MADRID, dimanche 16 septembre 2012 (LatinReporters.com) - En prélude
à l'automne chaud promis par les syndicats et sous le slogan "Ils
veulent ruiner le pays, il faut l'empêcher", des dizaines de milliers
d'Espagnols ont à nouveau manifesté, samedi à
Madrid, contre la politique de rigueur du gouvernement de droite de Mariano
Rajoy. La revendication de soumettre cette politique à référendum
est devenue hier une exigence centrale des contestataires. Bruxelles notera
que nombre de leurs pancartes dénonçaient une "euroviolence".
La manifestation était convoquée par un "Sommet social" créé
en juillet, à l'écart des partis politiques, par les syndicats
et quelque deux cents autres organisations ou associations, de magistrats,
de parents d'élèves, d'agriculteurs, d'étudiants, de
femmes, de sportifs, de consommateurs, etc., y compris les branches espagnoles
d'Amnesty International, de Greenpeace et d'ATTAC.
Les syndicats estiment que le nombre de manifestants, venus de toutes les
régions d'Espagne, aurait atteint le demi-million attendu. Mais la
plupart des médias parlent de "dizaines de milliers". La préfecture
de Madrid s'en tient au chiffre de 65.000. Le gouvernement ne cache pas son
soulagement. Il redoutait un tsunami comparable au million et demi d'indépendantistes
catalans qui déferlèrent quatre jours plus tôt à Barcelone.
Raisons de manifester
Ce fut tout de même une grosse vague, suffisante pour maintenir la
pression sur Mariano Rajoy, coincé entre, d'une part, la rue
et deux prochaines élections régionales et, d'autre part, l'évolution
de la prime de risque espagnole sur les marchés financiers et l'exigence
européenne de nouvelles coupes budgétaires liées à
des aides risquant de culminer en sauvetage global de l'économie de
l'Espagne. La pire plaie du pays demeure son taux de chômage,
25,1% de la population active et 52,9% parmi les jeunes de moins de 25 ans
(relevé d'Eurostat fin juillet).
Se rassemblant à la mi-journée sur la Plaza de Colon où
se dressait la tribune des orateurs, des colonnes colorées avaient
surgi samedi matin de divers points de Madrid et convergé vers le
centre de la ville : parents et élèves en vert pour défendre
l'éducation, cortège blanc pour la santé, marche noire
des fonctionnaires, défilé orange pour les personnes dépendantes
et âgées, violet des femmes inquiètes pour leur droits,
dont l'avortement, et rouge des militants des deux grands syndicats, l'Union
générale des travailleurs (UGT, socialiste) et les Commissions
ouvrières (CCOO, originellement liées au Parti communiste).
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L'exigence d'un référendum très visible à Madrid lors de la manifestation du 15 septembre 2012
contre la politique de rigueur. (Capture d'écran - LatinReporters.com)
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Raisons de manifester ? "Pour un référendum, car la
marchandise que nous impose Rajoy n'est pas celle qu'il vendait en campagne
électorale" (Pilar, 27 ans); "Ils baissent les salaires, ils augmentent
les impôts, nous revenons 20 ou 30 ans en arrière" (Roberto,
44 ans); "Ils ont baissé mon salaire et allongé mon horaire
et j'ai deux filles au chômage" (Cristobal, 62 ans); "Depuis janvier,
le collège public dans lequel je travaille ne reçoit plus un
centime" (Maria del Carmen, 58 ans).
Les pancartes ou même les tee-shirts des contestataires parlaient
aussi : "Euroviolence", "Ras-le-bol", "Les coupes dans la santé TUENT",
"Sauvez les gens, pas les banques", "Rajoy démission, élections
maintenant" ou simplement "NO". Côtoyant des nuées de drapeaux
syndicaux, régionaux et républicains, de grandes paires de
ciseaux en carton symbolisaient les réductions salariales et les coupes
budgétaires, particulièrement douloureuses dans la santé,
l'éducation, l'aide aux personnes dépendantes et les allocations
de chômage.
"Le référendum est une clause de sauvegarde démocratique"
A la fin du rassemblement sur la Plaza de Colon, les leaders syndicaux
et des représentants du "Sommet social" ont insisté sur la
nécessité d'un référendum sur la politique d'austérité
radicale. Ils ont contesté "démocratiquement la légitimité
du gouvernement", car Mariano Rajoy, investi fin décembre, applique
des mesures qui ne figuraient pas dans son programme électoral ou
même contre lesquelles il s'était prononcé pendant la
campagne pour les législatives de novembre dernier [notamment la hausse
de la TVA et de l'impôt sur le revenu et les coupes dans la santé
et l'éducation; ndlr].
Réfutant l'argument de M. Rajoy, qui prétend avoir méconnu
avant son investiture la situation réelle de l'Espagne, le secrétaire
général de l'UGT, Candido Mendez, s'est exclamé : "Entre
un mensonge et l'ignorance de la réalité du pays, je ne sais
pas ce qui est le pire". Il a reproché au chef du gouvernement d'être
"arrogant ici et servile devant l'Union européenne", ajoutant que "le
référendum est une clause de sauvegarde démocratique".
Le secrétaire général des CCOO, Ignacio Fernandez Toxo,
entend combattre "l'involution sociale" avec la même idée directrice
: "Référendum maintenant !". A cet égard, des responsables
des CCOO expliquent que le "Sommet social" a l'intention de créer
des "comités pro-référendum dans chaque ville, chaque
village, chaque quartier, comme pour le référendum sur l'OTAN
en 1986".
Malgré la menace d'une nouvelle grève générale
à une date encore indéterminée, le ministre de l'Économie
espagnol, Luis de Guindos, a déjà répliqué que
"les sacrifices sont absolument inévitables". Mariano Rajoy maintiendra
donc le cap sur la rigueur afin de ramener, comme l'exige Bruxelles, le déficit
public à 6,3% du PIB cette année (contre 8,9% en 2011), 4,5%
en 2013 et 2,8% en 2014.