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Pour une zone économique atlantique unissant l'Europe et les Etats-Unis en 2015

Espagne - élections : le testament atlantiste d'Aznar

Discours d'adieu de José Maria Aznar au Parti populaire européen, le 5 février à Bruxelles
Photo Groupe PPE-DE
MADRID, mercredi 11 février 2004 (LatinReporters.com) - L'appel à la création d'une zone économique atlantique unissant l'Union européenne et les Etats-Unis à l'horizon 2015 est le point d'orgue du "testament" de politique extérieure du président du gouvernement espagnol, le conservateur José Maria Aznar.

Son atlantisme et sa conviction que le terrorisme menace les démocraties l'avaient rangé aux côtés de Washington contre l'Irak de Saddam Hussein. La division de l'Europe sur la guerre en Irak a sans doute compliqué la naissance, ajournée, de la Constitution européenne. Ces dossiers sont présents dans la pré-campagne des élections législatives espagnoles du 14 mars.

Respectant une promesse faite, selon lui, au bénéfice de la démocratie, et alors que son Parti populaire reste le favori des sondages, M. Aznar ne briguera pas un troisième mandat consécutif en mars. Des éditorialistes espagnols ont appelé "testament" ses discours prononcés la semaine dernière devant le Congrès des Etats-Unis et au 16e Congrès du Parti populaire européen. Nous en reproduisons des extraits significatifs. Ils devraient contribuer à la compréhension de la politique étrangère actuelle de l'Espagne. Une victoire inattendue de la gauche aux législatives mettrait toutefois Madrid sur la même longueur d'onde que Paris et Berlin à l'égard des Etats-Unis, de l'Irak et de l'Union européenne.

ÉLÉMENTS CLÉS

Relativement peu de chefs de gouvernement étrangers ont été invités, comme José Maria Aznar, à s'exprimer, à la tribune du Congrès des Etats-Unis, aux sénateurs et aux membres de la Chambre des représentants américains réunis en séance conjointe solennelle. Il n'est pas davantage habituel qu'un leader politique jeune (51 ans le 25 février prochain) et dont le parti devrait, selon les sondages, gagner à nouveau les élections législatives confirme son retrait du pouvoir devant ses pairs idéologiques continentaux, ceux du Parti populaire européen.

On peut donc octroyer une importance particulière -dans la mesure où il convient de définir l'orientation de la politique extérieure espagnole- aux discours prononcés par M. Aznar le 4 février à Washington et le 5 février à Bruxelles. Le dauphin désigné par José Maria Aznar à sa succession, son ex-ministre et porte-parole Mariano Rajoy, maintiendra le cap actuel si le Parti populaire (PP) espagnol remporte effectivement les législatives du 14 mars.

Avoir prononcé ces discours en période de pré-campagne électorale permet à M. Aznar et à son PP de tenter à nouveau de convaincre les électeurs espagnols que l'option atlantique, l'appui aux Etats-Unis en Irak et l'opposition à une hégémonie franco-allemande en Europe sont le meilleur choix. L'opposition socialiste, communiste et nationaliste basque et catalane fait campagne en affirmant le contraire.

A la lecture des extraits ci-contre, on voit que l'Espagne de M. Aznar se considère "la huitième économie du monde" et qu'elle aurait "généré la moitié des postes de travail créés en Europe" au cours des dernières années. Cette "croissance et maturité comportent des responsabilités".

Au premier rang de ces "responsabilités" apparaît "la relation atlantique" entre l'Europe et les Etats-Unis, que M. Aznar situe "à l'origine de la construction européenne". Cette relation n'aurait pas d'alternative dans la défense globale des valeurs démocratiques. Nombre des dix nouveaux pays qui entreront dans l'Union européenne (UE) en mai prochain "ont souffert la tyrannie communiste et voient en l'Alliance atlantique la meilleure garantie de leur liberté".

