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Sous réserve de Cuba et de la concrétisation d'intentions
Bilan du Sommet des Amériques: Obama a réconcilié les Etats-Unis avec leur continent
par Christian GALLOY, directeur de LatinReporters.com
Lundi 20 avril 2009 (LatinReporters.com) - L'espoir à
succédé à la confrontation. Demeurent les désaccords
avec et sur Cuba, les différences idéologiques, le fossé
entre riches et pauvres et l'incertitude quant à la concrétisation
réciproque de bonnes intentions. Il n'empêche qu'au 5e Sommet
des Amériques, clôturé le 19 avril dans l'île de Trinité-et-Tobago,
Barack Obama a réconcilié les Etats-Unis avec leur continent,
y compris le Venezuela.
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Barack Obama au 5e Sommet des Amériques (White House photo by Pete Souza) |
L'ère nouvelle ouverte avec les pays d'Amérique latine et des
Caraïbes a été symbolisée par la
poignée
de main entre le président Obama et son homologue vénézuélien,
Hugo Chavez, leader de la gauche radicale latino-américaine. "Je veux
être ton ami" a dit Chavez. Il a offert à Barack Obama un livre intitulé "Les veines
ouvertes de l'Amérique latine", de l'auteur uruguayen Eduardo Galeano. L'ouvrage, aussitôt
propulsé au rang de best-seller sur Amazon.com, retrace cinq
siècles d'exploitation de la région par les puissances européennes
et américaines. Ce cadeau symbolise tant la réconciliation
que ses possibles aléas. "Il y a des différences. Nous, nous
sommes socialistes" rappelle Chavez.
La doctrine conciliatrice à l'égard de l'Amérique latine
exprimée au sommet par Barack Obama peut se résumer en quatre
points essentiels:
-Partenariat "d'égal à égal".
-Tirer des enseignements de l'histoire, sans se laisser enfermer par elle.
-Les Etats-Unis ont changé, mais d'autres doivent changer aussi.
-Ne pas rejeter sur les Etats-Unis la responsabilité de tous les problèmes
intérieurs des pays du continent.
La doctrine s'appuie donc sur un donnant, donnant. Barack Obama souhaite
sans doute éviter que sa politique d'ouverture soit assimilée
à la faiblesse qui coûta sa réélection à
l'ex-président américain Jimmy Carter (1977-1981).
A propos de Cuba, le seul parmi les 35 pays des
Amériques à n'avoir pas été invité au
sommet, le chef de la Maison blanche a rappelé sa récente
levée
de restrictions sur les voyages et les transferts d'argent d'Américano-Cubains
vers l'île communiste. Barack Obama espère en retour des signes
de démocratisation du régime castriste. Il a admis que la politique
menée pendant 50 ans par les Etats-Unis à l'égard de
Cuba "n'avait pas marché", puisque "le peuple cubain n'est pas libre".
S'il écarte une normalisation bilatérale "du jour au lendemain",
le président américain s'est néanmoins prononcé
pour "un nouveau départ avec Cuba". Il considère encourageantes
des déclarations du président cubain Raul Castro, qui s'est
dit prêt à parler avec Washington de "tout", y compris "droits
de l'homme, liberté de presse et prisonniers politiques".
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Hugo Chavez offre à Barack Obama le livre "Les veines ouvertes de l'Amérique latine" - Photo Marcelo Garcia - Prensa Presidencial de Venezuela |
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Ces propos tenus le 16 avril au Venezuela par Raul Castro, qui succéda
en février 2008 à son frère Fidel malade, s'inscrivaient
en fait dans un discours
teinté d'antiaméricanisme classique
où lesdits "prisonniers politiques" cubains étaient aussi traités
de dissidents "à la solde des Etats-Unis" et certains de "terroristes".
Que Barack Obama et sa secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, aient jugé
positifs des mots qu'ils citent hors de leur contexte et que le président
américain ait mentionné de manière inattendue l'action
de milliers de médecins cubains en Amérique latine pour suggérer
que la suprématie militaire ne suffit pas à garantir l'influence
des Etats-Unis, cela reflète peut-être l'intensité réelle
de la volonté américaine de rapprochement. Plusieurs observateurs
croient que des négociations américano-cubaines se déroulent
déjà secrètement.
Fidel Castro critique Obama à propos de l'embargo
Dans ses dernières "Réflexions", publiées le 20 avril
par les médias officiels cubains, l'ex-président Fidel Castro,
toujours premier secrétaire du Parti communiste, reproche à
Barack Obama d'avoir été au sommet des Amériques "rugueux
et évasif" à propos du "blocus" américain qui frappe toujours
Cuba depuis 1962. "Je désire lui rappeler un principe éthique
de base en ce qui concerne Cuba: toute injustice, tout crime, peu importe
l'époque, n'a aucune excuse; le blocus cruel contre Cuba a pour prix
des vies et des souffrances", écrit le père de la révolution
cubaine.
