MADRID, mardi 19 juillet 2011 (LatinReporters.com) - Le départ immédiat
de José Luis Rodriguez Zapatero, président du gouvernement
socialiste espagnol, est réclamé dans un éditorial très dur de
l'influent quotidien El Pais, auquel le socialisme doit pourtant beaucoup
en Espagne. C'est l'une des conséquences de la crise économique
globale. Elle aurait mis à nu l'incompétence supposée
d'un homme qui fut, après sa première élection en 2004,
une référence de la gauche européenne.
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José Luis Rodriguez Zapatero (à droite) et Herman Van Rompuy,
président du Conseil européen, le 12 juillet 2011 à
Madrid. Face à la crise, ils incarnent
une double "incapacité" soulignée par El Pais : celle du gouvernement
espagnol et celle de l'Union européenne. (Photo lamoncloa.gob.es) |
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Premier journal espagnol, tant sur papier que sur Internet, El Pais, fleuron
de centre gauche du groupe multimédia Prisa, est désormais
sur la même longueur d'onde que la droite médiatique et politique
en priant M. Zapatero "d'abandonner le pouvoir au plus vite". Il le fait dans un éditorial
publié le 18 juillet.
Le 2 avril dernier, moins de deux mois avant la
débâcle
historique attendue de son Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) aux élections
municipales et régionales du 22 mai, José Luis Rodriguez
Zapatero
annonçait qu'il ne briguera pas un troisième mandat aux
législatives prévues en principe pour mars 2012.
Arguant de la nécessité de poursuivre les réformes économiques
pour maintenir à flot l'Espagne dans la tourmente économique
et monétaire actuelle, M. Zapatero laisse entendre qu'il ira jusqu'au
bout de la législature. Le Parti populaire (PP, opposition de droite)
de Mariano Rajoy, favori de tous les sondages, se prépare néanmoins
à des législatives anticipées qu'il réclame et que même des personnalités
socialistes n'écartent pas pour fin novembre.
En exhortant José Luis Rodriguez Zapatero à s'effacer, El Pais l'incite-t-il purement et
simplement à démissionner avant même toute convocation des législatives,
anticipées ou non? Une telle démission pourrait déboucher
sur l'élection parlementaire d'
Alfredo
Perez Rubalcaba à la tête d'un gouvernement de gestion qui épuiserait la
législature.
Ministre de l'Intérieur de M. Zapatero pendant plus de cinq ans, M.
Rubalcaba a abandonné son portefeuille le 11 juillet pour préparer
sa campagne de tête de liste des socialistes aux législatives.
Il est donc candidat à la succession de l'actuel chef de l'exécutif
et lui succéder effectivement pour quelques mois à la présidence
d'un gouvernement en fonction, grâce à la majorité relative
que contrôle encore le PSOE au Congrès des députés,
consoliderait peut-être sa crédibilité électorale
face au PP de Mariano Rajoy.
Rescapé de la vieille garde du PSOE déçue par José
Luis Rodriguez Zapatero, M. Rubalcaba est ouvertement soutenu par El Pais,
quoiqu'il ne soit pas mentionné dans l'éditorial du 18 juillet,
traduit ci-dessous. Cet éditorial justifie implicitement a posteriori
les critiques exprimées depuis longtemps par divers observateurs à
l'égard d'un homme, M. Zapatero, qui sembla souvent octroyer plus
d'importance à son image médiatique qu'au contenu réel et aux
conséquences de sa politique. Un travers que la crise n'a corrigé que tardivement.
El Pais, éditorial du 18 juillet 2011
http://www.elpais.com/articulo/opinion/Final/ciclo/elpepiopi/20110718elpepiopi_1/Tes
Traduction : LatinReporters
Fin de cycle
Si Zapatero veut rendre un ultime service à son pays, il doit abandonner
le pouvoir au plus vite
Gérer la fin d'un cycle de gouvernement n'est une tâche facile
pour aucun gouvernant et les circonstances que traverse l'Espagne actuellement
ne contribuent certainement pas à faciliter cette tâche. Depuis
que le président du gouvernement souleva les doutes sur sa continuité
dans un commentaire aussi informel qu'irresponsable à la fin de l'année
dernière, les événements se sont précipités.
