LIMA, lundi 28 mars 2011 (LatinReporters.com) - Nationaliste de gauche et
candidat à la présidence du Pérou comme en 2006, le
lieutenant-colonel à la retraite Ollanta Humala, 48 ans,
secoue la campagne pour l'élection présidentielle du 10 avril. Il en est désormais
le favori, ravissant la première place à
l'ancien chef de l'Etat Alejandro Toledo dans deux sondages diffusés
le 27 mars, 14 jours à peine avant un scrutin qui sera aussi législatif.
Depuis trois mois, tous les sondages précédents situaient en
tête l'ex-président métis Alejandro Toledo (2001-2006).
Si ce centriste a parfois été surnommé "l'Indien qui
croit au marché", Ollanta Humala, lui, a souvent été
désigné par ses adversaires comme "le Chavez péruvien"
pour ses liens personnels et idéologiques avec le président
vénézuélien Hugo Chavez, chef de file de la gauche radicale
en Amérique latine.
En 2006, briguant pour la première fois la charge suprême, Ollanta
Humala avait déjà surpris en remportant le premier tour de
la présidentielle. Il s'était incliné au second tour,
sur le score de 47,4%, devant le social-démocrate Alan Garcia (52,6%).
Président sortant, Garcia ne peut pas briguer sa propre succession,
car la Constitution péruvienne prohibe la réélection
immédiate.
Alejandro Toledo est désormais dépassé non seulement
par Ollanta Humala, mais aussi par la députée Keiko Fujimori,
fille de l'ancien président populiste d'origine japonaise Alberto
Fujimori (1990-2000), condamné pour crimes contre l'humanité
et emprisonné à Lima.
Effectué du 21 au 24 mars sur un échantillon de 4.668
personnes dans 14 des 26 régions du Pérou, le sondage jouissant
du plus grand écho médiatique, celui de la Compagnie péruvienne
d'études de marché et d'opinion publique (CPI), octroie 21,2%
des intentions de vote à Ollanta Humala, suivi de Keiko Fujimori (19%),
Alejandro Toledo (18,6%), l'ancien ministre de l'Economie Pedro Pablo
Kuczynski (16,1%) et l'ex-maire de Lima, Luis Castañeda (15,5%).
Un autre sondage, de la société Ipsos Apoyo, aboutit au même
classement, avec des pourcentages légèrement différents.
Ollanta Humala (22,8%) y devance à nouveau Keiko Fujimori (22,3%),
Alejandro Toledo (21,6%), Pedro Pablo Kuczynski (15,8%) et Luis Castañeda
(15%). Pour ce sondage, 1.986 personnes ont été interrogées
dans 24 régions.
Les tendances très mouvantes au sein de l'électorat et la marge
relativement étroite qui sépare ces cinq candidats laissent
à chacun d'eux la possibilité de survivre le 10 avril au premier
tour de l'élection présidentielle. Les chances de six autres
candidats paraissent insignifiantes.
Parmi les vainqueurs potentiels de l'élection présidentielle,
Ollanta Humala est le seul classé à gauche. Comme en 2006,
cela compliquerait sa tâche lors d'un probable second tour. Le sondage
de la CPI indique qu'il perdrait alors un duel avec n'importe lequel de ses
quatre principaux adversaires actuels, à l'exception éventuelle
de Pedro Pablo Kuczynski.
Fondateur du Parti nationaliste péruvien (PNP), Ollanta Humala brigue
la présidence sous la bannière de Gana Perú (Le Pérou
gagne), coalition électorale unissant le PNP à d'autres partis
de gauche, dont le Parti communiste du Pérou, le Parti socialiste
et le Parti socialiste révolutionnaire.
Raisons de la percée d'Ollanta Humala
Pour expliquer l'ascension dans les sondages du "Chavez péruvien",
les analystes notent que la gauche est absente du pouvoir national depuis
1990 au Pérou, ce qui peut renforcer l'aspiration à une véritable alternance,
logique en politique. Mais on souligne aussi la modération nouvelle du discours
d'Ollanta Humala, qui a remplacé par une chemise blanche le polo rouge
de 2006, et son image de père de famille de la classe moyenne, confortée
par une troisième paternité récente et par la sympathie
que suscite sa femme souriante, Nadine Heredia.
Que Nadine soit péruvienne serait banal si Keiko Fujimori n'était
pas d'origine japonaise, si la femme d'Alejandro Toledo, Eliane Karp, n'était
pas franco-belge et si ne venait pas des Etats-Unis Nancy Ann Lange, l'épouse
de Pedro Pablo Kuczynski, lui-même étant parfois jugé
plus américain que péruvien. En campagne le 18 mars avec Nadine
à Iquitos, dans l'Amazonie, Ollanta Humala a clamé que la Première
dame doit être péruvienne, lâchant ainsi contre ses adversaires
une singulière bouffée électoraliste de ce nationalisme
qu'exècre tant l'Hispano-Péruvien Mario Vargas Llosa, prix
Nobel de littérature 2010.
La percée d'Ollanta Humala attire sur lui les foudres de la majorité
des médias péruviens. Ils présentent le candidat de
la gauche comme un loup déguisé en agneau et qualifient son
programme d'étatique et autoritaire. Pedro Pablo Kuczynski dit
voir en Humala le tenant d'un autoritarisme similaire à celui d'Hugo
Chavez. Keiko Fujimori prétend que le lieutenant-colonel à la retraite
"a seulement enlevé son polo rouge" et qu'il faut douter de ses véritables
intentions. Enfin, Alejandro Toledo prie les électeurs de "ne pas sauter
dans le vide" en votant pour le candidat nationaliste.