MADRID, mercredi 12 septembre 2012 (LatinReporters.com) - Tsunami indépendantiste
catalan, hier à Barcelone. Et le 21 octobre, probable raz-de-marée
nationaliste et séparatiste aux élections basques.
L'Espagne de la rigueur eurocratique et des coupes sociales radicales du
néolibéral Mariano Rajoy semble revigorer les vieux démons
centrifuges. De quoi alourdir la facture de la crise.
Sous le slogan "La Catalogne, un nouvel État d'Europe", un million
et demi de Catalans ont défilé dans leur capitale le 11 septembre,
jour de la Diada, accusant le gouvernement central d'entraîner la région
dans la spirale de la crise. Fête nationale catalane, la Diada commémore
chaque année la prise de Barcelone par les troupes de Philippe V d'Espagne,
le 11 septembre 1714 après 14 mois de siège.
"Démonstration de force historique"
Le chiffre de 1,5 million de manifestants est donné par la police
régionale. La préfecture, antenne du ministère espagnol
de l'Intérieur, le ramène à 600.000. Les organisateurs
l'élèvent à 2 millions. La moindre de ces évaluations
reflète une mobilisation d'une ampleur rare dans les pays occidentaux
et exceptionnelle par rapport aux 7,5 millions d'habitants de la Catalogne.
"Le peuple catalan a répondu d'une façon magnifique [...]
La manifestation est la plus importante de notre histoire" estime Carme Forcadell,
présidente de l'Assemblée nationale catalane (ANC), l'association
indépendantiste organisatrice de la mobilisation.
"L'indépendantisme catalan a réussi une démonstration de force
historique" confirme ce mercredi sur quatre colonnes à la une l'influent
quotidien espagnol de centre-gauche El Pais. Selon son éditorialiste,
"la nouveauté, par rapport aux célébrations antérieures
de la Diada nationale de Catalogne, est que cette année c'est la revendication
d'un État indépendant qui a rassemblé un large éventail
de citoyens, allant de ceux qui demandent un nouveau modèle de financement
[de la région] jusqu'aux mécontents des coupes [budgétaires]".
Cela suggère que nombre de partisans d'un élargissement de
l'autonomie régionale catalane auraient rejoint le camp de l'indépendantisme
ou seraient tentés de franchir ce pas. A ce propos, selon un sondage
réalisé en juillet et publié dans le journal La Vanguardia,
51,1% des Catalans voteraient "oui" aujourd'hui à l'indépendance
en cas de référendum, contre 36% en mars 2001. Le même
journal, le plus important de la région, titre ce mercredi à
la une "La Catalogne dit ça suffit", sur une grande photo du tsunami
indépendantiste dans les rues de Barcelone.
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"L'indépendantisme catalan a réussi une démonstration de force
historique" titre El Pais au lendemain de la manifestation du 11 septembre 2012 à Barcelone.
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"Sans accord, ... la voie de la Catalogne vers la liberté serait
ouverte"
Même le président du prestigieux F.C. Barcelone, Sandro Rosell,
qui en principe ne voulait plus mêler football et politique, défilait
hier sous les rayures sang et or du drapeau catalan. Le drapeau illégal
indépendantiste, le même frappé d'une étoile,
était quasi le seul à ondoyer partout parmi la marée
humaine.
En catalan, en espagnol, en anglais et même parfois en allemand, les
calicots proclamaient "Indépendance", "Liberté
pour la Catalogne". Et des manifestants d'hurler : "Que veut cette foule?
Un nouvel État d'Europe! Que veulent ces gens? Une Catalogne indépendante!"
"La crise donne des arguments pour l'indépendance", affirmait Mar
Tarres, citée par l'AFP. Cette avocate de 24 ans était venue
avec des amis de Terrassa, à 40 kilomètres à l'ouest
de Barcelone, arborant un drapeau indépendantiste sur les épaules.
"Il y a le sentiment qu'il y a plus de coupes [budgétaires] ici parce
que nous payons pour les autres. Par exemple, il y a des régions où
ils ont construit des aéroports sans avion, comme à Castellon",
dans la région de Valence, ajoutait-elle.
"Nous sommes totalement spoliés et l'argent de nos impôts
se perd à Madrid", s'emportait aussi Eva Garcia, une étudiante
en histoire de 21 ans.
Le gouvernement nationaliste de Catalogne avait lui-même appelé
à une participation massive, décidé à faire pression
sur Madrid pour revoir le pacte budgétaire qui définit combien
l'État, qui collecte l'impôt, reverse à la région.
"S'il n'y avait pas d'accord sur le terrain économique, la voie de
la Catalogne vers la liberté serait ouverte", menaçait mardi
le président de la région, Artur Mas.
Se séparer de l'Espagne signifierait sortir de l'UE
Selon la Catalogne, l'État, qui collecte l'impôt, ne reverse
pas assez à la région qui représente, avec environ 200
milliards d'euros, un cinquième du produit intérieur brut annuel
de l'Espagne. Artur Mas veut redéfinir le reversement avec l'État
central, qui s'y oppose, et ira le 20 septembre à Madrid pour en discuter
avec le chef du gouvernement Mariano Rajoy. "En ce moment, nous n'avons pas
besoin de pagaille, ni de dispute, ni de polémique", a mis en garde
ce dernier, pour qui la seule voie à suivre est celle de la réduction
du déficit et de la dette.
Jugeant "insultant" le mot "pagaille" appliqué à la Catalogne
par M. Rajoy et attribuant au chef du gouvernement "une nouvelle stratégie
recentralisatrice", El Pais avertit de "l'émergence de nouvelles générations,
décomplexées et sans peur ni mémoire, qui voient dans
la crise européenne une fenêtre opportune pour une Catalogne
qui se débarrasserait de l'Espagne". Le même quotidien croit
que "la situation pourrait se compliquer davantage après les élections
basques" du 21 octobre.
Région la plus endettée du pays, croulant sous une ardoise
de 42 milliards d'euros (21% de son PIB), la Catalogne a dû se résoudre
fin août à demander une aide de 5,023 milliards à l'État
central pour honorer ses échéances de remboursement. Inquiète
de ses tensions avec Madrid, l'agence de notation Standard & Poor's a
relégué sa dette dans la catégorie spéculative,
rappelle l'AFP.
A Bruxelles, Olivier Bailly, porte-parole de la Commission européenne,
a confirmé aux journalistes qui l'interrogeaient sur la Catalogne
qu'une région se séparant d'un État membre de l'Union
européenne (UE) se situerait automatiquement hors de l'UE ... Par
les temps qui courent, certains y verront peut-être un argument de
plus en faveur de l'indépendantisme catalan !