MADRID, lundi 22 octobre 2012 (LatinReporters.com) - Couvrant
tant le nationalisme dit modéré que l'indépendantisme
radical, le mot "souverainisme", qui fleure le Québec, est le
plus répété ce lundi en Espagne à la une des
quotidiens au lendemain du renouvellement du Parlement basque. L'autre élection
régionale de dimanche, en Galice, a sauvé la face du chef du
gouvernement conservateur espagnol, Mariano Rajoy, englué dans la
crise économique.
"L'effondrement socialiste donne du souffle à Rajoy et de l'élan
au souverainisme au Pays basque" titre en en première page El Pais
(centre gauche). "Le souverainisme basque s'impose, tandis que Feijoo sauve
Rajoy" clame, à la une aussi, El Mundo (centre droit). "De l'air pour
Rajoy. Virage souverainiste" résume pour sa part le quotidien catalan
El Periodico.
En clair, les deux tiers des députés régionaux basques,
plébiscités dimanche par 60% de l'électorat, relèveront
désormais du souverainisme, prônant, les uns à moyen ou long terme,
les autres avec impatience, la création d'un État souverain
basque. Le score souverainiste s'explique par la percée fulgurante
des amis politiques des ex-terroristes indépendantistes de l'ETA, réunis
sous la bannière de EH Bildu (25% des voix et 21 députés
sur 75). Ils ne sont devancés que par les souverainistes moins bruyants
de l'historique Parti nationaliste basque (PNV, centre droit), vainqueur du
scrutin avec 34,64% des suffrages et 27 élus.
La déroute est sévère au Pays basque pour les "espagnolistes",
c'est-à-dire les socialistes et l'aile basque du Parti Populaire (PP,
droite) de Mariano Rajoy. Le socialiste Patxi Lopez est éjecté
de la présidence de la région, qu'il assumait depuis 2009 grâce
à un accord atypique avec le PP et grâce à l'interdiction
opposée à l'époque par la justice à la présentation
de listes électorales par les amis présumés de l'ETA.
Le souverainisme catalan et le basque se stimuleront-ils mutuellement ?
Le président du PNV, Iñigo Urkullu, sera le nouveau président
du Pays basque et de ses 2,1 millions d'habitants. N'ayant pas la majorité
absolue, il devra négocier soit une alliance stable de législature,
soit des accords ponctuels ajustés aux dossiers traités. Les différences
idéologiques rendent peu probable, du moins aujourd'hui, une coalition
PNV-EH Bildu qui unifierait le souverainisme basque.
"Deux parlementaires [basques] sur trois seront des patriotes nationalistes.
L'heure est venue de commencer à penser en tant que peuple, en tant
que pays. Il est temps d'arrêter les ordres venant de Madrid" a lancé
à Bilbao Laura Mintegi, candidate de EH Bildu à la présidence
de la région, appelant peut-être à la création
d'un grand bloc souverainiste.
Mais, dans son discours de victoire, Iñigo Urkullu a exhorté les Basques
à la coexistence "pluraliste" et à "garder les pieds sur terre" pour affronter tant la crise
économique que "la crise politique et institutionnelle de l'État
espagnol et de l'Europe". Il a évoqué pour le Pays basque un
inexpliqué "nouveau statut politique partagé", tout en assurant
que "ce pays va se construire entre tous et pour tous, mais non en opposant
les uns aux autres".
"La modération affichée par le candidat du PNV, Iñigo
Urkullu, n'est pas un obstacle à ce qu'il conserve en mains l'initiative
de lancer des défis souverainistes majeurs lorsqu'il l'estimerait opportun"
avertit le quotidien El Pais. Son éditorialiste s'en inquiète
en relevant l'ampleur inédite de la gauche radicale indépendantiste, représentée
par EH Bildu, et en rappelant le défi catalan.
En Catalogne, sous la houlette du président
nationaliste de la région, Artur Mas (jusqu'à septembre dernier un "modéré"
de centre droit, comme Iñigo Urkullu), toutes les variantes du souverainisme
catalan, soit 62% des députés du parlement régional,
se sont accordées à organiser un référendum d'autodétermination,
illégal selon le gouvernement espagnol. Cette consultation sera convoquée,
dit une résolution parlementaire, "prioritairement au cours de la prochaine
législature" régionale, qui s'ouvrira après les élections
catalanes anticipées du 25 novembre.
Le souverainisme catalan et le basque se stimuleront-ils mutuellement ? En fin de campagne
électorale, Iñigo Urkullu clamait "Voilà
notre feuille de route : Euskadi (Pays basque) nation européenne
!". Un slogan semblable à celui de "Catalogne, nouvel État
d'Europe" qui fédère désormais le souverainisme catalan.
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Alberto Nuñez Feijoo, président de la Galice et vainqueur, comme candidat du Parti Populaire (PP, droite), de
l'élection régionale du 21 octobre 2012. (Archives - Photo Certo Xornal) |
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Le succès du PP en Galice est une bouffée d'air frais pour
Mariano Rajoy
Le Parti populaire (PP) du président du gouvernement espagnol Mariano
Rajoy a par contre remporté dimanche les élections en Galice,
une région de 2,7 millions d'habitants. Malgré le mécontentement
suscité par sa politique d'austérité, le PP conserve
et même élargit sa majorité absolue au Parlement local,
avec 41 sièges sur 75, contre 18 aux socialistes et 16 à deux
partis nationalistes.
La Galice, terre natale de M. Rajoy, a été
dirigée par le PP pendant 24 des 31 années d'existence des
régions autonomes et une défaite aurait été interprétée
comme un camouflet retentissant pour la droite espagnole, son chef de file
et ses mesures de rigueur.
Des éditorialistes attribuent la victoire
du PP galicien à son leader, Alberto Nuñez Feijoo, qui se succédera
à lui-même à la présidence de la région.
Il avait adopté des mesures de rigueur budgétaire, mais sans alourdir la fiscalité
régionale, avant même que Mariano Rajoy n'arrive aux affaires à Madrid, en décembre
2011, et n'impose à l'Espagne une sévère cure d'austérité.
Le scrutin s'était transformé dans
cette région du nord-ouest du pays en un référendum
pour ou contre le président du gouvernement et sa politique. Mariano
Rajoy aurait repoussé à l'après-scrutin une demande
de sauvetage financier à l'Union européenne afin de ne pas
pâtir électoralement de cette démarche, dit-on dans
les milieux communautaires. Il craignait notamment que les contreparties exigées
par Bruxelles, comme une réforme du système des retraites,
n'aient un effet catastrophique sur les électeurs.
Le succès électoral du PP en Galice
est une grande bouffée d'air frais pour un chef de gouvernement en chute
libre dans les sondages nationaux, dans un contexte de manifestations et
de tensions sociales provoquées par la baisse des dépenses
publiques et la hausse des impôts. Après
avoir ainsi "sauvé" Mariano Rajoy, le Galicien Alberto Nuñez
Feijoo est présenté par plusieurs médias comme un futur
candidat potentiel aux plus hautes charges de l'État.
Le grand vaincu du double scrutin est le Parti
socialiste. Tant au Pays basque qu'en Galice, il perd environ le tiers de
son électorat et de ses députés régionaux. Les
socialistes ne se sont pas relevés de leur déroute aux législatives
de novembre 2011. Leur secrétaire général, l'ex-ministre
de l'Intérieur Alfredo Perez Rubalcaba, risque d'être d'être
emporté par la contestation croissante dans ses propres rangs.