devrait y jouer un rôle majeur. Sans aller jusqu'à la nationalisation
des ressources naturelles et des "secteurs stratégiques" prônée par Humala, le vainqueur de
la présidentielle tentera probablement de revoir à la hausse la part de l'Etat
dans les contrats avec les multinationales.
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