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La présidente tend la main aux manifestants non-violents
Brésil-crise sociale: Dilma Rousseff offre le dialogue (message intégral)
 


 
La présidente Dilma Rousseff s'adressant à la nation brésilienne le 21 juin 2013, au lendemain de manifestations historiques. (10 minutes en portugais; traduction intégrale en français ci-dessous)

BRASILIA, dimanche 23 juin 2013 (LatinReporters.com) - Tendant la main et offrant le dialogue, la présidente du Brésil, Dilma Rousseff, a promis vendredi de promouvoir un grand pacte pour l'amélioration des services publics et de faire beaucoup plus pour lutter contre la corruption, dans une allocution radio-télévisée à la nation au lendemain de manifestations historiques.

Mme Rousseff a également affirmé qu'elle ne laisserait pas une minorité entacher un mouvement démocratique et pacifique en se référant aux pillages et saccages commis jeudi en marge des manifestations qui ont réuni 1,2 million de personnes dans le pays.

La présidente a insisté sur sa volonté de développer "de meilleurs transports publics à des tarifs justes", la santé et l'éducation, en faveur de laquelle elle souhaite consacrer 100 % des recettes pétrolières du pays. Un projet paralysé par de forts blocages politiques.

La présidente a par ailleurs annoncé qu'elle allait recevoir "les leaders des manifestations pacifiques, les représentants des organisations de jeunes, des syndicats, des mouvements de travailleurs, des associations populaires. Nous avons besoin de leurs contributions, idées et expériences, de leur énergie et créativité, de leur pari sur l'avenir et de leur capacité à contester les erreurs du passé et du présent".

Mme Rousseff a aussi défendu l'organisation par le Brésil de la Coupe du monde de football de 2014, l'un des points centraux de la fronde sociale à cause de son coût, 14 milliards de dollars selon le gouvernement, jugé exorbitant par les manifestants.

Le talent démocratique de Dilma Rousseff est reflété par l'humilité de son message. Elle reconnaît les déficiences décriées par des manifestations qui "montrent la force de notre démocratie".

En Espagne par contre, le mouvement des indignés, dans le fil duquel pourrait s'inscrire la fronde sociale brésilienne, a été qualifié d'"antisystème", de "terroriste" et de "fasciste" par le Parti populaire (PP, droite gouvernementale) du président du gouvernement, Mariano Rajoy, et par les médias qui en sont proches.

Contrairement à Dilma Rousseff et à son Parti des travailleurs, le parti gouvernemental espagnol hésite à faire la distinction entre la majorité pacifique des contestataires et la minorité violente qui s'immisce dans la plupart des manifestations.



Texte intégral de l'allocution à la nation de la présidente Dilma Rousseff, radio-télévisée au soir du 21 juin 2013

(Traduction LatinReporters.com. Texte original en portugais sur le site de la présidence du Brésil)

Chères amies et chers amis,

Nous tous, Brésiliennes et Brésiliens, suivons avec grande attention les manifestations qui ont eu lieu dans le pays. Elles montrent la force de notre démocratie et le désir de la jeunesse de faire progresser le Brésil.

Si nous mettons bien à profit l'impulsion de cette nouvelle énergie politique, nous pourrons faire, mieux et plus vite, beaucoup de choses que le Brésil n'est toujours pas parvenu à réaliser à cause de limitations politiques et économiques. Mais si nous permettons à la violence de nous faire perdre notre chemin, non seulement nous dilapiderons une occasion historique, mais aussi nous courrons le risque de perdre beaucoup de choses.

En tant que présidente, j'ai l'obligation tant d'écouter la voix de la rue que de dialoguer avec tous les secteurs, mais dans le cadre de la primauté de la loi et de l'ordre, indispensables à la démocratie.

Le Brésil a lutté durement pour devenir un pays démocratique. Et il se bat aussi beaucoup pour devenir un pays plus juste. Ce ne fut pas facile d'arriver là où nous sommes, de même qu'il n'est pas facile d'arriver là où le souhaitent beaucoup de ceux qui sont descendus dans les rues. Nous y arriverons si nous renforçons la démocratie, le pouvoir des citoyens et les pouvoirs de la République.

Les manifestants ont le droit et la liberté de remettre en question et de critiquer tout, de proposer et d'exiger des changements, de se battre pour une meilleure qualité de vie, de défendre avec passion leurs idées et propositions, mais ils doivent le faire de manière pacifique et ordonnée.

