Manifeste d'intellectuels de taille mondiale appuyés
par le prix Nobel de littérature Günter Grass
Espagne - Nationalistes et Église basques accusés
de "l'impunité morale" d'assassinats de l'ETA
Les citoyens européens appelés à déclarer
"l'état d'indignation générale"
|
Explosion contrôlée d'une voiture piégée, l'arme la plus meurtrière des séparatistes basques de l'ETA Photo Dirección General de la Policía |
MADRID, vendredi 9 mai 2003 (LatinReporters.com) - Vingt-trois mandataires politiques, dont
quinze conseillers municipaux, socialistes ou conservateurs du Parti populaire qui gouverne
l'Espagne ont été assassinés depuis 1995 par les séparatistes basques
de l'ETA. Une multitude d'autres sont menacés de mort. Le Pays basque est l'unique
région de l'Union européenne où des gardes du corps protègent
des dizaines d'élus du peuple. Un manifeste de douze intellectuels
de renommée mondiale, appuyés par l'écrivain allemand
Günter Grass, prix Nobel de littérature, accuse le nationalisme
et l'Église basques de "favoriser l'impunité morale" des
"mercenaires de l'ETA".
Publié mercredi dans plusieurs quotidiens nationaux espagnols
sous le titre "Quoique", le manifeste (texte intégral ci-dessous)
invite les citoyens européens à déclarer "l'état
d'indignation générale" le 25 mai, date des prochaines élections
municipales en Espagne.
Des personnalités de la taille de Fernando Arrabal, Alfredo Bryce
Echenique, Michael Burleigh, Paolo Flores d'Arcais, Carlos Fuentes, Nadine
Gordimer, Juan Goytisolo, Carlos Monsivais, Bernard-Henri Lévy,
Paul Preston, Mario Vargas Llosa, Gianni Vattimo et Günter Grass bousculent
ainsi la complaisance dont jouit encore dans certains milieux intellectuels,
surtout européens, un terrorisme basque associé autrefois
à la lutte antifranquiste.
Le dénominateur commun de la revendication du droit des Basques à
l'autodétermination tisse entre l'ETA, les nationalistes dits modérés
au pouvoir dans la région et une proportion importante du clergé local une
solidarité informelle qui rend le Pays basque inhospitalier pour les non nationalistes,
qualifiés "d'espagnolistes".
Considérés officiellement comme terroristes par l'Union
européenne et par les Etats-Unis, les commandos de l'ETA ont fait
840 morts et 2.376 blessés depuis 1968. Paradoxalement, la quasi
totalité de leurs attentats ont été perpétrés
après la mort, en 1975, du général Franco, malgré
la démocratisation de l'Espagne et malgré l'autonomie régionale,
quasi fédérale, octroyée par Madrid au Pays basque.
Le 17 mars dernier, le Tribunal suprême espagnol a mis hors-la-loi
et ordonné la dissolution du parti Batasuna et, au-delà de
celui-ci, de tout parti indépendantiste radical pouvant lui succéder
comme façade politique de l'ETA. Mais la radicalisation croissante de l'Église
basque et du vieux Parti nationaliste basque (PNV) qui contrôle le gouvernement
régional, ainsi que la menace permanente d'attentats
de l'ETA, obligent les Basques non nationalistes -la moitié des
habitants de la région- et en particulier leurs élus à faire preuve
quotidiennement du "courage bouleversant" que salue le manifeste des intellectuels.
Vendredi, deux jours après sa publication, ni les évêques
basques ni le PNV ni les milieux séparatistes radicaux proches de l'ETA n'avaient
réagi.
Texte intégral du manifeste
QUOIQUE
"Quoique les Européens exercent le droit constitutionnel de vote
dans une saine routine démocratique, peu imaginent que dans un coin
de l'Europe la peur et la honte oppriment les citoyens.
Quoique la mémoire de l'Holocauste soit honorée en Europe
par le souhait de réhabiliter les victimes et d'empêcher que
l'horreur ne se commette à nouveau, peu d'Européens savent
qu'aujourd'hui même au Pays basque des citoyens libres sont injuriés
et assassinés.
Quoique cela paraisse mensonger, aujourd'hui les candidats des citoyens
libres du Pays basque sont condamnés à mort par les mercenaires
de l'ETA et condamnés à l'humiliation par leurs complices
nationalistes.
Quoique des citoyens du Pays basque soient assassinés pour leurs
idées et que des milliers aient été mutilés
ou bouleversés, les attentats se réalisent et se célèbrent
dans une pénible atmosphère d'impunité morale favorisée
par les institutions nationalistes et par la hiérarchie catholique
basque.
Quoique les partis nationalistes profitent des garanties constitutionnelles
de la démocratie espagnole, des citoyens libres du Pays basque doivent
se cacher, dissimuler leurs habitudes, omettre l'adresse de leur domicile,
demander la protection de gardes du corps et craindre constamment pour
leur vie et celle de leur famille.
Quoique la tentation d'ignorer ce qui se passe soit fréquente,
nous demandons aux citoyens européens qu'ils déclarent le
25 mai prochain (jour des élections municipales en Espagne) l'état
d'indignation générale en mémoire des victimes qui,
au Pays basque, meurent pour la liberté, en honneur de ceux qui
la défendent aujourd'hui même avec le courage qui, un jour
pas très lointain, bouleversera l'Europe".
SIGNATAIRES: Fernando Arrabal, Alfredo Bryce Echenique, Michael Burleigh,
Paolo Flores d´Arcais, Carlos Fuentes, Nadine Gordimer, Juan Goytisolo,
Carlos Monsivais, Bernard-Henri Lévy, Paul Preston, Mario Vargas
Llosa, Gianni Vattimo.
L'écrivain allemand Günter Grass, prix Nobel de littérature
en 1999, a adhéré à ce manifeste au lendemain de sa
publication.
|
Vous pouvez réagir à cet article sur notre forum
© LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne
Le texte de cet article peut être reproduit s'il est attribué, avec lien, à LatinReporters.com
|