LIMA, mercredi 27 juillet 2011 (LatinReporters.com) - Grand feu d'artifice diplomatique, le 28 juillet, pour l'investiture d'Ollanta
Humala, premier président de gauche élu
au
Pérou depuis 1985. A sa demande, les chefs d'Etat de
l'
Unasur (Union
des nations sud-américaines) tiendront le même jour à
Lima un sommet social visant à réduire la pauvreté dans
la région, comme veut le faire Humala au Pérou avec un gouvernement
modéré de centre gauche. Malgré son
cancer, Hugo Chavez voudrait être de la fête, si ses médecins
y consentent.
|
Ollanta Humala (à gauche) reçu le 15 juillet 2011 à
Caracas par Hugo Chavez. Gestuelle plus significative que les discours?
(Photo Efrain Gonzalez / Prensa Presidencial) |
|
Avec ce sommet, Ollanta Humala, lieutenant-colonel retraité de 49
ans, entrera par la grande porte dans son quinquennat présidentiel.
Sa priorité extérieure, l'intégration de l'Amérique
du Sud, sera partagée à Lima par les douze pays du sous-continent
(Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Equateur, Guyana, Paraguay,
Pérou, Surinam, Uruguay et Venezuela). Et sa priorité intérieure,
une répartition plus équitable des fruits de la croissance spectaculaire du Pérou,
inspire déjà l'Unasur puisque le sommet est appelé à
jeter les bases de programmes sociaux à long terme pour réduire
dans la région les inégalités et la pauvreté.
Que ce sommet soit en outre le premier depuis l'entrée en vigueur
effective, le 11 mars dernier, du traité de l'Unasur signé
en mai 2008 à Brasilia associera davantage encore l'image du nouveau
président péruvien aux nouvelles ambitions internationales
de l'Amérique du Sud et du monde latino-américain en général.
Militant tapageur d'une unité régionale qu'il voudrait opposer
aux Etats-Unis, le président vénézuélien Hugo
Chavez a dépêché à Lima des éclaireurs
de sa Maison militaire dans l'éventualité de sa présence
à l'investiture d'Ollanta Humala et de sa participation au sommet
de l'Unasur. Chavez désobéira-t-il aux médecins cubains
et vénézuéliens qui lui recommandent de baisser le rythme
pour mieux conjurer le cancer dont il a été opéré
le 20 juin à La Havane?
Du Brésil à Cuba, en passant par Washington et Caracas
Grand voyageur depuis sa
victoire
au second tour de l'élection présidentielle,
le 5 juin par 51,45% des suffrages contre 48,55% à Keiko Fujimori,
Ollanta Humala a été reçu successivement, dans cet ordre,
par les président(e)s du Brésil, du Paraguay, de l'Uruguay,
de l'Argentine, du Chili, de la Bolivie, de l'Equateur, de la Colombie, des
Etats-Unis, du Venezuela, du Mexique et de Cuba.
L'ordre chronologique de ces étapes semble symbolique. Visité
en premier, le Brésil de Lula da Silva et Dilma Rousseff est un voisin
géant et incontournable qui offre, sur fond de gauche modérée,
un modèle social apparemment efficace dont Humala a dit et redit vouloir
s'inspirer. De plus, avec le Paraguay, l'Uruguay et l'Argentine, le Brésil
forme le Mercosur (Marché commun du Sud), principal socle économique
de l'Unasur.
