Dimanche 2 juin 2013 (LatinReporters.com) - La Colombie va souscrire ce mois
de juin un accord de coopération avec l'Organisation du traité
de l'Atlantique Nord (OTAN) en vue de son adhésion à cette
alliance politico-militaire, a déclaré samedi à Bogota
le président colombien Juan Manuel Santos. Cette initiative
devrait provoquer de multiples réactions en Amérique latine.
Le président Santos s'exprimait lors d'une cérémonie
de promotion de militaires. Ses paroles exactes sont citées dans une
dépêche du Service d'information gouvernemental (SIG) publiée sur le
site Internet de la présidence colombienne.
"Ce mois qui commence, le mois de juin, l'OTAN
va souscrire un accord avec le gouvernement colombien, avec le ministère
de la Défense, pour initier un processus de rapprochement, de coopération,
en vue aussi d'adhérer à cette organisation" a dit Juan Manuel
Santos.
Faisant allusion aux pourparlers de paix en cours depuis six mois à
La Havane avec la guérilla marxiste des Farc (Forces armées
révolutionnaires de Colombie) pour mettre fin à un demi-siècle
de conflit intérieur, le président Santos a estimé que
"si nous obtenons cette paix, notre armée sera dans la meilleure position
pour se distinguer aussi au niveau international."
"Car la Colombie a la droit de voir grand et elle le peut" a insisté
M. Santos, invitant les militaires colombiens "à être les meilleurs,
non plus maintenant de la région, mais du monde entier".
S'agit-il de l'accord "plus ambitieux" que celui annulé en 2010 ?
L'annonce de M. Santos se produit cinq jours après son entrevue
à Bogota avec le vice-président des États-Unis,
Joe Biden, et alors qu'une nouvelle crise diplomatique vient d'éclater
entre la Colombie et le Venezuela voisin. Caracas reproche vivement au président
colombien d'avoir reçu le 29 mai à Bogota le chef de l'opposition
vénézuélienne, Henrique Capriles. Ce dernier réclame
l'annulation, pour fraude présumée, de l'élection présidentielle
remportée le 14 avril dernier au Venezuela par "l'illégitime"
Nicolas Maduro, dauphin de feu Hugo Chavez.
En août 2010, fraîchement élu, le président Santos
avait normalisé avec le Venezuela, alors gouverné par Hugo
Chavez, des relations tendues par Caracas jusqu'au bord du conflit militaire
à cause de l'accord américano-colombien du 30 octobre 2009.
Signé lorsque Juan Manuel Santos était le ministre de la Défense
du président Alvaro Uribe, cet accord permettait à l'armée
des États-Unis d'utiliser au moins sept bases colombiennes.
Quand
la Cour constitutionnelle de Colombie annula l'accord américano-colombien,
le 17 août 2010 pour manque d'approbation préalable par le Congrès
de la République (Parlement), M. Santos, devenu président,
ne chercha pas à contester cette annulation qui allait faciliter la
normalisation avec le Venezuela. Toutefois, il n'excluait pas à l'avenir
un accord "plus ambitieux". L'adhésion à l'OTAN semble aujourd'hui
être l'objectif de cette ambition, dont on ne sait si elle fera l'unanimité
au sein de l'Alliance atlantique.
500.000 hommes... l'armée la plus "efficace" d'Amérique
latine
La décision de Bogota intensifiera probablement la nouvelle
crispation avec Caracas et déplaira aussi à la majorité
des pays d'Amérique latine, dont la plupart de ceux de l'Unasur (Union des
nations sud- américaines). Cette organisation des 12 pays du sous-continent dispose
d'un Conseil de défense sud-américain (CDS), mis sur
pied à l'initiative du Brésil et du Venezuela. La vocation
atlantiste affichée par le président Santos permettra-t-elle
encore à la Colombie de siéger au sein du CDS, qui vise à
promouvoir la coopération militaire et la défense régionale
?
En 2008, la Colombie avait envisagé
d'appuyer l'OTAN en Afghanistan,
mais en en excluant d'y combattre, se concentrant sur le déminage
et la lutte contre la drogue. Les suites de ce projet sont peu connues.
Forte de 500.000 hommes, aguerrie par 49 ans de combat contre plusieurs guérillas,
surtout celle des Farc, l'armée colombienne est considérée par
maints analystes comme la plus professionnelle et la plus "efficace" de la région.
Elle est la seule en Amérique latine à utiliser des bombes
"intelligentes" et des informations par satellite en temps réel. Mais
son respect des droits de l'homme n'est pas aussi réputé
que sa puissance de feu.