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Fraude? L'opposition le prétend, l'Eglise le craint
Nicaragua-élections municipales: victoire sandiniste contestée et violence
MANAGUA, mercredi 12 novembre 2008 (LatinReporters.com) - La victoire, selon les chiffres officiels, du Front Sandiniste de Libération Nationale (FSLN, gauche) aux élections municipales du 9 novembre au Nicaragua devrait en principe renforcer le président Daniel Ortega,
allié centraméricain du Vénézuélien Hugo
Chavez. Il faudra néanmoins évaluer les conséquences
de la radicalisation violente entre adversaires politiques suite à
l'accusation de fraude généralisée lancée par
l'opposition libérale. L'Eglise, des ONG, la dissidence sandiniste,
des médias importants et les Etats-Unis doutent aussi de la régularité
du scrutin.
Quelque 3,8 millions de Nicaraguayens âgés d'au moins 16 ans
étaient appelés dimanche aux urnes. Mardi soir, les résultats
officiels provisoires diffusés par le Conseil Suprême Electoral
(CSE) après dépouillement des bulletins de 86% des bureaux
de vote créditaient le FSLN de 48,24% des suffrages nationaux, ainsi
que de la victoire dans 91 des 146 municipalités en jeu, notamment
et surtout dans 11 des 17 chefs-lieux départementaux, dont la capitale,
Managua, et la seconde ville du pays, Leon.
Les sandinistes conservent donc la mairie de Managua, qu'ils contrôlent
depuis 2000. En 2004, ils avaient remporté 87 municipalités,
dont 14 chefs-lieux de département. Même s'ils perdent aujourd'hui
trois chefs-lieux, leur contrôle territorial demeure largement majoritaire.
Cette victoire consolide le pouvoir de l'ancien commandant guérillero Daniel Ortega, revenu à la tête de l'Etat en 2006, après seize ans d'opposition,
à la faveur d'une élection présidentielle à
tour unique que la récente division des libéraux lui permit
de gagner avec seulement 37,99% des voix.
Toujours selon les chiffres officiels du CSE,
le Parti Libéral Constitutionnaliste (PLC, droite) obtient 46,45%
des suffrages et la victoire dans 49 municipalités (57 en 2004), dont
6 chefs-lieux départementaux (2 en 2004). Les sondages qui annonçaient
la victoire des libéraux à Managua sont démentis. C'est
de la capitale que sont parties les accusations de fraude.
Le candidat sandiniste à la mairie de Managua, l'ex-champion du monde
de boxe Alexis Argüello, devance avec 51,30% des voix les 46,45% que
le CSE octroie au candidat du PLC, le libéral Eduardo Montealegre,
principal adversaire de Daniel Ortega à l'élection présidentielle
de 2006. Mais, criant à la manipulation frauduleuse et affirmant tenir
copie d'actes récapitulatifs de la majorité des bureaux de
vote, Montealegre inverse les résultats du CSE, s'attribuant 51% et
rabaissant à 46% le score d'Argüello.
Le problème est que les deux candidats ont crié victoire. Les
cortèges de leurs sympathisants se sont télescopés à
coups de pierre, de bâtons et de revolver. Des véhicules ont
brûlé devant l'état-major libéral assiégé
par les sandinistes. A défaut d'un bilan policier inexistant, les
médias font état de dizaines de blessés et de deux morts.
Eduardo Montealegre prétend qu'au-delà de Managua -où
des assesseurs du PLC affirment avoir été éjectés
des bureaux de vote par la police sandiniste à la moindre contestation-
le reste du pays aurait aussi été soumis à une gigantesque
fraude électorale. La crédibilité du candidat libéral,
qui avait pris à la présidentielle de 2006 la tête dune
dissidence (l'Alliance Libérale Nicaraguayenne), souffre néanmoins
de son retour dans le sillage du PLC. Car il y est un associé obligé du véritable
patron des libéraux, l'ex-président Arnoldo Aleman, condamné
pour détournement de fonds à 20 ans de détention qu'il
coule en arrêt domiciliaire dans le luxe de ses propriétés
grâce à d'anciens marchandages avec le sandiniste Daniel Ortega.
