Un professeur d'université de Séville compare Angela Merkel à Hitler
Vu d'Espagne - "L'Allemagne contre l'Europe", voici l'article censuré
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Le professeur d'université Juan Torres López.
(Source : juantorreslopez.com - Visage estompé d'Angela Merkel ajouté
par LatinReporters) |
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MADRID, mardi 26 mars 2013 (LatinReporters.com) – "Merkel,
comme Hitler, a déclaré la guerre au reste de l'Europe, cette
fois pour s'assurer un espace vital économique"... Pour cette phrase,
la tribune "L'Allemagne contre l'Europe" de l'économiste Juan Torres
López, professeur à l'Université de Séville et
membre du Conseil scientifique d'Attac Espagne, a été éjectée
dimanche du site Internet de l'influent quotidien espagnol El País
(centre gauche).
L'article "contenait des affirmations que ce journal considère inappropriées"
explique El País dans un bref
communiqué
qui remplace la tribune sur son site. "El Pais regrette qu'une erreur dans la supervision ait permis
la publication de cet article. Les opinions exprimées par Torres López
ne représentent que son auteur", précise le communiqué.
Sur
son blog, le professeur Torres López a posté sa
réaction : "[...] Je regrette l'interprétation selon laquelle
la thèse de cet article serait la comparaison de Mme Merkel avec Hitler.
[...] Je crois même que l'interpréter ainsi ne sert qu'à
détourner l'attention du fond de mon article, qui est clairement
tout autre.[...] Il est vrai que dans l'article j'affirme qu'à mon
avis l'Allemagne a déclaré la guerre économique au reste
de l'Europe et que je compare cela avec la recherche de l'espace vital qui
conduisit Hitler à déclencher la guerre, mais je crois qu'il
faut y voir la comparaison de deux faits historiques lamentables, quoique
de facture inégale, mais non la mise sur le même pied de deux
dirigeants politiques".
Des journalistes allemands et d'autres internautes avaient exprimé
sur le web leur indignation avant le retrait de la tribune. Mais apparemment
plus nombreux sont ceux qui, en Espagne, crient à la censure.
Éliminé par El País, l'article est également
invisible, curieusement, sur le blog de son auteur, malgré la curiosité
exprimée par des centaines de sympathisants qui n'ont pas pu le lire.
LatinReporters.com en traduit ci-dessous le texte intégral, récupéré
sur le blog
Cumbre Social par Manuela Martínez, secrétaire générale
de la section de Grenade de l'Union générale des travailleurs
(UGT, socialiste).
Juan Torres López nous excusera peut-être
de n'avoir pas sollicité son autorisation, mais en ces moments troublés
par la main basse sans précédent de l'Union européenne
et du Fonds monétaire international sur les comptes bancaires de citoyens
européens, à Chypre, briser la censure n'est pas superflu.
L'ALLEMAGNE CONTRE L'EUROPE
par Juan Torres López, économiste, professeur à l'Université
de Séville
Il est très significatif qu'on parle habituellement de "punition"
pour désigner les mesures que Mme Merkel et ses ministres imposent
aux pays les plus touchés par la crise.
Ils disent à leurs compatriotes qu'ils doivent punir notre irresponsabilité
afin que les Allemands ne payent pas notre gaspillage et nos dettes. Mais
le raisonnement est faux, car les irresponsables n'ont pas été
les peuples que Merkel s'obstine à châtier, mais les banques
allemandes qu'elle protège et celles d'autres pays auxquelles elles
octroyèrent des prêts, avec une irresponsabilité cette
fois réelle, pour obtenir des profits multimillionnaires.
Les grands groupes économiques européens ont réussi
à établir un modèle d'union monétaire très
imparfait et asymétrique qui a aussitôt reproduit et élargi
les inégalités initiales entre les économies impliquées.
En outre, grâce à leur capacité d'investissement énorme
et la puissance de leurs gouvernements, les grandes compagnies du Nord ont
pu s'approprier de nombreuses entreprises et même des secteurs entiers
des pays de la périphérie, comme l'Espagne. Cela a causé
d'importants déficits commerciaux dans ces pays et des excédents,
en Allemagne surtout, ainsi que dans d'autres pays dans une moindre mesure.
Parallèlement, les politiques successives des gouvernements allemands
ont concentré davantage encore les revenus au sommet de la pyramide
sociale, ce qui augmenta son niveau d'épargne déjà élevé.
De 1998 à 2008, la richesse du 10% le plus riche d'Allemagne passa
de 45% à 53% du total, celle du 40% suivant de 46% à 40% et
celle du 50% le plus pauvre de 4% à 1%.
Ces circonstances mirent à la disposition des banques allemandes
des sommes énormes. Mais au lieu de les consacrer à l'amélioration
du marché intérieur allemand et de la situation de ceux disposant
des revenus les plus bas, elles s'en servirent (à raison de quelque
704 milliards d'euros jusqu'en 2009, selon la Banque des règlements
internationaux) pour financer la dette des banques irlandaises, la bulle immobilière
espagnole, l'endettement des entreprises grecques ou pour spéculer,
ce qui fit bondir la dette privée dans la périphérie
européenne et les actifs toxiques des banques allemandes (900 milliards
d'euros en 2009).
L'éclatement de la crise perturba gravement les banques allemandes,
mais elles obtinrent que leur insolvabilité, plutôt que d'apparaître
comme le résultat de leur grande imprudence et irresponsabilité
(à laquelle Merkel ne fait jamais référence), soit présentée
comme la conséquence du gaspillage et de la dette publique des pays
abritant les banques auxquelles elles avaient octroyé des prêts.
Les Allemands retirèrent rapidement leur argent de ces pays, mais la
dette demeura dans les bilans des banques débitrices.
Merkel s'érigea en défenseur des banquiers allemands et,
pour les aider, elle lança deux stratégies. L'une est celle
des sauvetages, vendus comme destinés à sauver les pays, mais
qui consistent en fait à octroyer aux gouvernements des prêts
que payent les peuples pour les transférer à des banques, dont
une prompte récupération permettrait ensuite de rembourser
les Allemands. L'autre stratégie est d'empêcher que la Banque
centrale européenne stoppe d'emblée les attaques spéculatives
contre la dette de la périphérie, la hausse des primes de risque
des autres pays permettant alors à l'Allemagne de se financer à
moindre coût.
Merkel, comme Hitler, a déclaré la guerre au reste de l'Europe,
cette fois pour s'assurer un espace vital économique. Elle nous punit
pour protéger ses grandes entreprises et ses banques et aussi pour
faire oublier à son électorat le modèle honteux qui a
fait que le niveau de pauvreté de son pays est le plus élevé
des 20 dernières années, que 25% de ses salariés gagnent
moins de 9,15 euros/heure ou qu'à la moitié de sa population
ne correspond, comme je l'ai dit, qu'un misérable 1% de toute la richesse
nationale.
La tragédie, c'est l'énorme collusion entre les intérêts
financiers paneuropéens qui dominent nos gouvernements et que ceux-ci,
au lieu de nous défendre avec patriotisme et dignité, nous trahissent
en agissant comme de simples comparses de Merkel.
[ Page Juan Torres López de Wikipedia (espagnol) ]
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