La levée de l'embargo contre Cuba ou pour le moins la pleine réintégration
de l'île communiste dans les instances continentales ont été
prônées au 5e Sommet des Amériques par la totalité
des pays latino-américains et des Caraïbes, y compris par les
présidents conservateurs du Mexique, Felipe Calderon, et de la Colombie,
Alvaro Uribe. Le Brésil du socialiste modéré Luiz Inacio
Lula da Silva, première puissance d'Amérique latine et interlocuteur
privilégié de Washington, estime depuis longtemps "injustifiable"
l'embargo contre Cuba.
Signe du renouveau en cours: le socialiste chilien José Miguel Insulza,
secrétaire général de l'Organisation des Etats américains
(OEA) qui chapeaute les Sommets des Amériques, proposera en juin la
réintégration de Cuba dans l'organisation. L'île castriste
fut exclue de l'OEA en 1962, un régime communiste étant alors
considéré comme incompatible avec le système interaméricain.
Fidel Castro a toutefois déjà rejeté une éventuelle
réintégration. A ses yeux, "l'histoire de l'OEA est un recueil
de toutes les ordures de 60 ans de trahison des peuples d'Amérique
latine".
Exclue du sommet, Cuba en a donc été pourtant l'une des vedettes. Le
Venezuela, la Bolivie, le Nicaragua, le Honduras, la Dominique et Saint-Vincent-et-Grenadines,
pays qui forment avec l'île communiste l'Alternative bolivarienne pour
les Amériques (ALBA), avaient décidé de ne pas
signer la déclaration finale.
Une attitude qu'ils ont attribuée
à "l'exclusion injustifiée de Cuba", "l'absence d'une mention au
consensus général contre le blocus" et l'inexistence dans la
déclaration d'une "réponse à la crise économique
globale". Pour éviter que soit ternie la réussite du sommet,
le Premier ministre de Trinité-et-Tobago, Patrick Manning, signa seul
en sa qualité d'hôte et au nom supposé de tous la déclaration
finale, assortie de réserves des pays contestataires.
"Sans être parfait, le sommet a frôlé la perfection. La
cordialité y a régné et il s'est conclu sur un succès
avec un nouveau climat" a confirmé le Vénézuélien
Hugo Chavez. Son opinion résume le sentiment général
des participants. Relevant qu'il était auparavant "impensable" qu'un
président des Etats-Unis aborde d'égal à égal
certains dossiers, dont celui de Cuba, le président Chavez en a déduit
que "les changements initiés au Venezuela dans la dernière
décennie du 20e siècle semblent commencer à arriver
en Amérique du Nord". Dans la foulée, Caracas va envoyer un
nouvel ambassadeur à Washington. En septembre 2008, les ambassadeurs
des Etats-Unis et du Venezuela furent expulsés réciproquement
des deux capitales.
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L'analyse de Julio Burdman*
SOMMET DE BASSE INTENSITÉ
BUENOS AIRES, lundi 20 avril 2009 - L'institution du Sommet des Amériques naissait en 1994 sous l'impulsion
donnée par George Bush et ensuite par Bill Clinton à l'intégration
hémisphérique. Le projet frustré de la ZLEA (Zone de
libre-échange des Amériques) impliquait de transformer en union
économique le vieux panaméricanisme que reflétait l'Organisation
des Etats américains (OEA). Une décennie plus tard, cette ambition
hémisphérique s'était diluée entre la consolidation
du projet régionaliste en Amérique du Sud et la décision
de Washington de signer des traités commerciaux préférentiels
avec ses alliés politiques.
Après le IVe Sommet des Amériques, en novembre 2005
à Mar del Plata, sommet qui restera dans l'histoire comme le pire
moment des relations entre les Etats-Unis et l'Amérique latine depuis
la troisième vague démocratique, le second gouvernement de
Bush Jr. modifie la donne. Washington renonce alors à ses objectifs
d'intégration les plus ambitieux, accepte que ne sont pas mûres
les conditions sociales et politiques d'un rapprochement plus accentué
et se préoccupe moins du phénomène national-populiste,
perçu plus comme une expression de la culture politique latino-américaine
que comme une menace (les déclarations de Tom Shannon, chargé
de l'Amérique latine à la Maison blanche, firent doctrine à
cet égard). Washington améliore aussi alors ses relations avec
le Brésil et se concentre sur la coopération, aujourd'hui très
fluide, en matière militaire et de sécurité.
Ce que nous venons de voir au Ve Sommet des Amériques est une ratification
de la ligne du second mandat de Bush Jr., avec l'amplitude additionnelle que
permet le leadership moral de la nouvelle administration américaine.
Tandis que le Brésil et le Mercosur élargissent les contenus
du projet régionaliste sud-américain, Washington tente de reconstruire
les bases du système interaméricain en crise. La glasnot apparente
de Cuba est pour l'instant l'unique nouveauté du mandat d'Obama.
* Directeur de la chaire des Relations internationales à l'Université
de Belgrano (Buenos Aires), le professeur et analyste politique argentin Julio
Burdman est aussi chroniqueur de divers médias latino-américains et espagnols.
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