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Sommet de l'Union des nations sud-américaines (Unasur)
Bolivie / crise - Lula endigue Chavez: l'Unasur soutient Morales, mais le prie de dialoguer
L'Amérique du Sud débat de ses problèmes sans les Etats-Unis
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En marge du sommet de l'Unasur, émotion lors
de la visite du salon "Presidente Allende" au palais présidentiel
chilien de La Moneda. De gauche à droite, les président(e)s
Michelle Bachelet (Chili), Tabaré Vazquez (Uruguay), Cristina Fernandez de Kirchner
(Argentine), Luiz Inacio Lula da Silva (Brésil), Fernando Lugo (Paraguay)
et Evo Morales (Bolivie) - Photo José Manuel de la Maza / Gobierno de Chile |
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SANTIAGO DU CHILI, mardi 16 septembre 2008 (LatinReporters.com) - Dédié
le 15 septembre à la crise en Bolivie, le sommet extraordinaire de
l'Union des nations sud-américaines (Unasur) s'est conclu à
Santiago du Chili par un net appui politique au président socialiste
bolivien Evo Morales, prié cependant de dialoguer avec ses adversaires.
La forte influence modératrice du président du Brésil,
Luiz Inacio Lula da Silva, a endigué le radicalisme de son homologue
vénézuélien Hugo Chavez. La déclaration finale du sommet
ne condamne pas Washington. Mais que les 12 pays d'Amérique du Sud aient pu
débattre entre eux d'un dossier brûlant de leur sous-continent sans asseoir les Etats-Unis
à leur table est considéré en soi comme un succès collectif.
Le ministre des Relations extérieures du Chili, Alejandro Foxley,
révélait mardi au Canal 13 de la télévision chilienne
avoir craint l'échec du sommet à cause de l'exigence de Hugo
Chavez d'inclure dans la déclaration finale une condamnation de la
supposée intervention des Etats-Unis pour déstabiliser la Bolivie.
"Le ton [de Chavez] ne me paraissait pas propice à un accord. Heureusement,
les autres [participants au sommet] ne l'ont pas suivi" a noté le
ministre Foxley.
Parmi les douze pays représentés au sommet, neuf l'étaient
par leur chef d'Etat (Argentine, Bolivie, Brésil, Chili,
Colombie, Equateur, Paraguay, Uruguay et Venezuela),
un par son ministre des Affaires étrangères (Pérou)
et deux par des ambassadeurs (Guyana et Surinam). A l'exception de la seule
Colombie, tous ces pays sont gouvernés par la gauche, modérée
ou radicale.
Hugo Chavez était devenu -et est toujours- l'un des éléments
de la crise bolivienne, l'attisant avant le sommet de Santiago en menaçant
d'intervenir militairement, de faire de la Bolivie "un nouveau Vietnam" si
Evo Morales était écarté ou assassiné. Le président
vénézuélien avait aussi critiqué publiquement
le haut commandement militaire bolivien, trop complaisant à ses yeux
à l'égard des cinq départements en révolte ouverte
contre le socialisme centralisateur et l'indigénisme exacerbé
qu'ils prêtent à Evo Morales et à son projet de nouvelle
Constitution.
Deux de ces cinq départements, ceux de Tarija et de Santa Cruz, renferment
dans leur sous-sol la quasi totalité des hydrocarbures boliviens et
fournissent par gazoduc à l'Etat de Sao Paulo, poumon industriel du
Brésil voisin, 60% de sa consommation de gaz.
Ni la présidente socialiste du Chili, Michelle Bachelet, qui est aussi
présidente en exercice de l'Unasur, ni surtout le président
socialiste brésilien Lula da Silva, principal promoteur de cet organisme
sous-continental né le 23 mai dernier à Brasilia, ne voulaient
faire du premier sommet extraordinaire de l'Unasur une tribune du populisme
radical qui utilise les Etats-Unis comme bouc émissaire des problèmes
et erreurs des gouvernements de la région. Que Lula ait obtenu raison
confirme la montée en puissance de la diplomatie brésilienne,
dont l'Unasur est à la fois le reflet et l'instrument.
La brève Déclaration de La Moneda
(du nom du palais présidentiel
chilien) qui a clôturé le sommet ignore totalement les Etats-Unis
et son rappel générique de l'un des principes de l'Unasur,
la "non ingérence dans les affaires intérieures", vise
peut-être dans les circonstances actuelles plus Caracas que Washington.
Que les mots utilisés permettent à Chavez et à ses alliés
radicaux d'y lire le contraire relève de l'art de la diplomatie.
Un "appui entier et décidé au gouvernement constitutionnel
du président Evo Morales" est fermement exprimé dans ce document
final. Le texte prévient que les gouvernements des pays de l'Unasur
"rejettent énergiquement et ne reconnaîtront pas toute situation
impliquant une tentative de putsch civil, la rupture de l'ordre institutionnel
ou compromettant l'intégrité territoriale de la République
de Bolivie".
Une commission de l'Unasur enquêtera sur le massacre commis la semaine
dernière dans le département de Pando. La déclaration
finale évite d'en désigner les responsables, alors que le gouvernement
bolivien l'attribue à ses opposants dans cette région.
Comme "condition à l'ouverture d'un processus de dialogue", les autorités
des départements boliviens contestataires sont priées de restituer
les installations gouvernementales dont elles ont pris le contrôle.
La Déclaration de la Moneda précise qu'une commission de l'Unasur
sera créée pour "accompagner les travaux de la table
de dialogue conduite par le gouvernement légitime de la Bolivie".
Si Evo Morales est conforté politiquement par la réaffirmation
collective de sa légitimité, il se voit néanmoins ainsi
acculé par ses pairs à un dialogue réel et non seulement
apparent avec des adversaires qu'il accusait encore
samedi dernier de tentative "de coup d'Etat fasciste et raciste". Le président
bolivien appelait même alors ses partisans à "mourir pour la
patrie" plutôt qu'à céder. C'est précisément
cette voie de l'écrasement de l'adversaire, encouragée
par Hugo Chavez, que le sommet de l'Unasur vient donc de fermer, du moins
dans sa déclaration finale.
Hugo Chavez et Evo Morales crient néanmoins victoire en soulignant
une réalité applaudie aussi par les autres participants
au sommet: l'Amérique du Sud traite désormais de ses problèmes,
en tout cas celui de la crise bolivienne, sans la tutelle des Etats-Unis.
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