BRASILIA, dimanche 23 juin 2013 (LatinReporters.com) - Tendant la main
et offrant le dialogue, la présidente du Brésil, Dilma Rousseff, a promis
vendredi de promouvoir un grand pacte pour l'amélioration
des services publics et de faire beaucoup plus pour lutter contre la corruption,
dans une allocution radio-télévisée à la nation
au lendemain de manifestations historiques.
Mme Rousseff a également affirmé qu'elle ne laisserait pas
une minorité entacher un mouvement démocratique et pacifique
en se référant aux pillages et saccages commis jeudi en marge
des manifestations qui ont réuni 1,2 million de personnes dans le pays.
La présidente a insisté sur sa volonté de
développer "de meilleurs transports publics à des tarifs justes", la
santé et l'éducation, en faveur de laquelle elle souhaite consacrer
100 % des recettes pétrolières du pays. Un projet paralysé
par de forts blocages politiques.
La présidente a par ailleurs annoncé qu'elle allait
recevoir "les leaders des manifestations pacifiques, les représentants
des organisations de jeunes, des syndicats, des mouvements de travailleurs,
des associations populaires. Nous avons besoin de leurs contributions, idées
et expériences, de leur énergie et créativité,
de leur pari sur l'avenir et de leur capacité à contester les
erreurs du passé et du présent".
Mme Rousseff a aussi défendu l'organisation par le Brésil de
la Coupe du monde de football de 2014, l'un des points centraux de la fronde
sociale à cause de son coût, 14 milliards de dollars selon le
gouvernement, jugé exorbitant par les manifestants.
Le talent démocratique de Dilma Rousseff est reflété
par l'humilité de son message. Elle reconnaît les déficiences
décriées par des manifestations qui "montrent la force de notre
démocratie".
En Espagne par contre, le mouvement des indignés, dans le fil duquel
pourrait s'inscrire la fronde sociale brésilienne, a été
qualifié d'"antisystème", de "terroriste" et de "fasciste"
par le Parti populaire (PP, droite gouvernementale) du président du
gouvernement, Mariano Rajoy, et par les médias qui en sont proches.
Contrairement à Dilma Rousseff et à son Parti des
travailleurs, le parti gouvernemental espagnol hésite à faire
la distinction entre la majorité pacifique des contestataires et la
minorité violente qui s'immisce dans la plupart des manifestations.
(Traduction LatinReporters.com.
Texte
original en portugais sur le site de la présidence du Brésil)
Chères amies et chers amis,
Nous tous, Brésiliennes et Brésiliens, suivons avec grande
attention les manifestations qui ont eu lieu dans le pays. Elles montrent
la force de notre démocratie et le désir de la jeunesse de
faire progresser le Brésil.
Si nous mettons bien à profit l'impulsion de cette nouvelle énergie
politique, nous pourrons faire, mieux et plus vite, beaucoup de choses que
le Brésil n'est toujours pas parvenu à réaliser à
cause de limitations politiques et économiques. Mais si nous permettons
à la violence de nous faire perdre notre chemin, non seulement nous
dilapiderons une occasion historique, mais aussi nous courrons le risque
de perdre beaucoup de choses.
En tant que présidente, j'ai l'obligation tant d'écouter la
voix de la rue que de dialoguer avec tous les secteurs, mais dans le
cadre de la primauté de la loi et de l'ordre, indispensables à
la démocratie.
Le Brésil a lutté durement pour devenir un pays démocratique.
Et il se bat aussi beaucoup pour devenir un pays plus juste. Ce ne fut pas
facile d'arriver là où nous sommes, de même qu'il n'est
pas facile d'arriver là où le souhaitent beaucoup de ceux qui
sont descendus dans les rues. Nous y arriverons si nous renforçons
la démocratie, le pouvoir des citoyens et les pouvoirs de la République.
Les manifestants ont le droit et la liberté de remettre en question
et de critiquer tout, de proposer et d'exiger des changements, de se battre
pour une meilleure qualité de vie, de défendre avec passion
leurs idées et propositions, mais ils doivent le faire de manière
pacifique et ordonnée.
Le gouvernement et la société ne peuvent pas accepter qu'une
minorité violente et autoritaire détruise le patrimoine public
et privé, attaque des temples, incendie des voitures, lance des pierres
sur des autobus et tente de semer le chaos dans nos principaux centres urbains.
Cette violence, promue par une petite minorité, ne peut pas entacher
un mouvement pacifique et démocratique. Nous ne pouvons pas coexister
avec cette violence qui fait honte au Brésil. Toutes les institutions
et les corps de sécurité publique ont le devoir de contenir,
dans les limites de la loi, toute forme de violence et de vandalisme.
Avec équilibre et sérénité, mais fermement, nous
continuerons à garantir les droits et la liberté de tous. De
vive voix, je vous assure que nous allons maintenir l'ordre.