Pour le pire. A ce jour, nous avons un pays menacé de ruine (pris
dans le tourbillon des marchés financiers déferlant sur l'Europe),
sans perspective, avec de sérieux problèmes de cohésion
sociale et même territoriale, dans lequel se propage la désillusion
parmi les citoyens, sans distinction idéologique ou de classe sociale.
Il existe des motifs plus que fondés d'inquiétude, pour sûr
évidente tant dans les manifestations des indignés que dans
les résultats des récentes élections.
Les turbulences sur les marchés de la dette se sont acharnées
sur l'Espagne avec une intensité qui non seulement menace d'étrangler
les finances publiques, mais asphyxie aussi depuis longtemps des entreprises
de toutes tailles en renchérissant leur financement, enterrant la
perspective d'une récupération économique rapide. Le
sentier vers le néant sur lequel la Grèce, l'Irlande et le
Portugal se précipitèrent antérieurement, l'Espagne
le parcourt aussi par à-coups, malgré les déclarations
bien intentionnées des autorités ou les annonces continuelles
d'initiatives et de réformes devenant ensuite inefficaces par leur
manque d'ambition initial ou leurs délais et retards continus, comme
dans le secteur financier, où l'urgence conseillait une rapidité
extrême de décision. Ni le gouvernement ni la Banque d'Espagne
n'ont agi en conséquence.
Il serait injuste d'attribuer la responsabilité de tous les maux à
nos autorités. Une part non négligeable de ce qui nous afflige
a son origine en Europe et nécessite des solutions qui transcendent
les frontières nationales. Mais il est impossible de ne pas reconnaître
la petitesse de la contribution espagnole à ces solutions. Au-delà
de l'incapacité de l'Europe de résoudre ses problèmes,
la perte de confiance dans la gestion de José Luis Rodriguez Zapatero
semble irréversible et le scepticisme croissant sur la gouvernabilité
espagnole dans les circonstances actuelles menace d'accroître nos maux.
La crise n'est pas seulement économique, mais aussi et peut-être
surtout politique.
Depuis longtemps déjà, les réponses du président
du gouvernement aux défis qu'affronte l'Espagne ne jouissent quasi
d'aucun crédit aux yeux des citoyens. Les sondages le démontrent
de manière consistante (une enquête récente désignait
le gouvernement comme l'institution la moins appréciée sur
une liste de 39) et le scepticisme et la confusion ont été
contresignés par l'effondrement des socialistes aux dernières
élections, tandis que s'intensifiait la contestation de la rue.
Au-delà de toute considération sur l'origine des protestations
du 15-M [du 15 mai, date de la première manifestation du
mouvement
des "indignés"; ndlr],
sur leur légitimité ou leurs
objectifs, il est évident que l'appréciation positive dont
elles bénéficient aux yeux d'une part de l'opinion reflète
le profond malaise dans lequel s'est englouti l'ensemble d'un pays comptant
cinq millions de chômeurs, dans lequel 300.000 familles ont perdu leur
logis ces trois dernières années [pour non paiement d'hypothèques;
ndlr]
et où son premier dirigeant est incapable d'offrir le moindre
espoir raisonnable de soulagement de leurs angoisses.
Rodriguez Zapatero dispose pleinement de la légitimité et du
droit de mettre fin à la législature s'il le veut et rien dans
la loi ne l'oblige à dissoudre les chambres. Mais après l'annonce,
en mars [plus exactement, le 2 avril; ndlr],
qu'il ne se présentera
plus aux élections, ce journal soutint que ses intentions d'épuiser
la législature n'étaient moralement et politiquement justifiables
qu'à la condition d'achever les réformes indispensables pour
assurer une nécessaire stabilité, politique et économique,
afin que le pays affronte la période électorale dans les meilleures
conditions possibles. Cette condition n'est pas remplie. Pire encore : son
incapacité dans la gestion, les maigres résultats des réformes
à peine entamées et, de surcroît, le fardeau et l'impuissance
d'une législature moribonde sont le présage d'une détérioration
inévitable qu'il est essentiel de stopper le plus tôt possible.
A cet égard, la date suggérée par certains dirigeants
socialistes pour les élections (fin novembre) est absolument tardive.
Si vraiment Rodriguez Zapatero veut rendre un ultime service à son
pays, il doit le faire en abandonnant le pouvoir au plus vite et en reconnaissant
l'urgence pour notre gouvernement de récupérer la crédibilité
perdue. L'ensemble des Espagnols, et les électeurs socialistes en
particulier, l'en remercieront.