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Malgré la réduction du prix de transports publics
Brésil: la fronde s'amplifie, près d'un million de manifestants dans 80 villes
 


 
Manifestant d'un groupe minoritaire violent, le 20 juin 2013 à Brasilia. (Photo Fabio Rodrigues Pozzebom / ABr)

RIO DE JANEIRO, vendredi 21 juin 2013 (LatinReporters.com) - Près d'un million de Brésiliens, selon des relevés préliminaires de police, ont manifesté jeudi dans quelque 80 villes, amplifiant considérablement la fronde surgie voici une dizaine de jours contre des hausses de prix de transports publics. L'annulation cette semaine de la plupart de ces hausses n'a pas démobilisé les contestataires, qui ont multiplié leurs revendications, en marge des partis politiques qu'ils jugent corrompus.

Rassemblant 300.000 personnes, la principale manifestation de jeudi fut celle de Rio de Janeiro, suivie par celles de Sao Paulo (110.000), Vitoria (100.000), Recife (52.000), Brasilia (30.000), Manaus (30.000), Cuiaba (30.000), Aracaje (20.000), etc.

Convoqués via les réseaux sociaux de l'Internet, notamment et surtout par le Movimento Passe Livre - Mouvement Libre Passage (qui revendique la gratuité des transports) -, les jeunes et parfois moins jeunes protestataires réclamaient un "respect" passant par l'amélioration des services publics de transport, de santé et d'éducation. Dans ce contexte de nécessité sociale, ils ont à nouveau dénoncé la corruption et les 14 milliards de dollars investis par le Brésil dans les stades et la préparation du Mondial-2014 de football.

Un premier mort et les heurts déjà habituels entre la police et des groupes très minoritaires de casseurs, désavoués par la majorité des manifestants, ont entaché le caractère pacifique des manifestations.

"Un véhicule a renversé un groupe de trois personnes et l'une est décédée", dans la ville de Ribeirao Preto, à 330 km de Sao Paulo, a indiqué la police militaire sur son compte Twitter. D'après la presse locale, le véhicule a tenté de doubler un groupe de manifestants qui bloquaient une rue et a renversé trois personnes.

À Brasilia, des groupes violents paraissaient vouloir envahir le Congrès national (Parlement) et le ministère des Affaires étrangères, dont plus d'une vingtaine de vitres ont été brisées. Des objets enflammés ont été lancés dans le ministère, mais les flammes furent rapidement contrôlées.

À Rio de Janeiro, où les plus agressifs prétendaient pénétrer dans la mairie, les affrontements avec la police ont fait une quarantaine de blessés. Au stade Maracana de Rio, des calicots de soutien aux manifestants étaient visibles lors du match Espagne-Tahiti (10-0) pour la Coupe des Confédérations. Sur l'un d'eux était écrit, en anglais, "On n'a pas besoin de la Coupe du monde".

Des heurts se produisirent dans plusieurs autres villes, dont Fortaleza, Salvador, Campinas, Belen et Vitoria.

Désarroi de la présidente Dilma Rousseff et du PT gouvernemental

À Sao Paulo, des moments de tension surgirent entre manifestants, quasi unanimement critiques du système politique, et militants de partis de gauche qui prétendaient déployer drapeaux et calicots dans la manifestation. Des membres du Parti des travailleurs, le PT gouvernemental, ont été invectivés et leur drapeau brûlé. Cet incident illustre le désarroi de la présidente Dilma Rousseff et de son PT, qui a cru judicieux d'appeler ses militants à soutenir les protestations, les plus amples vues au Brésil depuis vingt ans.

Le président du PT, Rui Falcao, va jusqu'à "répudier la violence policière qui a réprimé les mouvements sociaux en de nombreux endroits du pays". Selon lui, "l'insatisfaction de la jeunesse à propos des institutions et des partis politiques révèle la nécessité d'une large réforme des systèmes politique et électoral".

L'heure est donc à la tentative de récupération de la fronde par le PT gouvernemental. Ce parti est d'autant plus décontenancé qu'il s'est toujours présenté comme le défenseur et le porte-parole naturel du peuple brésilien. Il est vrai que son aile radicale s'est plusieurs fois montrée, ces dernières années, insatisfaite du réformisme gouvernemental de centre gauche découlant d'une coalition arithmétiquement nécessaire avec le centre droit.

La présidente Dilma Rousseff a annulé la voyage officiel qu'elle devait effectuer la semaine prochaine au Japon. Lundi, elle avait qualifié les manifestations de "légitimes et propres à la démocratie". Ce vendredi, elle étudiera avec son ministre de la Justice, José Eduardo Cardozo, et peut-être d'autres membres du gouvernement, comment désamorcer la crise soudaine.

Inattendue malgré un ralentissement de la croissance, la fronde secoue le Brésil à un mois de la visite du pape François pour les Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) à Rio et à un an du Mondial de football, censé paver le chemin de la réélection de Dilma Rousseff à la présidentielle d'octobre 2014 et des Jeux Olympiques de Rio en 2016.

Le rêve de glorieuse culmination d'une décennie d'essor social, économique et diplomatique sans précédent au Brésil va-t-il se transformer en cauchemar ? Le talent démocratique de Dilma Rousseff et de son mentor et prédécesseur, l'ex-président Lula da Silva, les porte à écouter la rue. Le problème est que la fronde n'a pas de meneur identifié, ni a fortiori de négociateur, et n'en veut peut-être pas.


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