Colombie: Bush maintient les limites de l'aide militaire américaine
Les élections législatives américaines de novembre imposent au président Bush la prudence. En outre, malheureusement pour les Colombiens, l'aggravation et la cruauté de leur conflit intérieur ne sensibilisent pas encore suffisamment l'opinion publique occidentale pour justifier politiquement une franche implication militaire américaine ou internationale. "Nous avons des restrictions légales. Nous conseillons le gouvernement colombien en matière d'éradication des drogues et nous continuerons à le faire. La loi est très claire" déclarait mercredi George W. Bush. La législation des Etats-Unis limite à la lutte contre le narcotrafic l'aide militaire américaine à la Colombie. C'est dans ce cadre strict, que seul le Congrès pourrait élargir, que des hélicoptères sont livrés par dizaines à Bogota aux termes du Plan Colombie. Un quota de 400 assesseurs militaires américains est également autorisé.
L'état-major militaire colombien estime que la lutte contre le narcotrafic et celle contre la guérilla doivent être considérées comme un seul et même combat, les FARC tirant du trafic de cocaïne une part substantielle de leurs ressources financières, comme le reconnaissait mardi Klauss Nyholm, représentant en Colombie du Programme de l'ONU pour le contrôle international des drogues. Mardi également, à Washington , le "tsar" antidrogues des Etats-Unis, John Walters, invitait le Congrès américain à lever prochainement les limites de l'aide à la Colombie, estimant que le problème "relève du terrorisme". La guérilla des FARC apparaît depuis 1998 sur la liste des organisations terroristes internationales dressée par Washington. Sur la même liste figurent l'autre guérilla colombienne, l'ELN (Armée de libération nationale, pro-cubaine), ainsi que les AUC (Autodéfenses unies de Colombie, composées de paramilitaires d'extrême droite). Les FARC avaient applaudi les attentats islamistes du 11 septembre dernier contre ce qu'ils appellent "l'impérialisme gringo". A l'égard des organisations colombiennes qu'ils jugent terroristes, les Etats-Unis pourraient faire "usage de la puissance militaire, comme en Afghanistan, si nécessaire" menaçait le 15 octobre dernier Francis Taylor, coordinateur de la lutte antiterroriste au département d'Etat. Selon Francis Taylor, "les FARC sont aujourd'hui le groupe terroriste international le plus dangereux basé dans notre hémisphère." Frôlant les limites établies par le Congrès, l'administration américaine a inscrit au budget 2003 une somme de 98 millions de dollars pour des hélicoptères destinés à protéger un important oléoduc colombien attaqué fréquemment par la guérilla. Davantage d'informations réservées, récoltées notamment par des satellites américains, seront partagées avec Bogota et dans la fourniture de pièces de rechange, la Colombie est devenue prioritaire, juste derrière l'Afghanistan. Nombre d'observateurs estimaient que cette évolution conduirait rapidement les Etats-Unis à considérer la crise colombienne non plus comme un problème régional de lutte contre la drogue, mais comme une composante formelle de la guerre internationale déclarée par Washington au terrorisme. C'est ce saut qualitatif que le président Bush a écarté ou simplement retardé mercredi. Il décida de s'en tenir à la législation actuelle après un examen de la situation en Colombie réunissant le secrétaire d'Etat Colin Powell, le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld et la conseillère à la Sécurité nationale Condoleeza Rice. Le Washington Post relève que "la décision (du président Bush) est l'une des rares, ces derniers mois, à aller à l'encontre d'une expansion graduelle du nombre de pays auxquels sont procurés aide et entraînement militaires sous la bannière de la guerre contre le terrorisme". Parmi les explications possibles, le Washington Post note que les FARC "n'ont pas attaqué de cibles hors de la Colombie et n'ont pas de liens connus avec Al-Quaïda". Pour leur part, des experts en relations internationales cités par la presse de Bogota estiment en substance que l'attitude des Etats-Unis envers le conflit colombien dépend cette année du renouvellement, en novembre, de la totalité de la Chambre des Représentants et du tiers du Sénat américains. Le résultat de ces élections pèsera sur la deuxième moitié du mandat du président Bush et sur ses chances de réélection. Tout dossier polémique ou politiquement peu attractif -la Colombie ressort aux deux catégories- ne devrait pas, sauf cas de force majeure, être réactivé par l'administration américaine avant novembre. Enfin, malgré la récente condamnation du "terrorisme" des FARC par la France et l'Espagne (cette dernière en sa qualité de présidente en exercice de l'Union européenne), les Etats-Unis n'ignorent pas que l'opinion publique européenne, composante importante de la lutte internationale de l'Occident contre le terrorisme, est encore très indulgente à l'égard de la guérilla colombienne. Hélas pour les Colombiens, leur drame devrait s'aggraver davantage pour justifier, politiquement, une aide militaire étrangère.
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