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Second tour le 4 juin entre Ollanta Humala et Alan Garcia
Pérou-présidentielle: duel inédit des gauches et conséquences en Amérique latine
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Ollanta Humala (à g.) et le président bolivien Evo Morales - Photo Gobierno de Bolivia |
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Alan Garcia - Photo APRA |
par Richard Huzta
LIMA, jeudi 18 mai 2006 (LatinReporters.com) – Inédit et entraînant
des conséquences en Amérique du Sud, un duel des gauches opposera
au second tour de l'élection présidentielle au Pérou,
le 4 juin, l'ex-militaire putschiste Ollanta Humala à l'ex-président
social-démocrate Alan Garcia.
Vainqueur du premier tour, le 9 avril avec 30,6% des suffrages, Ollanta Humala
est taxé de "radical" par les principaux médias péruviens.
Il est soutenu par les présidents vénézuélien
Hugo Chavez et bolivien Evo Morales et partage avec ce dernier une origine
indienne.
Candidat d'une gauche dite modérée et affiliée à
l'Internationale socialiste, Alan Garcia (24,3% au premier tour) fut de 1985
à 1990 à la tête du gouvernement considéré
comme le pire de l’histoire du pays, frappé à l'époque
par la débâcle économique et la guérilla maoïste
du Sentier lumineux.
L’issue de ce duel inédit constitue un enjeu régional
du fait du clivage et des frictions, depuis la nationalisation par Evo Morales des
hydrocarbures boliviens, entre les différents
gouvernements de gauche qui dominent en Amérique du Sud, notamment
entre ceux du Brésil et de Bolivie.
Le dernier sondage de l'institut Apoyo crédite Humala de 44% des intentions
de vote et Garcia de 56%. Cette marge ne lui garantit pas la
victoire. Le directeur d’Apoyo, Alfredo Torres, prévoit une remontée
d’Humala. "Il n’y a pas de vainqueur assuré, dit-il. Les prochaines
semaines vont être décisives."
L’exemple récent de la
candidate de la droite Lourdes Flores Nano, éliminée au
premier tour dont elle était la favorite, et surtout la cuisante défaite
en 1990 de l’écrivain Mario Vargas Llosa, dont la victoire ne faisait
aucun doute une semaine avant le scrutin face à l'alors inconnu Alberto
Fujimori, incitent à une extrême prudence dans les pronostics.
Pour la droite traditionnelle, le second tour se résume au choix entre
"le pire et le moindre des maux", le pire étant à ses yeux
Humala et le moindre Garcia.
Une victoire d’Alan Garcia serait la bienvenue pour le président brésilien
Luiz Inacio Lula da Silva, dont l’ambition d’assumer le leadership en Amérique
du Sud est désormais éclipsée par la faconde d'Hugo
Chavez et aussi, en partie, par ses propres difficultés internes qui
l’empêchent de se présenter en modèle. Pour bien se démarquer
de son rival qu’il accuse d’être inféodé à Hugo
Chavez, Alan Garcia répète à l’envi que l’intérêt
du Pérou est de se rapprocher du Brésil et non du Venezuela.
Si, au contraire, Ollanta Humala l’emporte, éventualité que
les commentateurs locaux se gardent d’exclure en raison de "l’imprévisibilité
de l’électeur péruvien", l’axe Caracas-La Paz, qui se prolonge
jusqu’à La Havane et auquel pourrait se joindre Quito par effet de
dominos, s’en trouverait conforté.
Même si Humala n’a jamais exprimé ouvertement un penchant pour
Caracas, les thèses économiques qu'il préconise (présence
de l’Etat dans les secteurs stratégiques, nationalisation des ressources
naturelles, opposition au traité de libre commerce avec les Etats-Unis
et anti-impérialisme) s’inscrivent dans la lignée des politiques
défendues par Hugo Chavez et Evo Morales.
Des analystes considèrent que la consolidation de cet axe ne serait
pas sans incidences sur les économies et les politiques internes et
externes du Brésil et de l’Argentine, très dépendants
du gaz bolivien. Pressentant le risque que présenterait pour son pays
un schisme de la gauche sud-américaine recoupant la ligne de partage
entre les pays détenteurs de ressources énergétiques
et ceux qui n’en possèdent pas, le Brésilien Lula invoque la
nécessité d’une entente sur la base d’intérêts
partagés. "J’ai dit au président Evo Morales, déclarait-il
le 15 mai, que je reconnais la Bolivie comme propriétaire de son gaz,
mais les Boliviens doivent admettre que le Brésil en est le premier
consommateur". Il a ajouté que le Brésil continuera à
en importer tant que les prix seront "convenables".
"Nouvelle donne politique en Amérique du Sud"
Dans Somos, supplément hebdomadaire "branché" du quotidien
conservateur péruvien El Comercio, le journaliste Luis Jaime Cisneros
estime que quelle que soit l’issue du scrutin du 4 juin "l’élection
présidentielle au Pérou va définir la nouvelle donne
politique de l’Amérique du Sud."
Il souligne que l'incertitude quant à l'orientation du basculement
idéologique du sous-continent intervient à un moment où
les deux grandes organisations régionales, le Mercosur (Argentine,
Brésil, Paraguay et Uruguay) et la Communauté andine des nations
(CAN – Bolivie, Colombie, Equateur, Pérou et Venezuela) sont la proie
de tensions centrifuges. Après la sortie annoncée du Venezuela,
dont la Bolivie pourrait suivre l’exemple, la CAN risque de ne plus compter
que trois pays. Cela assombrirait davantage ses espoirs d'une association
(incluant le libre-échange) avec l'Union européenne, plus encline
à négocier avec des entités régionales consolidées.
Les nouvelles turbulences pourraient nuire aussi au Chili et à la Colombie.
Ilot de stabilité et de prospérité due essentiellement
à la flambée du prix du cuivre, le Chili s'emploie depuis des
décennies à maintenir sa diplomatie en marge des convulsions
de ses voisins. Mais à l’instar du Brésil, le Chili est confronté
à des difficultés d’approvisionnement énergétique
pour soutenir son développement. Il a en outre un besoin crucial d’eau
douce. La Bolivie pourrait soulager partiellement ces nécessités chiliennes,
éventuellement en échange
d’une improbable rétrocession aux Boliviens de l’accès souverain
à la mer qu’ils revendiquent depuis la perte de leur littoral lors
de la guerre du Pacifique, qui opposa le Chili à la Bolivie et au
Pérou à la fin du 19ème siècle.
Toujours confrontée à une guérilla active et alliée
privilégiée des Etats-Unis pour la combattre, la Colombie, elle, a
fait de son voisin vénézuélien l'un des principaux débouchés
pour ses petites et moyennes entreprises. Celles-ci seront mises en difficulté
par les conséquences de la sortie du Venezuela de la CAN. Cela risque
de peser sur l'élection présidentielle du 28 mai en Colombie,
dont le président sortant, le conservateur Alvaro Uribe, est le grand
favori.
Dans une optique globale soulignée par divers médias tant latino-américains
qu'européens, le second tour de l'élection présidentielle
au Pérou s'inscrirait dans la lutte naissante entre les deux gauches
de la région: la gauche "bolivarienne" et "anti-impérialiste"
d'Hugo Chavez, Evo Morales et Fidel Castro et la gauche plus modérée
qui mise sur l'économie sociale de marché, incarnée
au Brésil par Lula, en Uruguay par Tabaré Vazquez, au Chili
par Michelle Bachelet et en Argentine par Nestor Kirchner.
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