Argentine: Roberto Lavagna, 6e ministre de l'Economie en 14 moisIl se soumet au FMI, que le président Duhalde avait néanmoins critiqué
La liquéfaction économique, sociale et institutionnelle de l'Argentine est telle que les valses ministérielles et présidentielles n'y sont plus que des anecdotes. Roberto Lavagna sauvera-t-il le président Duhalde? Cela dépend du Fonds monétaire international (FMI), mais aussi du peuple argentin, au bord de l'explosion. Rappelé de Bruxelles, où il était ambassadeur auprès de l'Union européenne, Roberto Lavagna, 60 ans, s'est empressé de faire allégeance au FMI. L'appel à la reprise de l'aide financière internationale demeure ainsi le seul élément relativement constant et prévisible de la politique de l'Argentine en crise.
On croyait alors la rupture avec le FMI d'autant plus proche que les syndicats, un nombre croissant de parlementaires et surtout la majorité des gouverneurs péronistes, qui contrôlent 15 provinces sur 24, affirmaient ne plus vouloir se plier au diktat du grand institut monétaire. Ce tollé aggravait la tourmente provoquée par la démission, mardi dernier, du ministre de l'Economie Jorge Remes Lenicov. Il jetait l'éponge pour n'avoir pas été autorisé par le parlement à confisquer pour 5 ou 10 ans la totalité de l'épargne des Argentins en échange de bons d'un Etat en faillite déclarée. Mais au moment fatidique où Eduardo Duhalde allait faire un retentissant
bras d'honneur au FMI, les puissants gouverneurs provinciaux, effrayés
soudain par un tel saut dans le vide, l'en empêchaient et signaient
avec lui un document stipulant que l'Argentine ne pouvait se permettre
de faire cavalier seul au sein de l'économie internationale. Le
document promettait aussi l'adoption des mesures exigées par le
FMI pour assainir les finances publiques et protéger les investissements
étrangers. Grâce à cet artifice antidémocratique, les banques peuvent rouvrir ce lundi. Elles étaient fermées depuis une semaine, le rythme accéléré des retraits d'épargne sur décision judiciaire de première instance (procédure qui vient donc d'être compliquée) ayant fait craindre un effondrement du système financier. C'est dans ce contexte qu'a été intronisé le nouveau ministre de l'Economie, Roberto Lavagna. Il a aussitôt situé sa politique, qu'il définira cette semaine, dans le cadre de la subordination au FMI proclamée par les gouverneurs de province et par le président Duhalde. Roberto Lavagna a même été plus loin, décidant que le peso continuerait à flotter librement, comme le souhaite le FMI, alors que le président Duhalde affirmait encore vendredi qu'il serait ancré au dollar par un taux de change fixe afin de stopper sa dépréciation, source d'inflation galopante. (Elle pourrait atteindre 10 % au cours du seul mois d'avril reconnaît le nouveau ministre). Pour l'heure donc, la mendicité à l'égard du FMI demeure la seule politique claire de Buenos Aires. Les autres paramètres virevoltent comme girouettes sous le vent. Désigné le 1er janvier chef d'Etat provisoire aux termes d'une procédure parlementaire contestée par des constitutionnalistes, ne jouissant donc pas de la légitimité des urnes, le président Duhalde avait promis de restituer aux Argentins leurs dollars épargnés en banque. Mais il a accentué la confiscation de cette épargne et l'a pesifiée, transformant d'autorité les dollars en pesos dépréciés. Quant à son accord avec les gouverneurs de province pour respecter les exigences du FMI, il avait été précédé d'un accord parlementaire semblable demeuré sans suite. Et toujours à propos du FMI, au cours des huit derniers jours, le président Duhalde a été tour à tour partisan de ses exigences de rationalisation, puis les a critiquées, avant d'admettre à nouveau qu'elles étaient la seule solution possible. La crédibilité de l'exécutif argentin en est gravement atteinte. Combien de temps encore 40% de pauvres et 23 % de chômeurs supporteront-ils l'irresponsabilité qui liquéfie un pays, dont les salaires de fonctionnaires publics, de médecins et d'enseignants ne sont plus payés et dont les systèmes de santé et de retraite sont en faillite? Invoquant la Constitution, le commandant en chef de l'armée argentine, le général Ricardo Brinzoni, reconnaissait le 21 avril "qu'en cas d'extrême nécessité, l'armée pourrait contribuer à la paix sociale, sans besoin de mettre les chars dans la rue". L'extrême nécessité est presque une réalité. Une explosion populaire généralisée pourrait la confirmer à tout moment. Il ne reste plus qu'à espérer que les chars demeurent effectivement dans les casernes. La complaisance de Washington à l'égard du putsch avorté il y a deux semaines au Venezuela a effrayé le président Duhalde lui-même.
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