CARACAS, lundi 1er octobre 2012 (LatinReporters.com) - Hugo Chavez ou Henrique Capriles? Que
l'identité du vainqueur de l'élection présidentielle
du 7 octobre soit encore incertaine à moins d'une semaine du scrutin
est en soi une nouveauté de taille dans le panorama politique du Venezuela
bolivarien. Depuis ce lundi, la publication de sondages est prohibée.
Parmi les dix derniers, sept pronostiquaient la réélection
du président Chavez et trois la victoire de son outsider Capriles.
Dans ces dix sondages, effectués en septembre par autant de sociétés différentes, le score estimé du leader du "socialisme du XXIe siècle" et
de la gauche radicale latino-américaine varie entre 45,7% et 57% des
suffrages, loin de son triomphe, avec près de deux tiers des voix
(62,84%), à la présidentielle de décembre 2006. Henrique
Capriles est crédité, lui, d'un score allant de 32,2% à
52,9%. Quatre autres candidats indépendants en sont réduits
à la figuration.
Dans cette élection présidentielle à tour unique, la victoire revenant au candidat
récoltant le plus de voix sans nécessité d'une majorité absolue, le poids des indécis pourrait être
décisif. Selon le sondage qui leur fait la part la plus belle, ils
représenteraient actuellement 17,5% des quasi 19 millions d'électeurs,
parmi une population totale de 29 millions d'habitants (selon le recensement de 2011).
Locataire du palais présidentiel de Miraflores depuis février 1999, Hugo Chavez,
58 ans, brigue la présidence pour la quatrième fois consécutive.
Henrique Capriles, jeune avocat célibataire
de 40 ans, était le gouverneur du riche État de Miranda avant
d'entrer en campagne pour le sexennat présidentiel 2013-2019. Des
élections primaires, en février dernier, l'avaient adoubé candidat
de l'Unité démocratique (MUD), qui fédère
une vingtaine de partis de gauche, du centre et de droite.
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"Si Obama était d'un quartier de Caracas, il voterait pour Chavez!"
s'est exclamé le président vénézuélien
lors de cette interview télévisée diffusée le
30 septembre 2012. (Photo Marcelo Garcia / Prensa presidencial) |
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Chavez affaibli par le cancer dont il se dit guéri
Jamais Hugo Chavez n'a affronté une opposition aussi large et aussi
unie, sauf peut-être aux législatives de septembre 2010, qu'il remporta en sièges
mais perdit presque en nombre de voix avec son Parti socialiste uni du Venezuela
(PSUV). Sa défaite éventuelle le 7 octobre, dont doute la majorité
des observateurs, remuerait le Venezuela et l'ensemble de l'Amérique
latine, avec aussi des retombées politiques et économiques
significatives chez des partenaires de Caracas aussi importants que Moscou et Pékin.
Henrique Capriles se revendique d'un centre-gauche qu'il
prétend aligner sur le modèle brésilien longtemps symbolisé
par Luiz Inacio Lula da Silva (lequel soutient néanmoins explicitement
Hugo Chavez). Le jeune outsider a considérablement resserré
l'écart le séparant du chef de l'État dans les sondages.
Une longue campagne de terrain, dans quelque 300 villes du Venezuela, est
un facteur essentiel de cette remontée face au leader bolivarien.
Ce dernier, affaibli par un cancer dont il se prétend guéri,
a espacé et écourté les meetings, recourant en revanche
sans réserve à l'appareil audio-visuel tant public que privé,
notamment par les retransmissions obligatoires (les cadenas) d'actes, d'inaugurations
et de discours officiels.
"Toutes les grandes enquêtes montrent
une réduction de l'écart et une augmentation significative
des intentions de vote pour le candidat de l'opposition" souligne, cité
par l'AFP, le président de l'institut d'études politiques Datanalisis,
Luis Vicente Leon. Appliquant une stratégie qui avait permis à
Hugo Chavez de se porter au pouvoir lors des élections de décembre
1998, Henrique Capriles a mené une campagne de porte-à-porte
sur tout le territoire, effectuant jusqu'à trois déplacements par jour.
Mais selon le président vénézuélien,
ses adversaires "savent qu'ils sont en train de perdre, que l'avance est
irréversible". Pour ce président charismatique qui concentre
la majorité des pouvoirs et use et abuse de l'invective contre ses
opposants qualifiés de "traîtres" ou d'"apatrides", Henrique
Capriles n'est qu'un "minus" (majunche), un "porc" et un "analphabète
politique" dont la victoire apporterait "le chaos", voire "la guerre civile",
et signifierait la fin des programmes sociaux.
Des centaines de milliers d'opposants sur l'avenue Bolivar de Caracas
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Hugo Chavez et Henrique Capriles apparaîtront ainsi sur les machines de vote
électroniques. |
L'assassinat par balles, samedi dans l'État
de Barinas, région natale du président Chavez, de trois militants
de l'opposition semble avoir déterminé les partisans de Capriles
à montrer leur force à Caracas. Dimanche sur l'avenue Bolivar,
au centre de la capitale, fief du chavisme, le candidat de l'Unité
démocratique a proclamé devant des centaines de milliers de
sympathisants "l'épuisement du socialisme du XXIe siècle",
riche en projets planétaires, disait-il, mais qui n'aurait pas pu
résoudre, en 14 ans, des problèmes aussi essentiels pour les
Vénézuéliens que la sécurité, l'emploi,
le logement, l'eau, l'électricité et l'entretien des ponts et des routes.
"Personne ne peut raisonnablement dire que
le modèle [socialiste vénézuélien] est épuisé"
répliquait Hugo Chavez dans une interview télévisée
diffusée dimanche. Selon lui, "la preuve qu'il n'est pas épuisé
est que la droite a dû se déguiser en gauche" et que Capriles
"trompe les gens" en cachant "le paquet néolibéral" qu'il tentera
d'imposer s'il remporte l'élection présidentielle.
Le modèle de Capriles, ajoutait en substance Chavez, est le même
qui sévit actuellement en Europe, caractérisé par un
chômage "énorme", la suppression des droits des travailleurs,
les coupes dans les salaires, les privatisations et la hausse de l'âge
du départ à la retraite.
"Si Obama était de Barlovento [région du centre du Venezuela] ou
d'un quartier de Caracas, il voterait pour Chavez !" s'est exclamé
le leader bolivarien, comme pour mieux faire comprendre sa certitude en la
victoire. Réciproquement, s'il était citoyen des États-Unis,
il voterait pour Obama... Ce compliment étayait le souhait d'une normalisation
des relations avec les États-Unis, mais le républicain Mitt
Romney risque de l'agiter contre la réélection de Barack Obama
le 6 novembre.