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La fosse où gît Federico Garcia Lorca sera ouverte
Espagne - crimes contre l'humanité : Garzon impute à Franco 114.266 disparitions forcées
MADRID, vendredi 17 octobre 2008 (LatinReporters.com) - "Afin de déclarer éteinte leur responsabilité pénale" dans 114.266 disparitions forcées qu'il qualifie de crimes contre l'humanité, le juge espagnol Baltasar
Garzon a réclamé le 16 octobre les certificats de décès
du général Franco (mort le 20 novembre 1975) et de 34 hauts
responsables de la dictature franquiste. Dans le même arrêt, le
magistrat ordonne l'ouverture de 19 fosses communes, dont celle où
gît le poète Federico Garcia Lorca.
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Le juge d'instruction espagnol Baltasar Garzon Photo Presidencia de la Nación Argentina | |
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C'est la première fois en Espagne que la justice relève la
"responsabilité pénale" pour crimes contre l'humanité
de dignitaires du franquisme. L'arrêt
du juge Garzon marque l'ouverture d'une instruction sur les disparus victimes
de ce régime et d'emblée ses représentants historiques, dont Franco
lui-même, semblent inculpés post-mortem. Le dossier demeure sensible
près de 70 ans après la fin de la guerre civile gagnée
en 1939 par le generalisimo contre la République.
L'arrêt de Baltasar Garzon vise également la Phalange, réclamant
du Ministère de l'Intérieur l'identification des principaux
dirigeants, entre juillet 1936 et décembre 1951, de cette organisation
d'extrême droite afin de poursuivre ceux qui seraient encore en vie.
Le juge Garzon cultive le symbolisme des dates. Il a lancé sa nouvelle
offensive contre une injustice présumée de l'histoire au 10e
anniversaire, jour pour jour, de sa demande retentissante d'extradition, le
16 octobre 1998, du général et dictateur chilien Augusto Pinochet,
alors en visite privée à Londres. Au nom de la compétence
universelle de la justice espagnole en matière de crimes contre l'humanité,
Baltasar Garzon voulait faire juger le général à Madrid.
Assigné pendant 503 jours à résidence par les autorités
britanniques, Pinochet, décédé en décembre 2006,
fut finalement autorisé à regagner le Chili pour raison de santé.
La nouvelle instruction lancée par le juge Garzon répond aux
demandes d'associations de familles de victimes républicaines pour
que la justice espagnole enquête sur la disparition de proches durant
la guerre civile (1936-39) et la dictature franquiste (1939-75), en localisant
les corps et éclaircissant les circonstances de leur mort. Les disparus
victimes de la République ne sont donc pas concernés. Baltasar
Garzon prétend qu'eux au moins et leurs familles ont bénéficié
d'une attention privilégiée, celle du long pouvoir franquiste.
Indiquant que d'autres exhumations suivront en fonction de la progression
de l'instruction, le magistrat ordonne l'ouverture de 19 fosses
communes. L'une d'elles, près de Grenade, serait celle où, selon
des témoignages recueillis par des historiens, aurait été
jeté Federico Garcia Lorca, fusillé le 18 août 1936 à la fleur de l'âge,
38 ans. Sa famille ne souhaite pas son exhumation, mais, dans sa majorité, elle ne s'oppose plus
à l'ouverture de la fosse, réclamée par les descendants de deux
des trois autres fusillés, un maître d'école et deux banderilleros,
enterrés avec le célèbre poète.
Le parquet a aussitôt annoncé qu'il fera appel de la décision
du juge Garzon d'ouvrir une instruction sur les disparus du franquisme. Cet
appel se prévaudrait de l'amnistie générale décrétée
en Espagne en 1977 et de l'inexistence supposée, à l'époque
de la guerre civile espagnole, du concept de crimes contre l'humanité
apparu, selon le parquet, en 1945 au procès de Nuremberg contre des
dirigeants de l'Allemagne nazie.
Interrogé à Bruxelles en marge d'un Conseil européen,
le président du gouvernement socialiste espagnol, José Luis
Rodriguez Zapatero, a exprimé son respect pour l'autonomie de la justice,
qu'il s'agisse du juge Garzon ou du parquet.
Prévoyant l'appel du parquet, Baltasar Garzon, sous le titre "Razonamientos
juridicos" (Raisonnements juridiques") consacre 53 des 68 pages de son arrêt
à justifier l'instruction qu'il ouvre et sa compétence
en qualité de magistrat de l'Audience nationale, la principale instance
pénale espagnole.
L'amnistie générale de 1977? Les disparitions forcées
du franquisme n'ayant jusqu'à présent jamais été
dénoncées en justice, leurs responsables n'ont logiquement pas
pu bénéficier de cette amnistie répond en substance le
juge Garzon. En outre, poursuit-il, le crime de disparition forcée
est permanent tant que les victimes ou leur dépouille n'ont pas été
retrouvées. Une prescription ne peut donc pas éteindre ce crime
qui serait toujours commis actuellement sur les 114.266 Espagnols dont on
recherche maintenant les restes. Leurs familles sont aussi aux yeux du juge
Garzon des victimes atteintes dans leur dignité.
Quant au concept de crimes contre l'humanité, Baltasar Garzon relève
notamment que la Convention de La Haye de 1899 soumettait déjà
les belligérants "aux principes du Droit des Gens, résultant
des usages établis entre nations civilisées, des lois de l'humanité
et des exigences de la conscience publique".
Franco: "J'ai dit à n'importe quel prix"
Le juge affirme dans son arrêt que le soulèvement franquiste
du 18 juillet 1936 contre la légalité républicaine revêtait
lui-même le caractère de crime contre l'humanité, par nature imprescriptible,
visant à l'extermination systématique des adversaires politiques.
Baltasar Garzon se réfère notamment au Code pénal espagnol et
à la Cour pénale internationale, qui taxent de crime contre
l'humanité l'attaque généralisée contre une
partie de la population civile, persécutée pour des motifs
politiques.
Le magistrat cite dans ce contexte des propos de divers chefs franquistes
insurgés contre la République, dont le général
Queipo de Llano. Il déclarait en 1936 à Radio Sevilla: "Je vous
autorise à tuer, comme un chien, quiconque vous résistera. Je
vous exempterai de toute responsabilité".
Ou encore le général Mola, le 19 juillet 1936: "Il est
nécessaire de propager une image de terreur. Quiconque est ouvertement
ou secrètement défenseur du Front populaire doit être
fusillé".
Sans oublier Franco, interviewé le 27 juillet 1936 par le journaliste
Jay Allen, du Chicago Daily Tribune: "Nous autres, nous luttons pour l'Espagne.
Eux [les républicains] luttent contre l'Espagne. Nous sommes résolus
à aller de l'avant à n'importe quel prix". Allen disant alors
à Franco "Il vous faudra tuer la moitié de l'Espagne", le generalisimo
réplique: "J'ai dit à n'importe quel prix".
Cité le 4 octobre dernier par le quotidien de centre gauche El Pais,
l'historien Julian Casanova estimait à 150.000 le nombre d'assassinats
perpétrés par les franquistes pendant la guerre civile et les
quasi 40 ans de dictature du général Franco. Le même historien
établissait à 60.000, dont 7.000 religieux, les victimes de
crimes commis par les républicains. A ces chiffres tragiques, il faut
ajouter les 400.000 morts au combat pendant la guerre civile et plusieurs
centaines de milliers d'exilés.
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