MADRID, vendredi 29 juillet 2011 (LatinReporters.com) - L'anticipation au
20 novembre 2011 d'élections législatives prévues en
Espagne pour
mars 2012, date normale de la fin de la législature, a
été annoncée le 29 juillet à Madrid par le président
du gouvernement, le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero. Malmené
par la crise et impopulaire, M. Zapatero avait déjà annoncé en avril
qu'il
ne
briguerait pas un troisième mandat.
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J. L. Rodriguez Zapatero annonçant, le 29 juillet 2011
à Madrid, l'anticipation des élections législatives
au 20 novembre. (Photo lamoncloa.gob.es) |
S'adressant à la presse, le leader socialiste a précisé
que les élections anticipées seront formellement convoquées le 26 septembre,
près de deux mois avant le scrutin.
M. Zapatero a justifié sa décision par deux raisons. D'abord
le souhait qu'au 1er janvier prochain soit déjà en place un
nouveau gouvernement "qui prenne en charge tous les dossiers économiques
correspondant à 2012". Ensuite, la nécessité de "projeter
une image de certitude sur le plan politique et économique".
Ces deux raisons et surtout la seconde sont évaluées par les
observateurs comme une reconnaissance implicite par M. Zapatero de sa propre
incapacité à transmettre une "image de certitude" tant en Espagne
qu'auprès des agents économiques internationaux.
L'annonce de législatives anticipées "est une bonne nouvelle,
car c'est ce que voulait la majorité de la société espagnole" a commenté
Mariano Rajoy, chef de l'opposition conservatrice et président du
Parti Populaire (PP). L'ample avantage du PP dans tous les sondages depuis
près de deux ans et la
débâcle
historique du Parti socialiste
ouvrier espagnol (PSOE) de M. Zapatero aux élections municipales et
régionales du 22 mai dernier désignent actuellement M. Rajoy
comme le probable prochain président du gouvernement.
"Pour le PP, le changement signifie affronter la crise, la surpasser, créer
de l'emploi" a déclaré le président du PP aux journalistes
convoqués peu après l'annonce de M. Zapatero. M. Rajoy a
déjà cru utile de s'engager, "si les Espagnols me font confiance",
à gouverner "au centre, dans la modération et le dialogue",
à la tête d'un "gouvernement crédible, prévisible
et solvable".
Le leader conservateur est allé jusqu'à lancer une promesse
téméraire qui ne tombera pas de si tôt dans l'oubli en
cette période de crise : "Je ne ferai pas de coupes dans le social". L'effondrement
de la popularité du socialiste Zapatero s'explique précisément
par ses coupes sombres dans les retraites, les salaires et la sécurité
de l'emploi pour tenter de freiner le déferlement sur l'Espagne d'une
crise globale à laquelle il s'attaqua trop tard, la niant en 2008
pour assurer alors sa réélection aux législatives.
Selon le dernier sondage mensuel publié le 27 juillet par le Centre
d'enquêtes sociologiques, les socialistes recueillent 36% des intentions
de vote contre 43,1% au PP, soit tout de même un écart inférieur
de 3,3 points par rapport à la précédente enquête.
Nul ne sait si cette remontée se poursuivra. Une partie de la presse
l'attribue à "l'effet Rubalcaba".
Ministre de l'Intérieur de M. Zapatero pendant plus de cinq ans,
Alfredo
Perez Rubalcaba est aujourd'hui le candidat socialiste à la présidence
du gouvernement. Il tente de repositionner le PSOE à gauche pour récupérer
ses anciens électeurs déçus par l'austérité.
Il espère aussi attirer les "indignés" qui manifestent depuis
le mois de mai contre les institutions économiques et politiques.
Selon le quotidien El Mundo, M. Zapatero, en annonçant les prochaines
élections, s'est "plié aux volontés du parti et du candidat
socialiste [M. Rubalcaba]". Face aux perspectives électorales désastreuses,
une partie des responsables du PSOE s'étaient en effet prononcés
pour un scrutin anticipé, alors que M. Zapatero était décidé,
selon son entourage, à aller coûte que coûte jusqu'au
bout de la législature afin, disait-il, de consolider une reprise économique
dont doutent cependant les milieux économiques.
Malgré le léger mieux traditionnel que la saison touristique
confère aux chiffres du chômage au 2e trimestre (ainsi qu'au
3e trimestre, d'où l'intérêt d'anticiper les élections
à l'automne), le dernier baromètre du chômage relevé
fin juin par l'Institut national de la statistique mentionne encore 4.833.700
chômeurs, soit 20,89% de la population active, record absolu des 27
pays de l'Union européenne.
L'agence de notation Moody's a annoncé ce 29 juillet qu'elle envisageait
d'abaisser la note de la dette souveraine de l'Espagne, actuellement à
"Aa2", en raison des difficultés budgétaires du pays, qui créent
selon elle "une vulnérabilité croissante à la tension
du marché". Dans la foulée, Moody's a abaissé d'un cran
les notes de six régions espagnoles, dont l'une des plus puissantes
du pays, la Catalogne, une décision qui reflète selon elle
"la détérioration de leur situation budgétaire et de
leur dette".
Les six régions sanctionnées sont la Catalogne, la Castille-la
Manche, la communauté autonome de Murcie, la région de Valence,
l'Andalousie et la Castille et Léon. Les analystes internationaux
estimeraient-ils que la régionalisation de l'Espagne accentuée
par M. Zapatero - une quasi fédération née de la division,
non de l'union - est financièrement insoutenable au stade actuel de
la crise?
"A ce jour, nous avons un pays menacé de ruine, sans perspective,
avec de sérieux problèmes de cohésion sociale et même
territoriale" écrivait très à propos le 18 juillet l'éditorialiste
de l'influent quotidien de centre gauche
El
Pais. Ce journal, auquel les
socialistes espagnols doivent pourtant beaucoup, priait M. Zapatero de rendre
un "ultime service à son pays : abandonner le pouvoir au plus vite".