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Hugo Chavez enflamme le second tour de l'élection présidentielle
Pérou - Garcia contre Humala et... Chavez: duel des gauches pour la présidence
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Ollanta Humala et son symbole électoral, la marmite ("olla" en espagnol) - Photo PNP |
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Alan Garcia - Photo APRA |
LIMA, vendredi 2 juin 2006 (LatinReporters.com) - "Ou avec
Chavez ou avec le Pérou!"... Ce slogan a dominé la fin de campagne
du social-démocrate et ancien président Alan Garcia. Il affronte
dimanche au second tour de l'élection présidentielle l'ex-officier
putschiste Ollanta Humala, soutenu ostensiblement par le président
du Venezuela, Hugo Chavez. Inédit, ce duel reflète la fracture
entre gauches d'Amérique latine.
"Devant cette mer de 100.000 Péruviens, je veux vous dire que votre
vote garantira la victoire de la démocratie contre le militarisme
putschiste" clamait jeudi soir Alan Garcia. Il clôturait sa campagne
électorale sur le Paseo de los Héroes Navales de Lima. Une
tribune stratégique, car la capitale, place forte de la candidate
conservatrice Lourdes Flores éliminée au premier tour, abrite
le tiers des 16 millions d'électeurs du plus vaste des pays andins.
Alan Garcia a opposé "changement responsable" et "pain avec liberté
pour tous" à "la haine et la violence" attribuées à
son adversaire Ollanta Humala, accusé de vouloir faire du Pérou
"une colonie" du Venezuela et d'être financé par les pétrodollars
d'Hugo Chavez.
Parmi les personnalités présentes pour appuyer Garcia, on relevait
le Chilien Luis Ayala, secrétaire général de l'Internationale
socialiste, et Trinidad Jimenez, secrétaire aux Relations internationales
du Parti socialiste ouvrier espagnol de José Luis Rodriguez Zapatero.
Jeudi soir aussi, dans le Sud andin, l'ex-lieutenant-colonel Ollanta Humala remplissait
pour son dernier meeting la Plaza de Armas de Cuzco, l'ancienne capitale
de l'empire inca. En tee-shirt rouge frappé du slogan "Amour pour
le Pérou", il exhortait ses partisans à fonder "un nouveau
pays" pour enterrer le néolibéralisme.
Qualifiant Garcia de "pion servile" des Etats-Unis, Humala réitérait
ses deux propositions clefs: nouvelle Constitution et révision des
contrats avec les multinationales. Le Pérou, clamait-il, pourrait
être "grand et majestueux" grâce à ses réserves
minières et d'hydrocarbures. Comme celui de Bolivie récemment
nationalisé, l'abondant gaz naturel péruvien de Camisea pourrait,
estiment les observateurs, être bientôt au centre de remous boursiers
et diplomatiques.
Avant le meeting, Humala s'était rendu à l'hôpital régional
de Cuzco au chevet de trois de ses militants nationalistes blessés
par balles la semaine dernière lors d'un affrontement dans cette ville
avec des membres du service de sécurité d'Alan Garcia.
La préoccupation suscitée par "un climat croissant de confrontation"
est soulignée par l'ex-ministre canadien des Affaires étrangères,
Lloyd Axworthy, chef de la mission d'observateurs de l'Organisation des Etats
américains (OEA). Un score serré, dimanche, risquerait de favoriser
des accusations de fraude électorale et de déboucher sur des
manifestations violentes. Le dernier sondage de l'Institut Apoyo octroie
52% des intentions de vote à Alan Garcia, contre 48% à Ollanta
Humala.
Le ministre péruvien de la Défense, Marciano Rengifo, a indiqué
que "les services de renseignements" étudient pourquoi l'aéroport
de Tacna, dans le Sud, a accueilli des vols spéciaux en provenance
de Caracas. Des versions journalistiques contradictoires parlent soit d'agitateurs
envoyés par Hugo Chavez, soit du retour de paysans péruviens
opérés des yeux dans le cadre de l'Opération Miracle
menée au Venezuela avec l'aide de médecins cubains.
La tension est aussi entretenue entre les partisans des deux candidats par
une "guerre sale" faite de révélations supposées discréditant
l'un ou l'autre en les liant à l'ex-président Alberto Fujimori
et à celui qui fut son chef des services
de renseignement, Vladimiro Montesinos, tous deux poursuivis pour corruption
et crimes contre l'humanité.
