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Adolfo Rodriguez Saa jette l'éponge comme Fernando De la Rua

Argentine: démocratie menacée par deux démissions présidentielles en dix jours

 
Adolfo Rodriguez Saa (à gauche)
et Fernando De la Rua
© Gobierno de San Luis
© Presidencia de la Republica
BUENOS AIRES, lundi 31 décembre 2001 (latinreporters.com) - Economique et sociale, la crise argentine est aussi une crise aiguë de la démocratie après la démission de deux présidents de la République en dix jours.

Successeur intérimaire du radical Fernando De la Rua, chassé le 20 décembre par les émeutes de la faim, le péroniste Adolfo Rodriguez Saa jetait l'éponge dimanche soir, accusant dans un dernier message télévisé à la nation ses compagnons de parti de l'avoir torpillé.

Les deux grands partis historiques argentins, le radical et le péroniste (appelé aussi justicialiste), ont ainsi démontré en moins de deux semaines qu'ils ne sont pas des alternatives crédibles de pouvoir.

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Le président du sénat argentin, Ramon Puerta, qui devait en principe assurer à nouveau l'intérim à la tête de l'Etat, a accentué le vide de pouvoir en démissionnant peu après Adolfo Rodriguez Saa. Conformément à la Constitution, c'est le président de la Chambre, Eduardo Camano, qui prend la relève jusqu'à la désignation du successeur d'Adolfo Rodriguez Saa lors d'une assemblée législative convoquée pour le mardi 1er janvier.

L'Argentine entrera dans l'an 2002 sans gouvernement, tous les ministres d'Adolfo Rodriguez Saa ayant démissionné samedi après de nouvelles manifestations, à Buenos Aires, de dizaines de milliers d'Argentins protestant contre le blocage partiel des comptes bancaires et la nomination dans l'équipe d'Adolfo Rodriguez Saa de politiciens ayant fait l'objet dans le passé d'accusations de corruption.

Lors de ces manifestations, les symboles du pouvoir politique avaient été visés. Le palais présidentiel, la Casa Rosada, fut attaqué. Ses portes résistèrent. Le parlement, lui, fut partiellement saccagé. Des manifestants y incendièrent tentures et mobilier.

Eduardo Dualde, 5e président en moins de deux semaines?

Lorsque la situation institutionnelle sera à nouveau normalisée, mardi ou mercredi, l'Argentine aura battu un record universel en voyant défiler cinq personnalités différentes à la tête de l'Etat en deux semaines: Fernando de la Rua, Ramon Puerta, Adolfo Rodriguez Saa, Eduardo Camano et le successeur d'Adolfo Rodriguez Saa.

Ce successeur pourrait être le sénateur Eduardo Dualde, poids lourd du péronisme qui fut vice-président de la République et gouverneur de la province de Buenos Aires.

L'actuel échec des péronistes, minés par des luttes fratricides, permet à l'ex-président radical Fernando de la Rua de réapparaître sur la scène politique en réclamant "l'union nationale dans les heures graves que vit la République" argentine.

L'actuel gouverneur péroniste de la province de Buenos Aires, le puissant Carlos Ruckauf, va dans le même sens en réclamant un "gouvernement de salut national". Les deux grands partis argentins pourraient donc s'entendre pour éviter la décomposition totale du pouvoir politique, d'autant plus que les radicaux accepteraient d'appuyer une candidature présidentielle du sénateur Dualde.

Ce dernier avertissait dramatiquement, samedi, d'un "risque de guerre civile". Des journalistes argentins posent par ailleurs aux sociologues qu'ils interviewent l'inquiétante question "Et l'armée?". Aucun danger de ce côté répondent toutefois les analystes politiques.

Un sondage Gallup publié dimanche à Buenos Aires par le journal de gauche "Pagina 12" indique que 85% des Argentins sont mécontents de leurs institutions démocratiques. Toutefois, se souvenant d'une dictature militaire cruelle (1976-1983), 57% des Argentins préfèrent tout de même la démocratie à tout autre type de gouvernement.

Au-delà des graves difficultés économiques et sociales, conserver cette majorité sociologique en faveur de la démocratie est probablement aujourd'hui le principal défi à relever par un pouvoir politique en déliquescence.

Tant l'ex- président radical Fernando de la Rua que le déjà ex-président péroniste Adolfo Rodriguez Saa ont succombé non seulement au manque d'appui de leur propre parti respectif, mais surtout à la colère de la classe moyenne, vexée et dépossédée par le blocage partiel des comptes bancaires. Depuis le 3 décembre, les Argentins ne peuvent retirer en liquide de leur compte que mille dollars ou pesos par mois. Les autorités reconnaissent que les banques ne pourraient plus honorer des retraits massifs.

Ce gel partiel des comptes et des opérations de change a rompu la chaîne des paiements. Des salaires ne sont plus versés. Le chiffre d'affaires du commerce de détail a baissé de 60% depuis le début décembre. Les produits importés, notamment certains médicaments, sont devenus rares et chers.

Pour ranimer l'économie, Adolfo Rodriguez Saa avait déclaré le moratoire de la dette publique extérieure argentine, la plus importante du monde. Il voulait aussi lancer une monnaie non convertible, l'argentino, qui aurait cohabité avec le dollar et le peso et permis une dévaluation en douceur de ce dernier. Une dévaluation brutale du peso aurait ruiné des milliers de familles et d'entreprises endettées en dollars mais rémunérées en pesos.

Après la chute d'Adolfo Rodriguez Saa, l'Argentine démunie confirmera sans doute le moratoire de sa dette. Par contre, l'argentino sera probablement enterré, ses effets inflationnistes effrayant nombre d'Argentins et d'investisseurs étrangers. Une dévaluation du peso ou une dollarisation accentuée de l'économie ou encore un mélange des deux pourraient redevenir d'actualité.

Quant à l'élection présidentielle anticipée prévue pour le 3 mars prochain, l'assemblée législative qui se réunira demain devrait soit la confirmer, soit en modifier la date, soit l'annuler au profit de la désignation d'un président provisoire qui gouvernerait jusqu'en décembre 2003, échéance normale du mandat présidentiel qui avait été confié par les électeurs en décembre 1999 à Fernando De la Rua.

Cette dernière solution semblait lundi soir la plus probable.


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