Argentine: le peso et l'autorité du président Duhalde en chute libreLa décote du peso sur le marché libre atteint en moyenne 41%
Cette évolution déstabilise le nouveau chef de l'Etat, le péroniste Eduardo Duhalde, contesté par la classe moyenne, par la communauté internationale et par le chef de son propre parti, l'ex-président Carlos Menem. Les principaux bureaux de change de Buenos Aires et celui de son aéroport international d'Ezeiza vendaient vendredi le dollar en moyenne à 1,70 peso, soit une dévaluation de 41% de la monnaie argentine sur le marché libre. Le ministre de l'Economie, Jorge Remes Lenicov, a limité en principe à 90 jours la cohabitation du marché libre et du marché officiel des changes. (Sur ce dernier, le dollar se vend à 1,40 peso). Après ce délai, le gouvernement pourrait adopter le flottement généralisé du peso, comme le recommandent le Trésor américain et le Fonds monétaire international (FMI).
Ce nouveau "cacerolazo" visait le blocage confirmé et même accentué de l'épargne bancaire. Selon le calendrier annoncé jeudi par le ministre de l'Economie, les dépôts en dollars (plus de 60% du total de l'épargne) ne seront pas récupérables avant janvier 2003 et le processus de restitution s'échelonnera jusqu'en septembre 2005. En compensation, les titulaires de comptes courants alimentés par le paiement de salaires pourront désormais retirer 1.500 pesos par mois au lieu de 1.000. En décembre, des "cacerolazos" identiques avaient entraîné les démissions successives de deux présidents, le radical Fernando De la Rua et le péroniste Adolfo Rodriguez Saa . A la tête d'un gouvernement qui a confirmé le moratoire de la dette publique (141 milliards de dollars aujourd'hui), le président Eduardo Duhalde doit donc naviguer lui aussi entre une colère populaire souvent violente et le risque d'un crash bancaire généralisé. Les autorités reconnaissent en effet que si le "corralito" ("petit enclos", nom donné au blocage des comptes bancaires) était levé brusquement, nombre de banques s'effondreraient. Eduardo Duhalde affirme redouter "un bain de sang". Cette dramatisation lui donne l'avantage d'apparaître comme le président de la dernière chance. Mais il conserve trois faiblesses: d'abord sa longue participation au pouvoir national et provincial qui a créé le chaos actuel, puis sa désignation par le parlement et non par le peuple et, enfin, la conviction de la communauté internationale (Etats-Unis, Union européenne et FMI) que son national-populisme économique qui frappe durement les intérêts étrangers n'est pas crédible. En outre, aspirant à revenir au pouvoir lors l'élection de décembre 2003, l'ex-président Carlos Menem, toujours chef du parti Justicialiste (péroniste), tire à boulets rouges sur son frère ennemi qu'est depuis longtemps Eduardo Duhalde. Il le traite "d'inepte" pour avoir brisé la dollarisation de l'économie et décrété une dévaluation du peso que Carlos Menem considère comme "une grave erreur stratégique" qui accentuera la misère et le discrédit international. Au-delà de joutes verbales, malgré son âge (71 ans) et le parfum de corruption qui avait enrobé ses deux présidences successives (de 1989 à 1999), Carlos Menem tente de devenir le rassembleur des mécontents, qui constituent certainement aujourd'hui la majorité des Argentins.
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