Hugo Chavez: "Je demande à Dieu qu'Alan Garcia ne soit pas président"
Candidat de l'Union pour le Pérou (UPP), métis de 43 ans très
populaire parmi les Amérindiens et vainqueur du premier tour de la
présidentielle, le 9 avril avec 30,6% des suffrages, Ollanta Humala
est taxé de "radical" par les principaux médias péruviens.
Il est appuyé par les présidents vénézuélien
Hugo Chavez et bolivien Evo Morales et partage avec ce dernier une origine
autochtone. (En quechua, Ollanta signifie "le guerrier qui voit tout").
"Je demande à Dieu que ne soit pas président du Pérou
l'irresponsable, le démagogue, le menteur et le voleur qu'est Alan
Garcia" lançait le 28 mai dernier Hugo Chavez dans son programme hebdomadaire
télévisé "Alo Presidente". Ce programme auquel participait
Evo Morales était transmis à partir de la localité bolivienne
de Tiahuanaco, proche de la frontière péruvienne.
Le président vénézuélien a menacé de rompre
totalement les relations diplomatiques avec Lima en cas de victoire d'Alan
Garcia. Des insultes antérieures visant aussi le président
péruvien sortant, le centriste Alejandro Toledo, auquel Hugo Chavez
ne pardonne pas la signature d'un accord de libre-échange avec les
Etats-Unis, ont déjà provoqué le rappel de l'ambassadeur
du Pérou à Caracas, suivi du rappel du représentant du
Venezuela à Lima.
Candidat, lui, d'une gauche dite modérée, Alan Garcia (24,3%
au premier tour) fut de 1985 à 1990 à la tête du gouvernement
considéré comme le pire de l’histoire du pays, frappé
alors par la débâcle économique et la guérilla
maoïste du Sentier lumineux. Partisan à l'époque du non-remboursement
de la dette extérieure et de la nationalisation de la banque, Alan
Garcia avait ses posters affichés aux côtés de ceux du
Che Guevara dans des universités de pays d'Amérique latine
à peine sortis de la dictature militaire.
Vaincu en 2001 au second tour par Alejandro Toledo et aujourd'hui à nouveau candidat,
à 57 ans, de l'historique APRA
(Alliance Populaire Révolutionnaire Américaine), Garcia assure, en
référence à sa première présidence,
qu'il a mûri et qu'on ne gravera pas sur sa tombe l'épitaphe
"Il fut si bête qu'il se trompa deux fois"...
Pour la droite péruvienne, le second tour de la présidentielle
se résume au choix entre "le pire et le moindre des maux", le pire
étant à ses yeux Humala et le moindre Garcia.
L'issue de ce duel inédit constitue un enjeu régional
du fait du clivage et des frictions, depuis la nationalisation par Evo Morales
des hydrocarbures boliviens, entre les différents gouvernements de
gauche qui dominent en Amérique du Sud, notamment entre ceux du Brésil
et de Bolivie. Pour bien se démarquer de son rival, Alan Garcia répète
à l'envi que l'intérêt du Pérou est de se rapprocher
du Brésil et non du Venezuela.
L'élection présidentielle au Pérou s'inscrit ainsi
dans la lutte naissante entre les deux gauches de la région: la gauche
"bolivarienne" et "anti-impérialiste" d'Hugo Chavez, Evo Morales,
Fidel Castro et Ollanta Humala et la gauche plus modérée qui
mise sur l'économie sociale de marché, incarnée au Brésil
par Lula, en Uruguay par Tabaré Vazquez, au Chili par Michelle Bachelet,
en Argentine par Nestor Kirchner et au Pérou par Alan Garcia.
Après la victoire du social-démocrate libre-échangiste
Oscar Arias le 5 février à l'élection présidentielle
du Costa Rica et la réélection triomphale du président
conservateur pro-américain Alvaro Uribe le 28 mai en Colombie, une
victoire d'Alan Garcia au Pérou serait une troisième défaite
consécutive de l'axe "bolivarien" Caracas-La Havane-La Paz.
Par contre, une adhésion de Lima à cet axe après une victoire d'Humala
accroîtrait substantiellement l'influence politique et économique du Venezuela d'Hugo
Chavez en Amérique latine au détriment à la fois des Etats-Unis, du Canada,
du Brésil, de l'Argentine et de pays européens, en particulier l'Espagne.
Analyse prémonitoire du 5 janvier 2005:
L'un des frères Humala sera-t-il le Hugo Chavez du Pérou?
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