Le gouvernement et la société ne peuvent pas accepter qu'une minorité violente et autoritaire détruise le patrimoine public et privé, attaque des temples, incendie des voitures, lance des pierres sur des autobus et tente de semer le chaos dans nos principaux centres urbains. Cette violence, promue par une petite minorité, ne peut pas entacher un mouvement pacifique et démocratique. Nous ne pouvons pas coexister avec cette violence qui fait honte au Brésil. Toutes les institutions et les corps de sécurité publique ont le devoir de contenir, dans les limites de la loi, toute forme de violence et de vandalisme.

Avec équilibre et sérénité, mais fermement, nous continuerons à garantir les droits et la liberté de tous. De vive voix, je vous assure que nous allons maintenir l'ordre.

Brésiliennes et Brésiliens,

Les manifestations de cette semaine ont apporté des enseignements importants. Les tarifs [des transports publics] ont baissé et les revendications des manifestants ont gagné le rang de priorité nationale. Nous devons exploiter la force de ces manifestations pour produire plus de changements, des changements qui profitent à l'ensemble de la population brésilienne.

Ma génération a beaucoup lutté pour que la voix de la rue se fasse entendre. Beaucoup ont été persécutés, torturés et sont morts pour cela. La voix de la rue doit être écoutée et respectée, et elle ne peut pas être confondue avec le bruit et la brutalité de certains fauteurs de troubles.

Je suis la présidente de tous les Brésiliens, de ceux qui manifestent et de ceux qui ne manifestent pas. Le message direct de la rue est pacifique et démocratique.

Il revendique une lutte systématique contre la corruption et le détournement de fonds publics. Tous me connaissent. Je n'y renonce pas.

Ce message [de la rue] exige une meilleure qualité des services publics, des écoles de qualité, des soins de santé de qualité, de meilleurs transports publics à des tarifs justes, plus de sécurité. Il veut plus. Et pour donner plus, les institutions et les gouvernements doivent changer.

Je vais m'entretenir, les jours prochains, avec les dirigeants des autres pouvoirs afin que nous unissions nos efforts. Je vais inviter les gouverneurs et les maires des principales villes du pays à faire un grand pacte pour l'amélioration des services publics.

L'accent sera mis, primo sur l'élaboration du Plan national de mobilité urbaine privilégiant les transports en commun, secundo sur l'attribution à l'éducation de cent pour cent des revenus du pétrole, tertio sur des milliers de médecins qu'on fera venir immédiatement de l'extérieur pour développer le Système unique de santé, le SUS.

J'annonce que je recevrai les leaders des manifestations pacifiques, les représentants des organisations de jeunes, des syndicats, des mouvements de travailleurs, des associations populaires. Nous avons besoin de leurs contributions, idées et expériences, de leur énergie et créativité, de leur pari sur l'avenir et de leur capacité à contester les erreurs du passé et du présent.

Brésiliennes et Brésiliens,

Nous devons oxygéner notre système politique, trouver des mécanismes qui rendent nos institutions plus transparentes, plus résistantes aux méfaits et, surtout, plus perméables à l'influence de la société. Ce sont les citoyens, et non le pouvoir économique, qui doivent être écoutés en premier lieu.

Je veux contribuer à la réalisation d'une réforme politique large et profonde, qui élargisse la participation populaire. C'est une erreur de penser qu'un pays peut se passer de partis et, surtout, du vote populaire, base de tout processus démocratique. Nous devons faire un effort pour que le citoyen dispose de mécanismes de contrôle les plus complets sur ses représentants.

Nous avons besoin de beaucoup, et même davantage, de moyens plus efficaces pour combattre la corruption. La Loi sur l'accès à l'information, adoptée par mon gouvernement, devrait être élargie à tous les pouvoirs de la République et aux instances fédératives. C'est pour le citoyen un instrument puissant de surveillance de l'utilisation correcte des deniers publics. Par ailleurs, le meilleur moyen de lutter contre la corruption est la transparence et la rigueur.

Quant à la Coupe [du Monde de 2014], je veux clarifier que l'argent dépensé par le gouvernement fédéral pour les stades provient d'un financement qui sera dûment remboursé par les entreprises et les gouvernements [des États fédérés brésiliens] qui exploiteront ces stades. Je ne permettrai jamais que cet argent soit soustrait du budget public fédéral au détriment de secteurs prioritaires tels que la santé et l'éducation.

