CARACAS, lundi 8 octobre 2012 (LatinReporters.com) - Pour la 4e fois depuis
1998, Hugo Chavez a remporté dimanche l'élection présidentielle
au Venezuela. Son rival Henrique Capriles l'a aussitôt félicité,
recevant à son tour les félicitations du leader bolivarien
et une invitation au dialogue, mais dans un cadre qui restera celui du "socialisme
du 21e siècle". L'élégance inhabituelle et réciproque
des deux adversaires a déjoué les sombres pronostics de troubles
postélectoraux.
Si Dieu qu'il implore lui prête vie, le président réélu,
qui se dit guéri d'un cancer, régira le pays durant le prochain
sexennat 2013-2019, occupant ainsi le pouvoir durant 20 années consécutives.
Estimant irréversible un résultat basé sur 90% des suffrages,
le Conseil national électoral attribuait dimanche soir la victoire
à Hugo Chavez sur le score provisoire de 54,42% et 7.444.082 voix,
contre 44,97% et 6.151.544 voix à Henrique Capriles, candidat unique
de plus de 20 partis d'opposition fédérés au sein de
la Table de l'unité démocratique (MUD). Quatre autres candidats
de petites formations se partagent la poignée de votes restants. La
participation, historique, a mobilisé 80,94% des quasi 19 millions
d'électeurs vénézuéliens.
Contrairement aux craintes de nombreux analystes et de Chavez lui-même,
qui accusait "l'impérialisme" de vouloir ouvrir au Venezuela "un scénario
libyen", le perdant n'a pas crié à la fraude et a rapidement
reconnu sa défaite, la moins cinglante subie par l'opposition à
une élection présidentielle depuis 1998. A cet égard,
l'avantage de Chavez sur son rival immédiat, 26 points en 2006, s'est
réduit hier à 10 points, ce qui demeure tout de même
une performance après 14 ans de pouvoir.
"Je veux féliciter le candidat, le président
de la République Hugo Chavez", a déclaré Henrique Capriles,
arborant une veste aux couleurs du drapeau vénézuélien,
lors d'une allocution prononcée à son siège de campagne,
à Caracas. Il a aussi remercié les plus de 6 millions de personnes
qui lui ont accordé leurs voix.
"Ici, celui qui n'est pas parvenu à remporter la victoire, c'est
moi. Ici, on ne se sent pas vaincu. Ici, on a contribué à
ouvrir un chemin et ce chemin est là (...) Je suis aussi sur ce chemin,
je ne vais pas laisser seule la quasi-moitié du pays", a poursuivi
le jeune candidat (40 ans).
"Je demande aujourd'hui à celui qui se maintient au pouvoir respect
et considération envers la quasi-moitié du pays qui n'est
pas d'accord avec le gouvernement" a conclu Capriles à l'attention
de son adversaire.
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Caracas, 7 octobre 2012 : des milliers de militants chavistes écoutent
le discours de victoire électorale de Hugo Chavez, qui harangue la
multitude du haut du "balcon du peuple" du palais présidentiel. (Photo
Prensa Presidencial) |
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Le Venezuela "ne reviendra jamais au libéralisme"
Du haut de son légendaire balcon du peuple, qui orne l'une de façades
du palais présidentiel de Miraflores, et devant une marée humaine
de sympathisants enthousiasmés par sa victoire, Hugo Chavez a répondu
à Henrique Capriles, sans jamais citer son nom, en offrant ses "félicitations
aux dirigeants de l'opposition qui ont reconnu la victoire du peuple" et
qui "ne se sont pas prêtés aux plans déstabilisateurs"
de "certains".
Jugeant "important pour la construction de la paix au Venezuela" ce "talent
démocratique" de l'opposition, Hugo Chavez l'a invitée "au
dialogue, au débat et travail en commun [...] Au nom de nous tous,
je tends ces deux mains et ce coeur, car nous sommes tous des frères
dans la patrie de Bolivar".
Mais le reste du discours de victoire de Chavez enfermait cet éventuel
dialogue dans un "socialisme bolivarien du 21e siècle" non négociable,
car le Venezuela "ne reviendra jamais au libéralisme" et maintiendra
"sa principale conquête", consolidée selon Chavez par sa nouvelle
victoire, à savoir "l'indépendance" face à
"l'impérialisme". (Les États-Unis n'en demeurent pas moins
les principaux importateurs de pétrole vénézuélien).
Peut-être bientôt otage, après sa défaite, de courants
de droite au sein de sa coalition, Henrique Capriles, qui se réclame
d'un centre gauche de type brésilien, aurait probablement des difficultés
à maintenir l'unité de la MUD s'il dialoguait dans le cadre
fixé par Chavez.
En promettant au balcon du peuple d'être désormais "chaque jour
un meilleur président", soucieux "d'efficacité", Hugo Chavez
a néanmoins reconnu implicitement que son rival avait frappé
sur un clou sensible en critiquant, pendant la campagne électorale,
un président hanté par "des projets planétaires", mais
qui serait incapable de gérer rationnellement l'eau, l'électricité,
la santé, la sécurité publique, les routes, l'éducation, l'agriculture, etc.
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Henrique Capriles entouré de sympathisants au moment de voter, le
7 octobre 2012 à Caracas. (Photo Guillermo Suarez / Comando Venezuela) |
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"Victoire de l'Amérique du Sud"
Commentant les félicitations envoyées par ses amis ou alliés
de la région, dont le président cubain Raul Castro et la présidente
argentine Cristina Kirchner, Hugo Chavez a dédié sa victoire
tant à l'Amérique latine qu'au peuple du Venezuela.
Les compliments de Mme Kirchner valent le détour. "Ta victoire es
la nôtre, celle de l'Amérique du Sud et des Caraïbes. En
avant Hugo ! En avant le Venezuela ! En avant le Mercosur et l'Unasur !" écrivait-elle
sur son compte Twitter.
"Hugo, tu rapportes toujours les paroles de Bolivar solitaire dans son exil,
lorsqu'il disait 'J'ai l'impression que j'ai labouré
la mer'. Hugo, je veux te dire aujourd'hui que tu as labouré
la terre, tu l'as semée, tu l'as irriguée et aujourd'hui tu
as fait la récolte" ajoutait-elle.
Au-delà des mots, l'Argentine, 3e puissance latino-américaine
(peut-être 4e vu l'essor de la Colombie) entre en fait progressivement
depuis plusieurs années dans la galaxie chaviste, même si en Europe
neuf journaux sur dix jugent ternie l'étoile régionale
du leader de la gauche radicale latino-américaine.
Et son cancer? "Dieu, continue à nous donner vie et santé pour
poursuivre la construction de cette bonne patrie, de cette patrie neuve,
cette patrie bolivarienne, cette patrie socialiste" a imploré Chavez
à la fin de son discours au balcon du peuple. Vivra-t-il jusqu'à
la fin de son nouveau mandat, en 2019? Dans l'immédiat, le (ou la)
vice-président(e) qu'il choisira pour ce prochain sexennat sera scruté(e)
et soupesé(e) par tous les analystes.