BARCELONE, mercredi 26 septembre 2012 (LatinReporters.com) - "Ce Parlement
a voté à plus d'une occasion pour le droit de la Catalogne à
l'autodétermination. L'heure est venue d'exercer ce droit"
s'est exclamé mardi à Barcelone le président catalan
Artur Mas en annonçant des élections régionales anticipées
pour le 25 novembre. Les Catalans, a-t-il insisté, décideront
alors "de leur futur comme nation".
Le Rubicon est-il franchi? Peut-être. Les deux tiers des élus
catalans sont en tout cas favorables à l'autodétermination.
S'exprimant devant le Parlement régional, Artur Mas n'a cependant
pas prononcé le mot indépendance, traçant plutôt
un chemin sinueux et flou. L'objectif, a-t-il en effet nuancé, est
que les Catalans décident de leur futur lors de la prochaine législature
ou, au plus tard, lors de la suivante.
Le processus d'autodétermination pourrait donc encore s'étaler
sur huit ans, mais Artur Mas veut le mettre lui-même sur les rails
en obtenant une majorité absolue que sa coalition nationaliste de
droite modérée, Convergencia i Unio (CiU), ne détient
pas encore. Son triomphe électoral déboucherait-il sur un prochain
référendum pour dire clairement oui ou non ? A l'Espagne ?
A une association confédérale ? Aucune précision d'Artur
Mas sur ce point, malgré l'affirmation que "le Parlement qui sortira
des urnes aura une responsabilité historique".
Crise et problèmes financiers
À Madrid souffle un vent d'indignation et d'inquiétude mélangées.
Qu'il se concrétise ou non, le risque accru d'une sécession
de la Catalogne, longtemps moteur économique du pays avec ses 7, 5
millions d'habitants perchés au nord-est de la péninsule ibérique,
dégrade déjà davantage sur les marchés financiers
la confiance dont l'Espagne en crise aiguë a tant besoin. D'autant que
le défi catalan risque d'être épaulé par le raz-de-marée
nationaliste et séparatiste attendu aux élections régionales
basques du 21 octobre.
Notons que la crise globale et la rigueur dictée par l'Union européenne,
qui incitent Madrid à réduire l'autonomie des régions,
semblent avoir revigoré l'aspiration séparatiste, illustrée
avec éclat le 11 novembre, jour de la Catalogne, par un tsunami d'un
million et demi de manifestants indépendantistes dans les rues de Barcelone.
C'est fort de cette mobilisation, qui le conduit à "bien écouter
le peuple", qu'Artur Mas s'était présenté à Madrid
la semaine dernière pour réclamer au chef du gouvernement espagnol,
le conservateur Mariano Rajoy, une plus grande autonomie budgétaire.
Mais Madrid lui avait opposé une fin de non recevoir.
"Le pacte budgétaire n'a pas été vu hors de Catalogne
comme une solution, mais comme un problème", a lancé hier Artur
Mas. "Si la Catalogne était un État, nous serions parmi les
50 pays les plus exportateurs du monde", a-t-il affirmé, indiquant
que la région était "la première économie exportatrice"
d'Espagne. Elle est toutefois aujourd'hui la plus endettée du
pays, avec une ardoise de presque 44 milliards d'euros, soit 22% de son PIB.
Selon le gouvernement catalan, les problèmes financiers proviennent
en grande partie du système de répartition des recettes fiscales
entre les régions espagnoles. Les nationalistes réclament donc
une plus grande autonomie qui leur permettrait notamment de lever l'impôt.
Le roi Juan Carlos contre les "chimères"
"Je crois que ce débat, dans le moment actuel, génère
une énorme instabilité", prévient la porte-parole et
vice-présidente du gouvernement espagnol, Soraya Saenz de Santamaria.
"Évidemment une crise institutionnelle est nuisible en Espagne, mais
aussi en dehors et c'est important actuellement", avertit-elle.
Le 18 septembre, dans une cyberlettre publiée sur le site Internet
de la Maison royale, le roi Juan Carlos avait épinglé implicitement
l'indépendantisme catalan en écrivant : "Nous sommes dans un
moment décisif pour le futur de l'Europe et de l'Espagne et pour assurer
ou ruiner le bien-être qu'il nous a tant coûté d'atteindre.
Dans ces circonstances, le pire que nous puissions faire est de diviser les
forces, d'encourager les dissensions, de poursuivre des chimères et
d'approfondir des blessures".
"Mas anticipe les élections pour alimenter sa chimère souverainiste"
titre en écho, ce 26 septembre à la une, le quotidien conservateur
royaliste ABC.
Pendant que le modèle régional, pilier de la jeune démocratie
espagnole, semble vaciller sous l'effet de la crise, relève l'AFP,
le gouvernement de Mariano Rajoy est mis à l'épreuve aussi
dans la rue : des milliers d'indignés manifestaient mardi soir autour
du Congrès des députés, à Madrid, pour défendre
la "démocratie confisquée", selon eux, par les marchés financiers.