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Les séparatistes basques veulent "dialoguer" avec Madrid et Paris
Espagne: l'ETA annonce "l'arrêt définitif de l'activité armée"
 

   

 
MADRID, vendredi 21 octobre 2011 (LatinReporters.com) - "Arrêt définitif de l'activité armée" initiée en 1968, mais sans dissolution de l'organisation, et appel au "dialogue direct" avec les "gouvernements d'Espagne et de France" sur "la résolution des conséquences du conflit"... Dans leur déclaration du 20 octobre, qu'ils qualifient eux-mêmes d'"historique", les séparatistes basques de l'ETA rangent ainsi les armes tout en les conservant et invitent ou presque à leur table le président du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, et le président de la République française, Nicolas Sarkozy.

Trois etarras annoncent en espagnol "l'arrêt définitif de l'activité armée" de l'ETA. Photogramme de la vidéo diffusée le 20 octobre 2011 sur le site Internet du journal basque Gara.

Invitation outrancière? Peut-être pour la France, sans doute moins disposée à la coopération politique que policière dans un problème basque qu'elle ne reconnaît pas comme sien. Mais pour l'Espagne, cela signifie "la fin de la terreur" et "le point final du cauchemar", comme du moins le clament les titres du quotidien El Pais.

A la poursuite, sinon de l'indépendance, du moins de la reconnaissance du droit des Basques à l'autodétermination, le bilan de quasi un demi-siècle de terrorisme de l'ETA est de plus de 800 morts (829 selon M. Zapatero, 857 selon les associations de victimes), des milliers de blessés et au moins 12 milliards d'euros de pertes matérielles et financières cumulées, dont la moitié évaporées sur le chantier de la centrale nucléaire basque de Lemoniz. Abandonné en 1981 après plusieurs attentats, il demeure aujourd'hui l'un des plus grandioses cimetières industriels d'Europe.

Ni vainqueurs ni vaincus ?

Remords d'avoir continué à manier le revolver, les lance-grenades et les voitures piégées si longtemps après l'amnistie générale des délits et crimes politiques décrétée en 1977 par la jeune démocratie post-franquiste? Non, car note la déclaration de l'ETA, ce sont "ces longues années de lutte" qui ont "permis cette opportunité" offerte aujourd'hui à la paix.

Aux yeux de leurs petits-enfants, les etarras feront donc figure d'anciens combattants honorables. Et même peut-être victorieux, puisque l'autodétermination des Basques, cachée sous l'expression "consultation de la population", a été recommandée par les médiateurs internationaux, le 17 octobre à Saint-Sébastien, lors de la Conférence de paix qui a incité l'ETA à renoncer définitivement à la lutte armée.

Et au-delà de nuances byzantines, la probable confirmation aux législatives espagnoles du 20 novembre de l'envolée électorale réalisée aux municipales de mai par les amis politiques de l'ETA reconvertis à la non-violence permet aux séparatistes de rêver à moyen terme d'une déclaration unilatérale et pacifique d'indépendance, par exemple lors d'une session extraordinaire du Parlement régional basque, dans deux, six ou dix ans. Les successeurs de M. Zapatero n'enverraient pas alors les Eurofighters bombarder Guernica comme le firent les escadrilles hitlériennes de la légion Condor à la requête de Franco.

José Luis Rodriguez Zapatero, président du gouvernement espagnol, réagit à la déclaration de l'ETA une heure à peine après sa diffusion. "Importance transcendantale" dit-il dans un message institutionnel radio-télévisé. (Photo moncloa.gob.es)

A la Conférence de Saint-Sébastien, les médiateurs, dont l'ex-secrétaire général de l'ONU Kofi Annan, disaient par la bouche de Gerry Adams, président du Parti nationaliste nord-irlandais Sinn Fein, que la paix est plus sûre lorsqu'elle n'a ni vainqueurs ni vaincus. Pour ce faire, il suffit peut-être que chacun se pare du triomphe devant les siens, comme l'ETA dans sa déclaration.

A cet égard, M. Zapatero n'est pas en reste. Une heure à peine après la diffusion du message vidéo des séparatistes sur le site Internet du journal basque Gara, le chef du gouvernement socialiste espagnol attribuait "l'importance transcendantale de l'annonce de l'ETA" au triomphe "sans conditions" de l'Etat de droit dans une démocratie qui vivra désormais "sans terrorisme, mais non sans mémoire".