Absence des observateurs électoraux habituels
Leur imputant la responsabilité des heurts violents, le Conseil Suprême
Electoral a rappelé à Eduardo Montealegre et au PLC qu'il existe
des canaux légaux et pacifiques pour dénoncer de présumées
irrégularités électorales ou contester des résultats.
Le jour du scrutin municipal, le président Daniel Ortega avait accusé
l'opposition de vouloir discréditer une élection démocratique.
Mais le chef de l'Etat avait alimenté les suspicions en renonçant,
via le CSE, aux observateurs de l'Union européenne, de l'Organisation
des Etats américains et du Centre Carter qui avaient cautionné
il y a deux ans sa victoire à la présidentielle. Habituels
lors d'élections en Amérique latine depuis le retour à
la démocratie de la quasi totalité des pays de cette région,
les observateurs d'institutions jouissant d'un prestige international ont
été substitué pour les municipales du Nicaragua par
des délégués d'organismes peu connus regroupant notamment
des présidents et magistrats d'administrations électorales
d'Amérique centrale et des Caraïbes. L'opposition les taxe de
"peu fiables".
Les ONG nicaraguayennes ont également été écartées
de l'observation électorale, y compris la réputée Ethique
et Transparence. Selon cette dernière, présente malgré
tout sur le terrain dans la mesure du possible, des "incidents et irrégularités"
se seraient produits dans 32% des bureaux de vote, parfois fermés
avant l'heure officielle malgré les files d'électeurs, et les
élections du 9 novembre auraient été "les moins transparentes
et marquées par le plus grand nombre d'actes d'intimidation depuis 1996".
Au printemps dernier, la communauté internationale, dont
l'Union européenne, avait dénoncé un autre mauvais présage:
la suppression par le Conseil Suprême Electoral, pour des raisons administratives
contestées, de la personnalité juridique de deux partis, dont
le Mouvement de Rénovation Sandiniste (MRS), qui n'ont
donc pas pu se présenter aux municipales. Dissidence du FSLN dont
il dénonce la corruption, le MRS avait recueilli plus de
6% des voix à la présidentielle de 2006 et il risquait d'affaiblir
sensiblement le parti de Daniel Ortega.
"Gens frustrés" avertit l'Eglise
L'archevêque de Managua, Mgr Leopoldo Brenes, prie le CSE de
dissiper les doutes sur la transparence des élections, avertissant
que "des gens se sentent frustrés". Le libéral Eduardo Montealegre
en appelle, lui, aux institutions internationales qui observent d'ordinaire
les élections en Amérique latine, leur demandant d'empêcher
"qu'on vole les votes" des Nicaraguayens.
Les deux principaux quotidiens du pays, La Prensa et El Nuevo Diario, tous
deux autrefois favorables à la révolution sandiniste, accréditaient
mardi la possibilité d'une fraude par leurs principaux titres respectifs,
"Demande de révision des actes [électoraux]" et "Gens frustrés",
comme le disait l'archevêque de la capitale.
Aux Etats-Unis, l'administration Bush, pas encore celle de Barack Obama,
critique elle aussi l'absence aux élections municipales nicaraguayennes
d'observateurs nationaux et internationaux "crédibles". Selon Robert
A. Wood, porte-parole du Département d'Etat, les actions du Conseil
Suprême Electoral, s'ajoutant à des actes "d'intimidation, de
violence et de harcèlement de membres de partis de l'opposition et
de représentants d'organisations non gouvernementales ont créé
des conditions qui ne conduisaient pas à des élections libres
et justes".
L'un des fils de l'ex-présidente Violeta Chamorro, Carlos Fernando
Chamorro, directeur du Centre de Recherches de la Communication et éditeur
de l'hebdomadaire Confidencial, estimait avant le scrutin qu'une victoire
du FSLN aux municipales favoriserait des projets de réformes constitutionnels
tendant à consolider davantage le pouvoir sandiniste, permettant par
exemple à Daniel Ortega de briguer à nouveau la présidence
en 2011, alors que la Constitution actuelle n'autorise pas deux mandats consécutifs.
