CARACAS, mardi 28 juin 2011 (LatinReporters.com) - Cancer de la prostate?
Démentie officiellement, c'est la rumeur la plus insistante. Qu'elle soit fondée ou non, il
est clair que le président vénézuélien Hugo Chavez,
hospitalisé à Cuba, est gravement malade. Cette déduction
découle logiquement de sa longue absence du Venezuela et, involontairement, de déclarations officielles.
Une pleine guérison n'est pas exclue, mais la boîte
de Pandore de la succession s'entrouvre, ce qui ne favorisera pas l'unité
du régime chaviste. Adan Chavez, frère du président, semble tenter de se
positionner comme successeur éventuel.
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Hugo Chavez (centre), le 17 juin 2011 dans sa chambre d'hôpital à
Cuba, entouré des deux frères Castro, Fidel (à gauche)
et Raul. (Photo Estudios Revolucion) |
Le 10 juin, le président vénézuélien,
56 ans, était opéré d'urgence en pleine visite officielle
à Cuba, en principe pour une accumulation pelvienne dans la zone
inférieure de l'abdomen. Depuis, aucun rapport médical n'a
été publié sur son état de santé. Parti
de Caracas le 5 juin pour une tournée Brasilia-Quito-La Havane,
Hugo Chavez est désormais à la fois livré aux médecins
et absent de son pays depuis plus de trois semaines.
Qu'il se soit résigné à célébrer le
24 juin par un simple message envoyé de La Havane sur son compte
Twitter l'anniversaire de la bataille de Carabobo, porte de l'indépendance
effective du Venezuela, en dit long sur l'actuelle faiblesse physique d'un orateur
omniprésent depuis plus de douze ans sur les écrans de télévision
vénézuéliens, plusieurs fois en direct de l'étranger,
y compris de Cuba.
Date test pour l'état de santé de Chavez
Le 5 juillet prochain sera une date test. Si ce jour-là Hugo Chavez
était encore à Cuba ou s'il ne pouvait sortir d'un hôpital
vénézuélien dans lequel il sera peut-être transféré,
son état serait alors probablement jugé très grave,
voire critique. Car, le 5 juillet, le Venezuela fêtera le
200e anniversaire
de la proclamation de son indépendance et accueillera, jusqu'au
lendemain sur l'île Margarita, tous les chefs d'Etat des Amériques,
sauf ceux des Etats-Unis et du Canada, pour le
sommet constitutif de la
Communauté des Etats latino-américains et caribéens
(CELAC).
Conçue parallèlement à l'Organisation des
Etats américains (OEA) qu'elle court-circuitera, la CELAC devrait
tenter de matérialiser l'émancipation de l'Amérique latine
de toute tutelle politique directe ou indirecte des Etats-Unis. "Il s'agit
de l'événement politique le plus important survenu dans notre
Amérique depuis cent ans et même plus" proclamait Hugo Chavez,
le 26 avril dernier à Caracas, lors d'une réunion préparatoire
du sommet. Son éventuelle absence le 5 juillet en serait d'autant
plus alarmante.
Le gouvernement vénézuélien prédit un retour
triomphal du président avant cette date et assimile à une opération
déstabilisatrice de "la droite nationale et internationale" l'alarmisme
sur la santé du leader bolivarien. Néanmoins, dans de récentes
déclarations, deux personnalités officielles qui ont été
au chevet de Hugo Chavez à La Havane ont attesté, probablement
sans le vouloir, de la gravité de son état.
"La bataille qu'est en train de livrer le président Chavez pour sa
santé doit être la bataille de tous, la bataille pour la vie,
pour le futur immédiat de notre patrie" déclarait au soir
du 24 juin à la télévision publique vénézuélienne
le ministre des Affaires étrangères, Nicolas Maduro. Une "bataille
pour la vie" ne pouvant être confondue avec une simple grippe, les
médias internationaux annoncèrent aussitôt que Chavez
luttait pour survivre.
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Photo d'Adan Chavez, frère de Hugo, publiée le 26 juin 2011
à la une de l'hebdomadaire vénézuélien d'opposition
La Razon, qui le présente avec un brin d'ironie comme "le successeur"
du chef de l'Etat. |
Adan Chavez , frère de Hugo, parle de "lutte armée" encore
"indispensable"
Le 26 juin, le frère aîné du président vénézuélien,
Adan Chavez, 58 ans, revendiquait soudain la pérennité de la
légitimité de la lutte armée au service du socialisme
bolivarien, donnant l'impression qu'il doutait d'une nouvelle victoire du
régime, c'est-à-dire de Hugo Chavez qu'empêcherait la
maladie, à l'élection présidentielle de décembre
2012.
S'exprimant lors d'une rencontre d'équipes municipales du Parti socialiste
uni du Venezuela (PSUV, chaviste) dans l'Etat de Barinas dont il
est le gouverneur,
Adan Chavez affirmait, citant le Che Guevara,
qu' "il serait impardonnable de se limiter aux élections et de ne
pas voir les autres méthodes de lutte, y compris la lutte armée.
Elle est l'instrument indispensable pour appliquer et développer le
programme révolutionnaire".
Ramon Guillermo Aveledo, secrétaire exécutif de la MUD
(Table de l'unité démocratique) qui fédère l'opposition,
reprochait aussitôt au grand frère de Hugo de commettre deux
erreurs : "oser se prendre pour Raul [Castro, qui a succédé
à Cuba à son frère Fidel; ndlr] et reconnaître
avec un an et demi d'anticipation la défaite électorale du
PSUV" à la présidentielle de 2012. Sur Twitter, les messages accusant Adan
Chavez de menaces antidémocratiques sont légion.
Pour ses déclarations et pour son retour au premier plan de l'actualité
depuis l'hospitalisation de son frère, Adan Chavez est présenté
par nombre de commentateurs comme revendiquant déjà, par dessus
la tête (consentante?) du vice-président Elias Jaua, la succession du chef
de l'Etat, dont il est censé connaître avec exactitude le diagnostic
médical.
Physicien, professeur d'université et politicien, Adan Chavez fut
ministre de l'Education en 2007 et 2008 et, auparavant, ambassadeur du Venezuela
à Cuba. Ce dernier point n'est pas sans importance, compte tenu de
l'influence autorisée des services secrets castristes à Caracas
et de la nécessité pour la survie économique de Cuba
du maintien du régime chaviste et de son aide pétrolière.
Entrouverte, sous réserve d'un éventuel rétablissement
durable de Hugo Chavez, sa succession va-t-elle devenir, faute d'une préparation
qu'on jugeait prématurée, une boîte de Pandore de laquelle
jailliront pour rivaliser des tendances du PSUV, diverses personnalités
et des factions de l'armée? La
conscience collective soudaine que
le caudillo charismatique de la révolution bolivarienne ne sera pas
éternel est en tout cas la principale conséquence de la
longue hospitalisation de Hugo Chavez.