"Dette perpétuelle de gratitude envers la France"

"Cela a été possible grâce aussi à la collaboration [surtout policière; ndlr] de la France et de ses autorités, envers lesquelles nous avons une dette perpétuelle de gratitude et de solidarité. L'amitié avec l'Espagne du président Sarkozy a été déterminante et, d'ici, je lui transmets toute ma reconnaissance" a dit encore M. Zapatero, avec une insistance trahissant peut-être son inquiétude sur la solidité de la paix si Paris n'entrait pas dans le jeu politique que lui demande de jouer l'ETA. L'autonomie du Pays basque français, territoire d'une patrie basque commune appelée Euskal Herria, est revendiquée tant par les séparatistes radicaux que par les nationalistes dits modérés. Parmi les 703 etarras incarcérés, 140 le sont en France.

A un mois seulement des législatives du 20 novembre, l'annonce de la fin de la violence terroriste et son écho médiatique national et international prennent à contre-pied les grands favoris du scrutin, les conservateurs du Parti Populaire (PP) de Mariano Rajoy, longtemps hostiles aux tractations peu transparentes du gouvernement socialiste avec l'ETA. Sa popularité anéantie par une crise économique qui laisse en Espagne près de cinq millions de chômeurs, M. Zapatero ne briguera pas un troisième mandat. Est-il obsédé, avant de s'effacer de la scène politique, par une médaille de la paix qui servirait peut-être aussi la nouvelle tête de liste socialiste aux législatives, l'ex-ministre de l'Intérieur Alfredo Perez Rubalcaba?

Réagissant à son tour à la déclaration de l'ETA, Mariano Rajoy a évité de jouer les trouble-fêtes. Le leader de la droite et probable prochain président du gouvernement a qualifié de "bonne nouvelle" le "pas très important" des séparatistes basques, obtenu, a-t-il dit, grâce à la "détermination de l'ensemble de la société espagnole" et cela "sans aucun type de concession politique". (Qu'il soit convaincu de ce dernier point serait une nouveauté; ndlr). Le leader de l'opposition a tout de même pris la précaution de reconnaître que "la tranquillité des Espagnols ne sera complète que lorsque se produira la dissolution irréversible de l'ETA et son démantèlement complet".

Le chantier de la centrale nucléaire basque de Lemoniz, abandonné en 1981 après plusieurs attentats de l'ETA, demeure 30 ans après l'un des plus grands cimetières industriels européens. La perte financière cumulée était évaluée en 2004 à 5,8 milliards d'euros. (Photo Frobles)

Scepticisme à Washington

Bien accueillie dans le monde par des personnalités telles que le président vénézuélien Hugo Chavez et l'ex-président des Etats-Unis Bill Clinton, l'annonce de la fin du terrorisme de l'ETA n'a toutefois pas enthousiasmé à Washington l'administration de Barack Obama.

Le porte-parole du département d'Etat, Mark Toner, considère qu'il s'agit de "l'annonce d'une organisation et nous avons vu des annonces similaires dans le passé. Nous ne savons pas jusqu'à quel point elle est sérieuse ni quelle est l'intention" de l'ETA, que M. Toner veut laisser pour le moment sur la liste des organisations terroristes internationales, rappelant que la bande "a tué plus de 850 personnes et en a blessé des milliers". A noter que l'ETA figure encore aussi sur la liste des organisations terroristes dressée par l'Union européenne.

La déclaration des indépendantistes laisse également sceptiques de vastes secteurs de la presse espagnole. "L'ETA se vante de ses assassinats et cite le gouvernement à une négociation" titre ce 21 octobre à la une El Mundo (centre droit). "L'ETA ne se dissout pas et ne livre pas ses armes" insiste, à la une aussi, son confrère conservateur ABC.

L'éditorialiste d'El Pais (centre gauche) préfère rassurer. Selon lui, "l'époque nouvelle ouverte au Pays basque ne résulte pas d'un rapprochement de la démocratie en direction des terroristes, mais de la décision de se réfugier en elle prise par des terroristes confrontés à l'inutilité de leurs crimes. (...) Si avec le communiqué une quelconque paix a été signée, c'est celle des terroristes avec eux-mêmes".

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