Carlos Fernando Chamorro rappelait en outre que les candidats du FSLN aux
élections municipales ont dû jurer qu'ils suivraient les directives
des Conseils du Pouvoir Citoyen (CPC) que coordonne Rosario Murillo, l'épouse
du président Daniel Ortega. Chapeautant entre autres la distribution
de l'aide vénézuélienne, les CPC visent à assurer,
à l'image des Comités de Défense de la Révolution
à Cuba, un contrôle direct du pouvoir central aux dépens
notamment de l'autonomie municipale.
Une défaite du FSLN le 9 novembre aurait signifié, selon Carlos
Fernando Chamorro, "un rejet du projet autoritaire d'Ortega, l'obligeant
à négocier". On en est loin, à moins que la fraude présumée
ne soit clairement démontrée et devienne évidente aux
yeux de la majorité des Nicaraguayens. En attendant, des sandinistes
clament que crier à la fraude serait la véritable fraude.
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EGLISE ET OPPOSITION RÉCLAMENT UN NOUVEAU DÉCOMPTE
MANAGUA, mercredi 12 novembre 2008 (LatinReporters) - Contestant les résultats
officiels provisoires et partiels qui annoncent une large victoire de la gauche sandiniste
aux élections municipales du 9 novembre, la Conférence épiscopale
du Nicaragua, l'opposition libérale et diverses ONG réclament depuis mardi soir
un nouveau décompte des bulletins de vote.
Dans un communiqué, la Conférence épiscopale accuse
le Conseil Suprême Electoral (CSE), responsable du décompte
officiel, de "manquer à son devoir moral de respecter le vote populaire".
Le même communiqué énumère une série d'irrégularités
"qui rendent illégitime et remettent en question le processus électoral":
annulations injustifiées de bulletins de vote, fermeture anticipée
de bureaux de vote, refus d'accréditation d'observateurs nationaux
et étrangers, expulsion de bureaux de vote d'assesseurs de partis
de l'opposition et incohérences entre les procès verbaux signés
par les assesseurs et les résultats partiels diffusés à
la télévision par le CSE.
Le texte des évêques affirme que ces irrégularités
ont été dénoncées "dans de nombreuses municipalités
et de nombreux chefs-lieux départementaux, mettant en danger les institutions
démocratiques du pays" ["... arriesgando la institucionalidad democrática del
país"].
En conséquence, le communiqué
prie le Conseil Suprême Electoral d'agir "d'urgence avec honnêteté,
transparence et impartialité". Les prélats demandent
"la révision et la comparaison des actes [récapitulatifs de
votes] qui sont aux mains des partis politiques".
L'indignation de la Conférence épiscopale est d'autant
plus significative que, pour faciliter sa victoire à l'élection
présidentielle de 2006, le sandiniste Daniel Ortega s'était
prononcé contre l'avortement, désormais interdit sous toutes circonstances au
Nicaragua, dans l'espoir d'une complicité ou pour le moins de la neutralité
de l'Eglise.
Parallèlement à la Conférence épiscopale, Eduardo
Montealegre, candidat libéral à la mairie de Managua qui conteste
la victoire sandiniste dans la capitale, a exigé une révision
du scrutin "bulletin par bulletin" dans l'ensemble du pays. Souhaitant que
le nouveau décompte soit supervisé par des organismes internationaux
crédibles, Eduardo Montealegre a cité notamment les Nations
Unies, l'Organisation des Etats Américains et le Centre Carter.
Réaction de Hugo Chavez
"Nous félicitons le commandant Daniel Ortega pour la grande
victoire" sandiniste aux élections municipales a déclaré
mardi soir le président vénézuélien Hugo Chavez. Un
porte-parole du département d'Etat ayant mis également en doute
à Washington la régularité des élections nicaraguayennes,
Hugo Chavez s'est écrié: "Bush devrait la fermer. Qu'il se
taise".
Selon le leader bolivarien, "les Etats-Unis ont immédiatement appuyé
la droite fasciste (...) remettant en question sans la moindre preuve la
légalité et la transparence des élections au Nicaragua".
Chavez sera lui-même confronté le 23 novembre à des
élections municipales et régionales. Il prétend que
l'opposition vénézuélienne "se prépare elle aussi
à ne pas reconnaître les résultats" électoraux. |
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