Que le Venezuela soit à la queue de ses visites en Amérique
du Sud et Cuba la dernière étape de sa longue tournée
continentale reflète-t-il les distances qu'Ollanta Humala prétend
avoir pris avec un socialisme radical qu'il n'a renié que lors de
sa dernière campagne électorale? Peut-être, mais la gestuelle
de l'ancien militaire et de sa femme, Nadine Heredia, semblait attester en
Bolivie et au Venezuela de liens quasi familiaux avec Evo Morales et Hugo
Chavez, deux chefs de file de l'extrême gauche en Amérique latine.
|
Ollanta Humala (premier plan à gauche) face à Barack Obama,
le 6 juillet 2011 à la Maison blanche. Le pragmatisme
avant l'idéologie. (Photo ANDINA / Gana Perú) |
|
A la Paz, Ollanta Humala a rêvé à voix haute de "réunification"
de la Bolivie et du Pérou. A Caracas, il a émis "le vif espoir
que l'amitié" avec Hugo Chavez "nous mène vers un futur
commun". Et à La Havane, il a qualifié l'embargo américain
contre Cuba de "honte" qui "ne contribue pas à l'intégration
de l'Amérique".
Mais, reçu le 6 juillet à Washington par la secrétaire
d'Etat Hillary Clinton, puis par Barack Obama, alors que d'ordinaire le président
des Etats-Unis ne reçoit que des chefs d'Etat ou de gouvernement en
exercice, Humala disait à la presse "ne pas voir de contradiction
entre renforcer nos relations avec les Etats-Unis, un partenaire important,
et amener à un niveau optimal notre amitié avec le Venezuela".
Interrogé alors sur le Traité de libre-échange en vigueur
entre les Etats-Unis et le Pérou, Ollanta Humala a réitéré
qu'il respecterait les accords internationaux conclus par le gouvernement
du président Alan Garcia. Il a ajouté que les problèmes
éventuels entre Lima et Washington seraient résolus "de manière
pragmatique, en écartant l'idéologie".
Gouvernement modéré et première alerte ... familiale
Pour l'heure, l'évaluation des orientations d'Ollanta Humala repose
essentiellement sur le caractère modéré de son premier
gouvernement, positionné au centre gauche. Annoncée la semaine
dernière, la composition de son cabinet a été bien accueillie
par la bourse, par les principaux secteurs économiques et même
par le président sortant, Alan Garcia, converti au libéralisme
de centre droit après avoir été en Amérique latine
une figure de proue de la gauche radicale lors de son premier mandat (1985-1990).
Ollanta Humala a confié le poste de Premier ministre à son
directeur de campagne électorale, Salomon Lerner, riche homme d'affaires
qui a oeuvré au sein de nombreux gouvernements de différentes
couleurs politiques depuis les années 1970.
Le ministre des Finances sera Luis Castilla, qui était déjà
ministre adjoint des Finances dans le gouvernement du président Garcia.
Il est apprécié à Wall Street. Autre clin d'oeil significatif
aux investisseurs : l'économiste libéral Julio Velarde se succédera
à lui-même à la présidence de la Banque centrale.
En outre, plusieurs ministres du gouvernement dit de "concertation nationale"
d'Ollanta Humala viennent du parti Perú Posible de l'ex-président
centriste Alejandro Toledo, dont l'appui assurera une majorité parlementaire
au nouveau chef de l'Etat.
Une première alerte avant même l'investiture : de juin à
juillet, la popularité d’Ollanta Humala a chuté brutalement
de 70 à 41%, selon l'institut de sondage Ipsos Apoyo. L'un des frères
du président élu, Alexis Humala, en est la cause principale.
N'étant en principe investi d'aucune fonction officielle, il s'était
rendu début juillet à Moscou. S'y entretenant avec le ministre
des Affaires étrangères, Serguei Lavrov, et d'autres responsables
russes, il fit des promesses ou tenta d'ouvrir des perspectives bilatérales dans
les domaines de la défense, de l'énergie et de la pêche.
Le gouvernement russe avait soulevé surprise et indignation à
Lima en présentant le 6 juillet Alexis Humala comme "l'envoyé
spécial d'Ollanta Humala". Ce dernier l'a nié et a qualifié
d' "erreur très grave" le voyage de son frère, effectué
sans son autorisation. Selon les sondages, cet épisode aurait suscité
la méfiance de nombreux Péruviens dont Humala avait conquis
le vote grâce à l'une de ses promesses électorales essentielles,
la lutte contre la corruption.