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Nationalistes écartés du pouvoir régional
Espagne-Basques: accord "historique" des socialistes avec la droite
par Christian GALLOY
MADRID, mardi 31 mars 2009 (LatinReporters.com) - La lutte
contre le terrorisme des séparatistes de l'ETA, la réaffirmation de la Constitution
espagnole comme cadre de l'autonomie basque, la liberté
linguistique et le pluralisme de la télévision publique régionale
sont des axes essentiels de l'accord, entériné le 30 mars, qui permettra aux
socialistes de gouverner le Pays basque grâce à l'appui parlementaire
du Parti Populaire (PP, droite). Pour la première fois en trois décennies
d'autonomie régionale, le Parti nationaliste basque (PNV) sera rejeté
dans l'opposition.
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Le socialiste Patxi Lopez, nouveau président virtuel du Pays basque (photo PSE-EE). |
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Ce bouleversement est la conséquence des
élections basques
du 1er mars. Le PNV les remporta à la
majorité relative avec 38,5% des voix et 30 députés
régionaux. Mais les 25 élus socialistes de Patxi Lopez et les
13 du Parti Populaire conduits par Antonio Basagoiti
forment une majorité absolue de 38 députés sur 75. La
prétention de Patxi Lopez d'être investi lehendakari (président
de l'exécutif basque) a barré la route à la coalition
attendue des socialistes avec le PNV, qui revendique l'investiture de son
propre candidat, le lehendakari sortant Juan José Ibarretxe.
Qualifié "d'historique" par plusieurs médias,
le pacte des socialistes avec la droite l'est non seulement au niveau de
l'autonomie basque, qui n'avait jamais été dominée par
les "espagnolistes" (partis dont le siège central est à Madrid),
mais aussi au niveau national, l'accord régional entre socialistes
et le PP, deux ennemis héréditaires, étant le premier du genre en Espagne. Des
optimistes y voient les prémices d'un grand pacte national, qu'exigerait la virulence
de la crise économique, entre le Parti socialiste ouvrier espagnol
(PSOE) de José Luis Rodriguez Zapatero, président du gouvernement
national, et le PP que préside à Madrid le chef de l'opposition
de droite, Mariano Rajoy.
L'accord régional entre PP et socialistes s'intitule
"Bases pour le
changement démocratique au service de la société basque".
Il devrait assurer, fin avril, l'investiture parlementaire à
la présidence du gouvernement autonome basque de Patxi Lopez, qui
formera un exécutif régional homogène socialiste, élargi
peut-être à quelques indépendants. La présidence
du Parlement basque reviendra dès le 3 avril au PP, ce qui sera
certainement considéré comme une provocation tant par l'ETA
que par les nationalistes modérés. Fondé par l'ex-ministre
franquiste Manuel Fraga Iribarne, qui en est encore le président d'honneur,
le PP s'est en effet toujours efforcé de brider les nationalismes
basque et catalan. Dans ce contexte, on observera les remous éventuels
que le pacte "espagnoliste" conclu au Pays basque pourrait soulever en Catalogne,
gérée par les socialistes en coalition avec des écolos-communistes
et les indépendantistes radicaux de la Gauche républicaine
catalane (ERC).
Dans le pacte de législature (appellation réfutée par les proches de Patxi Lopez)
que constitue de fait leur accord, PP et socialistes
basques mentionnent comme premier "objectif" la lutte contre l'ETA "avec
tous les instruments de l'Etat de droit", sans la moindre "légitimation
directe ou indirecte de la violence". Les deux parties s'engagent à
"priver la violence terroriste d'une quelconque rentabilité politique"
et à assurer "la collaboration maximale" de la police basque avec
les forces de sécurité de l'Etat. "Priorité" est donnée à "la
défense des personnes menacées et extorquées" par l'ETA.
Parfois méprisées par certaines autorités basques, les victimes du terrorisme jouiront d'un "appui permanent" et "du droit à
la mémoire, à la dignité et à la justice". Le chapitre de la négociation
avec l'ETA, tentée en vain par M. Zapatero et ses prédécesseurs,
semble donc clos hermétiquement comme le réclamait le PP.
L'autonomie basque n'est pas remise en question. Son "développement"
est même envisagé, mais "dans le cadre de la Constitution" espagnole
et du "Statut de Gernika", qui définit depuis trente ans l'ampleur
et les limites du pouvoir régional basque. La porte est ainsi claquée
au souverainisme qui portait le PNV et le lehendakari sortant, Juan José
Ibarretxe, à tenter de transformer l'autonomie en libre association
avec l'Espagne et le reste de l'Europe.
La liberté linguistique, revendication fondamentale du PP, est cautionnée
par les socialistes de Patxi Lopez. Les deux parties garantissent le droit
des parents de faire scolariser leurs enfants en espagnol et le droit de
tout Basque à choisir l'espagnol pour communiquer avec l'administration
ou briguer un emploi public. A ce propos, la candidate du PP à la
présidence du Parlement régional, Arantza Quiroga, ne domine
pas le basque. Les langues basque et espagnole demeurent néanmoins
toutes deux officielles. La volonté proclamée est de supprimer
les discriminations linguistiques établies par les nationalistes pour
imposer progressivement le basque.
Quant à la télévision publique régionale, elle
subira "une réforme profonde pour garantir une ligne éditoriale
qui respecte et défende le cadre institutionnel". Elle ne pourra plus
"donner couverture ou faciliter des espaces aux terroristes, aux organisations
prohibées par la loi ou à ceux qui les représentent,
les justifient ou défendent leurs actions". Empêchés
par décision judiciaire de présenter des listes aux élections
basques du 1er mars, les partis proches de l'ETA, absents en conséquence
du Parlement régional pour la première fois depuis sa création,
seront donc aussi interdits d'antenne.
Les socialistes basques s'engagent pour la durée de la législature
à maintenir avec le PP basque "une relation préférentielle",
mais non exclusive. Le PP promet pour sa part de n'appuyer ni de présenter
aucune motion de censure contre l'exécutif régional que présidera
Patxi Lopez, "sauf en cas d'inaccomplissement du présent accord".
Ce pacte entre les socialistes et la droite sera rapidement soumis à
rude épreuve. Compte tenu des votes annulés émis le
1er mars en faveur de listes interdites proches de l'ETA, les diverses
options nationalistes et indépendantistes jouissent en effet toujours au Pays basque
de l'appui d'une nette majorité que ne reflète plus le Parlement régional.
Par la voix de l'un de ses notables, Iñaki Gerenabarrena, le PNV annonçait lundi "une
opposition dure, pour ne pas dire très dure ou extrêmement dure". Au Congrès
national des députés, à Madrid, le retrait de l'appui des six parlementaires du PNV
fragilise déjà la majorité seulement relative du PSOE de M. Zapatero.
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