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Les plus grandes manifestations depuis 20 ans; Mondial-2014 visé
Le Brésil secoué par les fils rebelles de Lula et Dilma
 


 
Manifestation du 17 juin 2013 à Rio de Janeiro. "Nous faisons tous partie de cette lutte" dit le calicot. (Photo Tomaz Silva / ABr)

Mercredi 19 juin 2013 ( LatinReporters.com / AFP ) - Contre le coût du Mondial-2014 de football (15 milliards de dollars), contre l'insuffisance des services de santé, d'éducation et de transport, contre aussi la classe politique et sa corruption, les plus grandes manifestations depuis vingt ans secouent le Brésil. Elles mobilisent des rebelles et indignés d'autant plus inattendus qu'ils sont les fils d'une décennie d'essor social, économique et diplomatique sans précédent présidée successivement par Luiz Inacio Lula da Silva et sa dauphine Dilma Rousseff.

La plupart des 250.000 manifestants qui défilaient lundi soir à Rio de Janeiro, Sao Paulo, Brasilia, Porto Alegre, Fortaleza, Salvador, Belem, Belo Horizonte, etc. devaient avoir un peu plus ou un peu moins de dix ans lorsqu'en 2002 l'ex-ouvrier métallurgiste Lula da Silva fut élu président et propulsé au rang d'icône de la gauche latino-américaine. Depuis, près de 40 millions des 195 millions de Brésiliens ont gravi l'échelle sociale et grossi la classe moyenne. Nombre de leurs enfants sont entrés au collège, à l'université et dans l'ère digitale. Ce sont notamment eux, convoqués via Facebook, qui protestent aujourd'hui dans la rue.

Ils brandissaient leurs calicots le 14 juin à Sao Paulo contre l'augmentation du prix du ticket de bus. Ce jour-là, une répression policière disproportionnée, filmée par les manifestants qui en propagèrent les images sur Internet, eut pour double effet immédiat une solidarité étendue à l'ensemble du pays et une large politisation, quoiqu'en marge des partis, des cibles des protestations. Et cela en pleine Coupe des Confédérations, banc d'essai du Mondial de l'an prochain, auquel succéderont les Jeux olympiques de Rio en 2016.

"Manifestations propres à la démocratie"

Quelque 50.000 Brésiliens ont de nouveau manifesté mardi soir à Sao Paulo, où la présidente Dilma Rousseff s'est entretenue lors d'un voyage éclair avec son mentor politique, l'ex-président Lula. Dans une trentaine de villes plus petites, des manifestations avaient lieu également, comme à Sao Gonçalo près de Rio avec 5000 personnes, ou à Juazeiro do Norte (nord-est) où 8000 manifestants empêchèrent le maire de la ville de sortir d'une agence bancaire, mais aussi à Manaus et Florianopolis.

La présidente Dilma Rousseff promettait mardi matin à Brasilia qu'elle prêterait une "écoute" attentive aux aspirations des manifestants. Lundi, elle avait affirmé que "les manifestations pacifiques sont légitimes et propres à la démocratie". Le pouvoir veut donc éviter l'amalgame entre l'immense majorité pacifique des indignés et les groupuscules de casseurs qui ont sévi surtout à Rio et Sao Paulo, offrant aux photographes et aux télévisions des images incendiaires peu représentatives de la globalité du mouvement.

Les mobilisations populaires actuelles sont les plus grosses depuis celles dirigées en 1992 contre la corruption du gouvernement de l'ex-président Fernando Collor de Mello. Mais elles sont relativement moins importantes que celles des indignés espagnols. Ceux-ci réunirent plusieurs fois, en 2011 et 2012, autant de manifestants que lundi au Brésil dans une Espagne qui compte quatre fois moins d'habitants.

Manifestation du 17 juin 2013 à Rio de Janeiro. (Photo Tomaz Silva / ABr)

Rien n'a filtré de l'entretien de Mme Rousseff avec l'ancien président Lula, auquel, selon le site de la Folha de Sao Paulo, aurait également participé le maire de cette mégapole, Fernando Haddad, lui aussi membre du Parti des travailleurs (PT au pouvoir). La réunion portait sur les moyens de faire marche arrière en abaissant le prix des transports publics, selon la Folha.

Porto Alegre, Recife et d'autres villes brésiliennes ont déjà annoncé mardi des réductions des prix des transports publics, dont la hausse est à l'origine de la fronde actuelle, née à Sao Paulo et qui s'est étendue comme une traînée de poudre à l'ensemble du pays.

Nouvelle classe sociale plus exigeante

Avec l'essor économique et social du Brésil, qui s'est hissé au rang de septième puissance économique mondiale au cours de la dernière décennie, "ont surgi des citoyens qui réclament plus et ont droit à plus", avait analysé mardi matin Dilma Rousseff.

Mais des experts critiquaient le soir à la télévision Globo News la lenteur des autorités à réagir. "Le gouvernement ne sait pas quoi dire, n'a pas de Plan B", a déclaré l'un d'eux. "Les manifestations s'organisent très vite et de façon suivie et on ne sait pas quand cela prendra fin parce qu'il n'y a pas d'organisateurs définis", selon ces experts.

"Il y a un profond changement social en toile de fond, marqué par l'ascension d'une nouvelle classe sociale", a expliqué l'économiste André Perfeito.

"De grandes parties de la population, principalement urbaine, sont mécontentes de l'état pitoyable des transports collectifs, du système de santé désastreux et de la grande violence, une situation compensée pendant des années par une amélioration des salaires et de l'emploi" qui atteint ses limites, a affirmé à l'AFP Ricardo Antunes, sociologue à l'Université de Campinas. La Coupe du monde a selon lui servi de vecteur à l'expression de cette indignation, "avec ces stades monumentaux qui ont coûté des sommes faramineuses".

La journée de jeudi sera sensible, avec des marches prévues dans plusieurs villes du pays, notamment à Rio, où elle coïncidera avec le match Espagne-Tahiti comptant pour la Coupe des Confédérations qui se dispute jusqu'au 30 juin.

Des joueurs de la "Seleçao" brésilienne, Dani Alves, Hulk et David Luiz, ont exprimé leur solidarité avec "le peuple".


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