La Pologne atlantiste, non citée nommément, est le plus important de ces nouveaux partenaires européens. Aussi perçoit-on que la prétention de Madrid et Varsovie de jouir au sein de l'UE d'un poids institutionnel quasi identique à celui de la France, de l'Allemagne, de l'Italie et du Royaume Uni est davantage qu'une prétention nationaliste égoïste. L'Espagne et la Pologne (ainsi que d'autres pays plus discrets) veulent aussi pouvoir freiner la dérive antiatlantiste prêtée à la France et à l'Allemagne. Cet élément doit être inclus dans l'analyse du blocage actuel du projet de Constitution européenne.

M. Aznar critique le système de majorité qualifiée proposé dans ce projet de Constitution. Il ne répond pas, dit-il en substance, à la tradition du compromis, "sans impositions", qui serait à la base de la construction européenne.

M. Aznar s'adresse implicitement à Paris et Berlin en affirmant que "vouloir une Europe forte... ne signifie pas travailler à un contre-pouvoir visant les Etats-Unis". Il estime que "grâce à la liberté" établie et défendue par le lien atlantique, "l'Amérique du Nord et l'Europe sont les deux régions les plus prospères du monde". Et M. Aznar d'élargir cette vision dans le temps et l'espace en proposant "la création d'un grand espace économique, financier et commercial entre l'Europe et les Etats d'ici 2015." L'Amérique latine ("Ibéroamérique") devrait y être associée.

Quant au débat sur le bien-fondé de la guerre en Irak, compte tenu des doutes actuels sur l'existence d'armes de destruction massive qu'auraient détenues Saddam Hussein, M. Aznar n'y voit qu'un faux débat proche de l'irresponsabilité. Au-delà de l'épisode irakien, il prétend que "la menace que la prolifération de ce type d'armes suppose pour la sécurité de tous est réelle. Sa possible utilisation par des groupes terroristes est un risque devant lequel nous ne pouvons pas demeurer inactifs".

Très applaudie par les congressistes américains, cette vision peut vouloir dire que même une guerre non basée sur des preuves irréfutables d'une menace, en Irak ou ailleurs, serait utile dans la mesure où elle éviterait une "possible" connexion entre groupes terroristes et armes de destruction massive. José Maria Aznar est sans doute le seul leader occidental à défendre encore aussi ouvertement, plus explicitement même que George W. Bush, le principe d'une guerre préventive sur la base d'hypothèses.

S'il ne brigue pas un nouveau mandat aux législatives du 14 mars, M. Aznar n'en demeurera pas moins, si le PP gagne les élections, l'un des principaux mentors de la politique intérieure et extérieure espagnole. Il continuera en effet à présider la Fondation pour l'analyse et les études sociales (FAES), un centre de réflexion et de propagation de la pensée "libérale et réformiste". Mariano Rajoy, dauphin de M. Aznar, est vice-président de cette FAES. La quasi totalité des ministres de l'actuel gouvernement en sont membres.

José Maria Aznar est par ailleurs candidat à sa propre succession à la présidence de l'Internationale démocrate du centre (IDC), qui regroupe quelque 90 partis de tendance démocrate-chrétienne ou de centre droit de tous les continents.

Christian Galloy
LatinReporters.com

Extraits du discours de José Maria Aznar, président du gouvernement espagnol, devant le Congrès des Etats-Unis
(Washington, 4 février 2004)

"...Nous sommes l'une des grandes nations d'Europe, membres actifs de l'Union européenne. Nous sommes une nation de 43 millions d'habitants, dynamique, ouverte, entreprenante, une société qui a connu l'émigration et qui maintenant reçoit des immigrants du monde entier.

Nous sommes la huitième économie du monde et à cet égard notre entrée dans l'Union européenne a eu une importance décisive. Aujourd'hui, nous sommes une économie en croissance stable et confiante, une économie avec une croissance supérieure à la moyenne des pays de l'Union européenne et une économie qui a généré la moitié des postes de travail créés en Europe au cours de ces années.

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Cette Espagne d'aujourd'hui est pleinement consciente que la croissance et la maturité comportent des responsabilités. Nous savons que nous devons affronter des risques et assumer des engagements, des engagements qu'il faut tenir, et nous voulons une place en première ligne de la défense de la démocratie et de l'Etat de droit, avec nos alliés et amis.

