CIUDAD DE GUATEMALA, lundi 7 novembre 2011 (LatinReporters.com) - "Main dure" du pouvoir contre la criminalité, la corruption et les
cartels de la drogue : c'est l'option du Guatemala, dont 53,9% des électeurs
ont choisi comme président le général retraité
Otto Pérez Molina. Il sera le premier militaire à emménager
au palais présidentiel depuis la fin de la dictature, en 1985.
Le général a triomphé au second tour d'un rival lui
aussi de droite, Manuel Baldizon, crédité de 46,1% des suffrages
par le Tribunal suprême électoral après dépouillement
de 99,2% des bulletins de vote. La participation au scrutin des 7,3 millions
d'électeurs a été de 60,3%, neuf points de moins qu'au
premier tour, couplé il est vrai aux législatives, le 11 septembre
dernier.
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Le général retraité Otto Pérez Molina entouré par la presse
dans un bureau de vote de Ciudad de Guatemala, le 6 novembre 2011 (photo
Alex Cruz / elperiodico.com.gt), et en campagne électorale, le poing
levé pour promettre la "main dure" (photo Partido Patriota). |
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Otto Pérez Molina sera investi le 14 janvier prochain, six semaines
après son 61e anniversaire. Il succédera pour un mandat non
renouvelable de quatre ans au social-démocrate Alvaro Colom, qui aura
été pendant 48 mois l'unique président de gauche depuis
1954 au Guatemala.
Ce pays se réinstalle donc à droite. Avec 14 millions d'habitants,
il est le plus peuplé d'Amérique centrale. La pauvreté
y frappe 52% de la population, une proportion proche de celle des autochtones
de souche amérindienne, essentiellement d'origine maya.
Aux cris de "Otto, Otto, Otto", des groupes de militants du Parti Patriote
(PP), fondé par le général Otto Pérez Molina,
fêtaient l'élection de leur leader dimanche soir dans les rues de
la capitale, Ciudad de Guatemala.
Le général à la retraite y a proclamé sa victoire. "J'ai été
élu aujourd'hui président de tous les Guatémaltèques.
La tâche à accomplir est considérable. Je suis
prêt à travailler pour eux et je vais le démontrer par
des actions" a-t-il déclaré à la presse.
Pérez Molina, qui levait le poing fermé pour promettre
une "mano dura" en campagne électorale, tant cette année que
lors de sa première candidature présidentielle, repoussée au second tour en 2007, a
remercié les quasi 2,3 millions de Guatémaltèques qui
lui ont fait confiance. "Je ne vais pas les décevoir et je ferai le
plus grand effort pour obtenir la paix, la sécurité et créer
du travail" a promis le président élu, confirmant que la sécurité
et la justice seraient les priorités de son gouvernement.
Il a invité son rival malheureux, l'homme d'affaires populiste Manuel
Baldizon, à "travailler ensemble pour le Guatemala", en oubliant les
querelles politiques. Au cours de la campagne, les deux hommes s'étaient
accusés mutuellement d'acheter les électeurs. Les insultes
"corrompu", "voleur", démagogue" et même "assassin" avaient
fusé.
Manuel Baldizon a cru jusqu'au dernier moment que son score démentirait
des sondages négatifs. Quoique classé à droite, il avait
réussi pour le second tour à se faire soutenir, parmi la dizaine
de partis regroupés autour de sa candidature, par les formations
de gauche, l'Union nationale de l'Espérance (UNE) du président
sortant Alvaro Colom et la modeste coalition menée par l'Amérindienne
Rigoberta Menchu, prix Nobel de la Paix 1992.
Que le slogan "main dure" ait fait mouche étonne peu dans un Guatemala
demeuré un des pays les plus violents du monde. En 2010, on y compta
41,5 meurtres pour 100.000 habitants, un ratio supérieur par exemple
à ceux enregistrés en Irak et en Afghanistan. [Mais très
inférieur au ratio de 75 /100.000 relevé en 2009 au Venezuela;
ndlr]. L'impunité est en outre quasi totale.
Les autorités guatémaltèques reconnaissent que des cellules
des cartels de Sinaola, du Golfo et surtout de Los Zetas, les principaux
cartels mexicains du narcotrafic, sont installées et accroissent leur
pouvoir au Guatemala depuis 2007. Après un massacre perpétré
en mai dernier par Los Zetas dans le département de Petén (nord),
le président Colom y décréta l'état de siège.
Il faut récupérer les territoires occupés par les narcotrafiquants
et "seule l'armée peut le faire" disait Otto Pérez Molina.
en septembre, avant le premier tour de la présidentielle. Considérant
que la police nationale "est très faible" et "n'a pas la capacité
technique ni l'entraînement" permettant d'affronter cette criminalité
organisée, le général prônait la création
de commandos de choc armés et techniquement équipés
au même niveau que les narcotrafiquants, avec l'appui d'un service
de renseignement renforcé.
Parfois surnommé le "général de la paix" pour avoir
négocié et signé au nom de l'armée les accords
ayant scellé la fin de la longue guerre civile (200.000 morts et 60.000
disparus de 1960 à 1996), Otto Pérez Molina n'en est pas moins
soupçonné à voix haute par des ONG et par des adversaires
politiques de violations des droits de l'Homme pendant ce conflit. Le général
retraité ne cesse de répliquer que ses accusateurs n'ont jamais
avancé de preuves contre lui. Ses partisans ajoutent qu'il est prouvé,
par contre, qu'il s'opposa à la dictature du général
Rios Montt, en 1983, et à la dérive anticonstitutionnelle du
président Jorge Serrano Elias, en 1993.
Comme son prédécesseur, le nouveau président du Guatemala
sera freiné par le fractionnement du Congrès des députés.
Les élections législatives du 11 septembre ont laissé
le Parti Patriote du général Perez Molina très au-dessous
de la majorité absolue, même s'il est la première force
parlementaire avec 56 députés sur 158.