La débâcle historique des socialistes catalans (18%) reflète l'impopularité de M. Zapatero en Espagne
Catalogne / élections : le nationalisme balaye la gauche et reprend le pouvoir
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Le nationaliste
de centre droit Artur Mas, vainqueur des élections au Parlement de la Catalogne et prochain
président de la région. Photo noticias RTVE |
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BARCELONE, lundi 29 novembre 2010 (LatinReporters.com) - Quel coup de balai ! D'une ampleur rare en démocratie, il a emporté
le 28 novembre le tiers de l'électorat et des députés
de la tripartite de gauche qui gouvernait, sous la houlette des socialistes,
la Catalogne depuis 2003. L'élection des 135 députés
du Parlement catalan a rendu pour quatre ans le pouvoir aux nationalistes de centre droit.
La droite espagnoliste progresse aussi. L'agonie de l'ère Zapatero
semble ouverte en Espagne.
A l'approche des élections régionales et municipales de mai
2011, suivies des législatives de mars 2012, le scrutin catalan est
analysé sous l'optique nationale. Les 5,3 millions d'électeurs
catalans étaient les premiers appelés aux urnes depuis l'entrée
de l'Espagne dans l'austérité. Le gel des pensions de retraite,
la réduction du salaire des fonctionnaires, la diminution des indemnités
de licenciement, l'intention de reculer de 65 à 67 ans le départ
à la retraite et la persistance de 4,6 millions de chômeurs
(20% de la population active) ont fait du gouvernement socialiste espagnol
de José Luis Rodriguez Zapatero l'un des plus impopulaires de la démocratie
postfranquiste. Les sondages l'affirment. Les élections catalanes, dans lesquelles
M. Zapatero s'était investi physiquement, le démontrent et la participation accrue,
59,95% contre 56,04% en 2006, crédibilise le diagnostic.
L'effet Zapatero a asséché toutes les gauches en Catalogne.
Le Parti socialiste catalan (PSC) recule de 37 à 28 députés.
Son score de 18,32% est historique. Il est en effet le plus bas obtenu par
le PSC au cours des 9 élections au Parlement catalan convoquées
depuis 30 ans, à partir de 1980. L'affaissement des socialistes s'accompagne
de celui de leurs alliés républicains indépendantistes
d'ERC (Esquerra Republicana de Catalunya) et écolos-communistes d'ICV (Iniciativa per
Catalunya Verds). Cette tripartite de gauche perd sa majorité absolue et
le pouvoir. Elle chute lourdement de 50,37% à 32,71% des voix et de
70 à 48 élus.
Candidat malheureux à sa propre succession, le président
catalan sortant, le socialiste José Montilla, a annoncé qu'il
ne briguerait même plus le secrétariat général
du PSC lors de son prochain congrès.
Son adversaire et vainqueur, l'économiste Artur Mas, ramène
le nationalisme de centre droit de CiU (Convergencia i Unio) au pouvoir
régional qu'il avait déjà assumé pendant près
d'un quart de siècle, de 1980 à 2003. En bondissant de
48 à 62 députés et de 31,52% à 38,47% des suffrages, CiU,
fédération de libéraux
et de démocrates-chrétiens catalans, reste à six élus
sous la majorité absolue. Les analystes croient toutefois qu'Artur
Mas pourra gouverner la Catalogne sans nécessité de coalition,
cherchant l'appoint au coup par coup.
Outre le résultat des socialistes, le plus attendu était celui
de leurs adversaires au niveau national, les conservateurs du PP (Parti Populaire).
Largement en tête depuis plus d'un an dans tous les sondages couvrant
l'Espagne entière, le PP, souvent qualifié d'espagnoliste pour
son attachement à l'unité du pays, est en terre hostile en
Catalogne. D'autant que son recours contre de multiples articles du Statut
catalan d'autonomie régionale porta le Tribunal constitutionnel à
mutiler en juin dernier des dispositions emblématiques de cette autonomie,
réduisant notamment la portée du concept de nation catalane
et les prérogatives judiciaires, fiscales et linguistiques régionales.
Conduit par Alicia Sanchez-Camacho, le PP catalan n'en obtient pas moins
les meilleurs résultats de son histoire, progressant de 14 à
18 députés et de 10,65% à 12,33% des voix.
Tous les observateurs y voient un autre signe annonciateur de prochaines
défaites du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) de M. Zapatero
face au PP que préside Mariano Rajoy. Ce grand parti conservateur,
qui gouverna l'Espagne de 1996 à 2004, est crédité
dans les sondages nationaux d'un taux de préférence se rapprochant
de 45%, avec une avance de 8 à 14 points sur les socialistes. Tant
Alicia Sanchez-Camacho que la secrétaire générale du
PP national, Maria Dolores de Cospedal, ont proclamé dimanche, au
soir du scrutin catalan, "le début du changement" en Espagne.
Axe souverainiste, mais aussi axe de centre droit
L'ex-président du FC Barcelona, l'avocat Joan Laporta, sous la gestion duquel
le grand club catalan devint lors de la saison 2008-2009 la référence
du football mondial, a créé une surprise de taille. Pour sa
première présentation aux électeurs, son parti Solidaritat
Catalana per la Independència (SI) décroche 4 députés,
dont Laporta lui-même. Le point essentiel de son programme électoral
était la déclaration unilatérale de l'indépendance
de la Catalogne par le Parlement catalan, sans besoin du référendum
que prônent les indépendantistes républicains d'ERC.
Les vainqueurs du scrutin, les nationalistes de centre droit de CiU, ne mangent
pas encore de ce pain-là. Leur leader et prochain président
de la Catalogne, Artur Mas, s'est présenté au soir de la victoire
comme "le serviteur, mais non le sauveur de la Catalogne". Comme au cours
des deux dernières décennies du siècle dernier, CiU
devrait, ainsi que le disait son fondateur Jordi Pujol, "faire du pays" comme
on fait du pain, arrachant progressivement à Madrid des tranches d'autonomie.
Mais nul ne doute de l'ambition souverainiste à long terme de CiU.
Le rabotage de l'autonomie catalane, en juin par le Tribunal constitutionnel,
avait poussé Artur Mas à affirmer que "la Catalogne devra maintenant
changer de voie et miser sur la possibilité de décider de son
propre futur". Le leader nationaliste ajoutait même qu'il voterait
oui lors d'un éventuel référendum sur l'indépendance,
mais en précisant aussitôt qu'un tel référendum
n'est pas d'actualité.
De l'addition théorique des forces nationalistes et indépendantistes
catalanes, CiU + ERC + SI, résulterait une majorité absolue
de 76 députés sur 135. Mais cette addition ne totalise "que"
48,75% des suffrages, soit moins que la majorité absolue des voix
individuelles nécessaire au triomphe référendaire d'un
oui à l'indépendance.
Il n'empêche qu'un axe souverainiste remplace désormais l'axe
de gauche qui domina la Catalogne au cours des sept dernières années.
Mais tant qu'à parler d'axe, le quotidien madrilène El
Mundo croit que celui de centre droit a triomphé aussi en Catalogne.
De la somme, toujours très théorique, des nationalistes de
CiU et des conservateurs du PP (qui prétendent se situer au centre
droit) se dégage en effet une double majorité absolue, en sièges
et en voix.
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