Brésiliennes et Brésiliens,
Les manifestations de cette semaine ont apporté des enseignements
importants. Les tarifs [des transports publics] ont baissé et les
revendications des manifestants ont gagné le rang de priorité
nationale. Nous devons exploiter la force de ces manifestations pour
produire plus de changements, des changements qui profitent à l'ensemble
de la population brésilienne.
Ma génération a beaucoup lutté pour que la voix de la
rue se fasse entendre. Beaucoup ont été persécutés,
torturés et sont morts pour cela. La voix de la rue doit être
écoutée et respectée, et elle ne peut pas être
confondue avec le bruit et la brutalité de certains fauteurs de troubles.
Je suis la présidente de tous les Brésiliens, de ceux qui manifestent
et de ceux qui ne manifestent pas. Le message direct de la rue est pacifique
et démocratique.
Il revendique une lutte systématique contre la corruption et le détournement
de fonds publics. Tous me connaissent. Je n'y renonce pas.
Ce message [de la rue] exige une meilleure qualité des services publics,
des écoles de qualité, des soins de santé de qualité,
de meilleurs transports publics à des tarifs justes, plus de sécurité.
Il veut plus. Et pour donner plus, les institutions et les gouvernements
doivent changer.
Je vais m'entretenir, les jours prochains, avec les dirigeants des autres
pouvoirs afin que nous unissions nos efforts. Je vais inviter les gouverneurs
et les maires des principales villes du pays à faire un grand pacte
pour l'amélioration des services publics.
L'accent sera mis, primo sur l'élaboration
du Plan national de mobilité urbaine privilégiant les transports
en commun, secundo sur l'attribution à l'éducation de cent
pour cent des revenus du pétrole, tertio sur des milliers de médecins
qu'on fera venir immédiatement de l'extérieur pour développer
le Système unique de santé, le SUS.
J'annonce que je recevrai les leaders des manifestations pacifiques, les
représentants des organisations de jeunes, des syndicats, des
mouvements de travailleurs, des associations populaires. Nous avons besoin
de leurs contributions, idées et expériences, de leur énergie
et créativité, de leur pari sur l'avenir et de leur capacité
à contester les erreurs du passé et du présent.
Brésiliennes et Brésiliens,
Nous devons oxygéner notre système politique, trouver des mécanismes
qui rendent nos institutions plus transparentes, plus résistantes
aux méfaits et, surtout, plus perméables à l'influence
de la société. Ce sont les citoyens, et non le pouvoir économique,
qui doivent être écoutés en premier lieu.
Je veux contribuer à la réalisation d'une réforme politique
large et profonde, qui élargisse la participation populaire. C'est
une erreur de penser qu'un pays peut se passer de partis et, surtout, du
vote populaire, base de tout processus démocratique. Nous devons faire
un effort pour que le citoyen dispose de mécanismes de contrôle
les plus complets sur ses représentants.
Nous avons besoin de beaucoup, et même davantage, de moyens plus efficaces
pour combattre la corruption. La Loi sur l'accès à l'information,
adoptée par mon gouvernement, devrait être élargie à
tous les pouvoirs de la République et aux instances fédératives.
C'est pour le citoyen un instrument puissant de surveillance de l'utilisation
correcte des deniers publics. Par ailleurs, le meilleur moyen de lutter contre
la corruption est la transparence et la rigueur.
Quant à la Coupe [du Monde de 2014], je veux clarifier que l'argent
dépensé par le gouvernement fédéral pour les
stades provient d'un financement qui sera dûment remboursé par
les entreprises et les gouvernements [des États fédérés
brésiliens] qui exploiteront ces stades. Je ne permettrai jamais que
cet argent soit soustrait du budget public fédéral au détriment
de secteurs prioritaires tels que la santé et l'éducation.
En fait, nous avons augmenté substantiellement les dépenses
de santé et d'éducation et nous les augmenterons chaque
fois plus. J'espère que le Congrès national [Parlement] approuvera
le projet prévoyant que toutes les royalties du pétrole soient
consacrées exclusivement à l'éducation.
Je ne peux omettre de mentionner un sujet
très important relatif à notre âme et à notre
façon d'être. Le Brésil, unique pays ayant participé
à toutes les Coupes [du monde], cinq fois champion du monde, a toujours
été très bien reçu partout. Nous devons donner
à nos peuples frères le même accueil chaleureux que nous
avons reçu chez eux. Avec respect, tendresse et joie, c'est ainsi
que nous devons traiter nos hôtes. Le football et le sport sont des
symboles de paix et de coexistence pacifique entre les peuples. Le Brésil
mérite et fera une grande Coupe [du Monde].
Chères amies et chers amis,
Je tiens à réitérer que mon gouvernement écoute
les voix démocratiques qui réclament un changement. Je veux
dire aux voix qui s'exprimaient pacifiquement dans la rue que je les entends.
Et je ne vais pas faire de compromis avec la violence et les émeutes.
Ce sera toujours dans la paix, la liberté et la démocratie que
nous continuerons à construire ensemble ce grand pays qui est le nôtre.
Bonsoir !