...La relation atlantique nous fortifie, nous Européens et Américains. Elle fait du monde un lieu plus sûr, plus libre. L'Espagne, qui travaille intensément au processus d'union européenne, entend que ce processus ne doit avancer qu'en maintenant et en améliorant la relation atlantique. Le lien atlantique est à l'origine de la construction européenne, il fait partie de son développement et il doit être présent de manière décisive dans son futur.

Nous le pensions avant et nous le pensons aujourd'hui, peu de semaines avant que dix nouveaux pays ne deviennent membres de l'Union européenne. Nombre de ces pays ont souffert la tyrannie communiste et nombre d'entre eux voient en l'Alliance atlantique la meilleure garantie de leur liberté.

En tant qu'Européen, je veux vous dire que je ne veux pas d'alternative à la relation atlantique. Vouloir une Europe forte, comme la veut l'Espagne, être à l'avant-garde européenne, comme l'est l'Espagne, ne signifie pas travailler à un contre-pouvoir visant les Etats-Unis. Cela signifie travailler pour une Europe atlantique, car nous partageons les mêmes principes et valeurs et car nous avons un intérêt commun à les défendre.

...Les Etats-Unis ne furent pas seuls à être attaqués le 11 septembre. Le terrorisme lança un défi calculé aux valeurs qui sont centrales pour l'humanité: la liberté, la décence morale, la compassion, le respect de la vie des autres...

...Les Etats-Unis et l'Espagne, nous voulons que le Comité contre le terrorisme des Nations unies ait une utilité réelle et effective, nous voulons qu'on rédige et approuve une liste mondiale d'organisations terroristes, nous voulons qu'on écoute en permanence les victimes de la terreur... Le terrorisme est injustifiable. Le terrorisme ruine les causes qu'il proclame défendre. La cause politique ou religieuse qu'il dit servir est aussi parmi les victimes...

...La lutte contre la prolifération des armes de destruction massive est un autre élément commun de notre recherche d'un monde plus stable et plus sûr... La menace que la prolifération de ce type d'armes suppose pour la sécurité de tous est réelle. Sa possible utilisation par des groupes terroristes est un risque devant lequel nous ne pouvons pas demeurer inactifs. Nous devons faire face à ce défi ensemble et avec fermeté. Fermer les yeux devant cette réalité, nous tromper sur le véritable débat, sur la définition des priorités authentiques, serait une grave irresponsabilité que nous finirions par payer cher dans notre sécurité et notre liberté...

...Notre lien atlantique est la liberté, liberté dans tous les domaines. Et grâce à cette liberté, l'Amérique du Nord et l'Europe sont les deux régions les plus prospères du monde. L'expérience démontre que le libre commerce est une source de croissance et de richesse pour tous. Pour cela, j'ai proposé récemment, et je le réitère aujourd'hui ici, la création d'un grand espace économique, financier et commercial entre l'Europe et les Etats-Unis d'ici 2015. Nous pouvons sûrement entamer une nouvelle étape de croissance et de stabilité, qui bénéficierait aussi à tout le monde...

...Nous avons construit une relation très étroite entre nos deux nations et cette relation a aussi une dimension ibéroaméricaine. Je veux vous dire que l'Ibéroamérique me paraît et est un continent clé pour mon pays. L'Espagne est le deuxième investisseur du monde dans la région, après les Etats-Unis.

Au cours des dernières décades, les nations ibéroaméricaines ont réalisé un effort notable pour consolider des régimes démocratiques et des économies ouvertes de libre marché. De là aussi notre intérêt à renforcer les relations entre l'Europe et l'Ibéroamérique.

Mais je suis convaincu que la relation atlantique ne sera pas complète sans l'inclusion du continent américain dans sa totalité. A moyen et long terme, notre obstination commune doit être de constituer une véritable communauté de valeurs et d'intérêts incluant une grande zone de libre-échange. Je veux vous dire que l'Espagne est disposée à y travailler...".