En fait, nous avons augmenté substantiellement les dépenses de santé et d'éducation et nous les augmenterons chaque fois plus. J'espère que le Congrès national [Parlement] approuvera le projet prévoyant que toutes les royalties du pétrole soient consacrées exclusivement à l'éducation.

Je ne peux omettre de mentionner un sujet très important relatif à notre âme et à notre façon d'être. Le Brésil, unique pays ayant participé à toutes les Coupes [du monde], cinq fois champion du monde, a toujours été très bien reçu partout. Nous devons donner à nos peuples frères le même accueil chaleureux que nous avons reçu chez eux. Avec respect, tendresse et joie, c'est ainsi que nous devons traiter nos hôtes. Le football et le sport sont des symboles de paix et de coexistence pacifique entre les peuples. Le Brésil mérite et fera une grande Coupe [du Monde].

Chères amies et chers amis,

Je tiens à réitérer que mon gouvernement écoute les voix démocratiques qui réclament un changement. Je veux dire aux voix qui s'exprimaient pacifiquement dans la rue que je les entends. Et je ne vais pas faire de compromis avec la violence et les émeutes.

Ce sera toujours dans la paix, la liberté et la démocratie que nous continuerons à construire ensemble ce grand pays qui est le nôtre.

Bonsoir !


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Très jeunes manifestants le 22 juin 2013 à Brasilia (Wilson Dias / ABr)
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RIO DE JANEIRO, dimanche 23 juin 2013 (avec AFP) - Des dizaines de milliers de Brésiliens ont de nouveau manifesté samedi dans plus de 100 villes du pays, malgré la main tendue par la présidente Dilma Rousseff. Elle avait promis la veille de s'atteler à l'amélioration des services publics, en particulier des transports.

Quelque 75% des Brésiliens soutiennent le mouvement historique de protestations, selon le premier sondage, publié samedi, sur la crise qui secoue le géant d'Amérique latine depuis bientôt deux semaines.

Les promesses de la présidente de gauche ont été accueillies avec scepticisme sur les réseaux sociaux, par les jeunes généralement issus de la classe moyenne qui animent ce mouvement très hostile aux institutions.

À Belo Horizonte (sud-est), la troisième ville du pays, 70 000 personnes ont manifesté en marge du match Japon-Mexique (1-2) de la Coupe des Confédérations.

La police a tiré des gaz lacrymogènes sur des manifestants qui voulaient forcer le périmètre de sécurité autour du stade et ont jeté des pierres sur les forces de l'ordre.

Quinze personnes ont été blessées, dont quatre policiers, et deux manifestants tombés d'un viaduc qui sont dans un état grave, selon la police. «Nous sommes contre le Mondial parce qu'il masque les problèmes du pays», a déclaré à l'AFP Leonardo de Melo, un musicien de 23 ans lors de cette manifestation.

Plus tard, il y a eu des pillages de boutiques et d'un concessionnaire automobile dans le quartier de Pampulha et un véhicule a été incendié près de l'aéroport. La police a annoncé l'arrestation de 22 personnes pour vandalisme.

Au stade de Salvador de Bahia (nord-est), des dizaines de partisans disséminés dans les tribunes ont brandi à bout de bras avant les hymnes du match Brésil-Italie (4-2) des pancartes où l'on pouvait lire: «Descendons dans la rue pour changer le Brésil», ou encore: «Ce n'est pas contre la sélection, c'est contre la corruption».

Dans les rues de Salvador, quelques centaines de personnes seulement, bien moins que prévu, ont manifesté, selon un journaliste de l'AFP sur place. Mais des abribus ont été détruits par des vandales.

À Sao Paulo, mégapole et poumon économique du pays, 35 000 personnes ont protesté dans une ambiance familiale, la plupart contre un projet de réforme constitutionnelle (PEC37) prévoyant de retirer le pouvoir d'enquêter aux parquets, souvent perçus dans le pays comme des acteurs efficaces contre la corruption.

À Santa Maria (sud), une ville où l'incendie d'une discothèque avait tué 242 jeunes en janvier, 30 000 personnes ont défilé.

Enfin dans le quartier ultra-chic de Leblon à Rio, une quarantaine de manifestants ont protesté pacifiquement devant le domicile du gouverneur Sergio Cabral. Certains y ont planté des tentes dans l'intention d'y camper, imitant les «Indignés» espagnols.
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