Extraits du discours de José Maria Aznar au 16e Congrès du Parti populaire européen
(Bruxelles, 5 février 2004)

"...Je crois fermement que l'Union européenne doit se baser sur quatre piliers fondamentaux:
primo, des institutions efficaces qui lui permettent de fonctionner avec agilité;
secundo, des Etats nationaux solides;
tertio, un processus de réformes qui permette la croissance économique de nos pays
et, quarto, un lien atlantique fort et positif...

...Comme l'a dit récemment notre ami Helmut Kohl, "dans l'Union européenne élargie, il faudra veiller beaucoup plus à la culture du compromis. Cela renforce la confiance". Il est bon et nécessaire que les Etats membres continuent à fournir des propositions pour stimuler des progrès de l'Union, mais toujours dans le respect des autres Etats membres, conformément à ce qui est devenu une tradition et une politique suivie dans la construction européenne. Cela a été la base de notre succès et nous ne devrions pas l'oublier.

L'Espagne mise sur un projet européen inclusif et intégrateur, sans impositions de modèles particuliers ni de schémas exclusifs qui engendrent des divisions au lieu d'encourager la confiance et l'intégration.

Dans le cadre de la Conférence intergouvernementale, je considère que le système de majorité qualifiée proposée dans le Projet de traité n'est pas, du point de vue du fonctionnement institutionnel, l'adéquat pour le futur de l'Union. Il ne correspond pas à sa tradition et ne s'ajuste pas non plus, je crois, à ses nécessités. Je crois plutôt, au contraire, qu'il peut créer des dysfonctionnements graves au sein de l'Union.

L'Europe nécessite un système dans lequel les intérêts des différents Etats peuvent être défendus et pris en compte. Et je crois que cela n'est pas assuré avec le système proposé.

Aussi désirons-nous aller de l'avant dans les négociations en cours de la Conférence intergouvernementale. Nous travaillons avec un esprit constructif pour conclure dès que possible un texte de Traité constitutionnel qui puisse être assumé par tous, qui soit utile pour tous, efficace pour tous et dans lequel tous les Etats membres se sentent à l'aise...

...Depuis quelque temps, je me réfère à la nécessité de réfléchir aux raisons pour lesquelles, depuis 1985, l'économie européenne a progressé, quasi systématiquement, moins que l'économie nord-américaine. Et nous devrions déduire de cette réflexion des conclusions et de nouvelles politiques. L'économie européenne a besoin de croître davantage, de créer plus d'emplois et de le faire de manière soutenable... La recette ne peut résider dans la suppression ou le dynamitage du Pacte de stabilité. Ce que l'Europe nécessite est de mettre effectivement en marche les réformes structurelles dont nos économies ont besoin. Entres elles, celles relatives à nos marchés du travail...

...Je crois qu'une Union européenne forte et très présente dans le monde est parfaitement compatible avec un lien atlantique fort. Le lien atlantique fut vital à l'origine et dans le développement de l'Union. Il est vital comme élément central du présent de l'Union européenne et il doit continuer à l'être dans son futur.

Notre lien atlantique est avant tout une union de valeurs communes. Des valeurs telles que la liberté, la démocratie, le respect de l'Etat de droit et des droits individuels. Et comme nous avons pu le vérifier au cours du 20e siècle, les pays où l'on a progressé le plus en matière de li
bertés sont les plus prospères et ceux qui offrent de plus grandes opportunités.

Je crois qu'une coopération stratégique entre les Etats-Unis et l'Union européenne est la meilleure garantie pour assurer la paix et la stabilité et pour favoriser le développement et l'expansion de la démocratie dans le monde. Il n'y a pas d'alternative crédible à cette relation. Notre unité renforce la paix et la stabilité internationales; par contre, nos divergences les rendent plus vulnérables. Et je veux dire qu'elles nous rendent plus vulnérables nous aussi, les Européens, car elles font affleurer entre nous des lignes de division, au sein de l'Union européenne elle-même...

...Dans le domaine économique, j'ai proposé récemment la création d'une grande zone économique, commerciale et financière atlantique pour l'année 2015. Cette zone serait un pilier central et irremplaçable d'une économie globale prospère et stable. Car en ouvrant et en approfondissant le marché atlantique, nous contribuerons au bien-être, au développement et à la prospérité des pays moins avancés...".

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